HTA après 80 ans : seuls 40% des patients sont à l’objectif tensionnel

07/10/2022 Par Alexandra Verbecq
Cardio-vasculaire HTA
Avec une prévalence de 70% après 80 ans, l’hypertension artérielle, maladie vasculaire la plus fréquente chez les personnes âgées, n’est pas suffisamment contrôlée. 

 

Des données récentes montrent que l’hypertension artérielle (HTA), même après 85 ans est un facteur de risque cardiovasculaire important. « Une récente étude de The Lancet (Rahimi K, et al. 18 septembre 2021) a montré plusieurs résultats intéressants. Une baisse de 5 mmHg de la pression systolique, dans un essai portant sur 350 000 personnes, diminue les événements cardiovasculaires majeurs, quelle que soit la tranche d’âge (de moins de 55 ans à plus de 85 ans). De même, le bénéfice absolu du traitement de l’HTA apparaît encore plus important après 85 ans en termes d’événements évités (insuffisance cardiaque, AVC…) qu’après 55 ans », introduit le Pr Olivier Hanon, chef du service de gériatrie de l’hôpital Broca. 

L’étude Hyvet (2008), un essai randomisé (traitement contre placebo) incluant 4000 patients âgés en moyenne de 83,5 ans, avait déjà montré les bénéfices du traitement anti-hypertenseur avec une réduction de la mortalité totale de 21 %, des AVC mortels de 39 % et de l’insuffisance cardiaque de 64 %. « Ces effets sont majeurs et montrent bien l'intérêt du traitement antihypertenseur chez les personnes de plus de 80 ans. Or, l’étude Esteban de Santé Publique France, montre que le contrôle de la pression artérielle (PA) en France n'est pas suffisamment réalisé puisque tous âges confondus, seuls 50 % des patients hypertendus sont à l’objectif tensionnel, et seuls 40% des plus âgés. Nous avons un problème sur la qualité du contrôle tensionnel, notamment chez les patients âgés, qui peut s’expliquer par la peur des effets secondaires, et notamment de l’hypotension orthostatique (HO). Mais le calcul du bénéfice / risque montre que le bénéfice du traitement de l’HTA est supérieur au risque lié à l’HO, qu’il suffit de surveiller en contrôlant la PA du patient lorsqu’il se met debout », poursuit le spécialiste. 

 

Troubles neurocognitifs majeurs, une autre complication de l’HTA 

L’HTA augmente le risque de troubles neurocognitifs majeurs. Il s’agit d’une part de troubles neurocognitifs d'origine vasculaire. Les petites artères cérébrales perforantes peuvent s’occlure (lacunes) ou s’hypertrophier provoquant une hypoperfusion chronique (hyper signaux de la substance blanche ou leucoaraiose). Parfois il s’agit de lésions des gros vaisseaux (démence post AVC). 

L’HTA favorise également le risque de maladie d'Alzheimer par la formation de plaques amyloïdes. « L’étude SYST-EUR a montré que le traitement antihypertenseur réduit de 50 % la survenue des troubles cognitifs majeurs. Les traitements curatifs n’existant pas dans la maladie d’Alzheimer, il est indispensable d’avoir des traitements préventifs comme l’activité physique par exemple et surtout le contrôle de la PA. Pour les patients non contrôlés, c’est malheureusement une perte de chance car ils développeront plus rapidement des troubles cognitifs », insiste le Pr Hanon.  

Ensuite, une HTA variable d’une consultation à l’autre doit alerter sur un risque encore plus important de démence. « En 2020, nous avions publié une étude sur ce sujet qui a ensuite été reprise par de nombreuses équipes et dont les résultats ont été synthétisés dans une méta-analyse. Les patients ayant une PA variable ont 25 % d'augmentation du risque de troubles cognitifs. Deux classes de médicaments, les antagonistes calciques et les bloqueurs du système angiotensine, montrent dans une méta-analyse (vs autres antihypertenseurs), un effet plus intéressant dans la prévention des troubles cognitifs et celle de la variabilité tensionnelle », précise le médecin. 

 

Personne âgée fragile ou robuste : des objectifs tensionnels différents 

Pour le Pr Hanon, « nous ne raisonnons plus seulement en termes d’âges mais en termes de personnes robustes ou fragiles. Entre 65 ans et 85 ans, la PA d’un patient robuste doit être < 140/90 mmHg, celle d’un patient fragile aura un objectif moins strict < 150/90 mmHg. Et avant 65 ans < 130/90 mmHg. La fragilité se définit par la perte d'autonomie, et/ou des polypathologies, et/ou des polymédications, et/ou de l’HO, et/ou une espérance de vie réduite ».  

La prescription de trois antihypertenseurs après 80 ans est un maximum dans la majorité des cas selon les recommandations françaises. « Pour un patient hypertendu, les recommandations européennes préconisent, de commencer par une bithérapie. Mais cela ne s'adapte pas à la personne âgée chez laquelle nous commençons d'abord par une monothérapie puis, si elle ne suffit pas au bout d'un mois, nous passons à une bithérapie. Si l’objectif tensionnel n’est pas obtenu (toujours au bout d’un mois) nous pouvons proposer une autre bithérapie. Et si cette deuxième bithérapie n'a pas marché, nous passons à la trithérapie. Si le patient reste toujours hypertendu sous trithérapie, il faudra vérifier la bonne observance au traitement et se référer au cardiologue pour éliminer une cause secondaire », indique le Pr Hanon.  

Trois grandes classes de médicaments sont recommandées : les antagonistes calciques, les diurétiques thiazidiques, et les bloqueurs du système rénine angiotensine (ISRA) : IEC ou ARA 2.  

Chez le patient en prévention primaire (sans infarctus, sans AVC, sans autres pathologies vasculaires associées) sont d’abord prescrits les antagonistes calciques (peu d’effets secondaires). S’ils ne fonctionnent pas, sont ajoutés des diurétiques thiazidiques. Et si l’HTA reste élevée, le traitement est complété par un ISRA.  

Chez le patient en prévention secondaire, un ISRA sera d’abord prescrit. Puis, un antagoniste calcique. Et après, si besoin, un diurétique thiazidique.  

Les bêtabloquants ne sont pas indiqués en prévention primaire mais en prévention secondaire, pour traiter des pathologies cardiaques (insuffisance cardiaque, fibrillation atriale, arythmie) et ralentir la fréquence cardiaque. 

Enfin, chez le sujet âgé, le traitement doit être régulièrement surveillé. L’absence d’HO sera vérifiée. Lorsqu’un ISRA ou un diurétique thiazidique, est prescrit, un ionogramme sanguin sera associé à un dosage de la créatinine, 7 jours après avoir débuté le traitement. La formule (débit de filtration glomérulaire / 10) indique le délai de surveillance (par exemple si le DFG est à 30, une surveillance sera nécessaire tous les 3 mois). Le bilan biologique sera contrôlé lors de chaque épisode aigu (fièvre à 40°C, infection pulmonaire, insuffisance cardiaque, chute,…). « Il ne faut pas s’abstenir de prescrire un traitement à la personne âgée comme cela peut être fait de façon erronée. Il faut le prescrire et surveiller plus souvent ces patients », conclut le Pr Hanon. 

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