Les analogues du glucagon-1 humain (GLP-1), déjà indiqués dans le diabète de type 2, démontrent une bonne efficacité sur la perte de poids, en complément de la prise en charge nutritionnelle. Nutritionniste formée à Lille et installée au Canada, le Dr Marie Pigeyre, spécialiste de l’obésité, fait le point sur les avancées des différents traitements médicaux dans la prise en charge de cette maladie chronique. Egora : Sur le plan épidémiologique, comment évoluent l’obésité et le surpoids en France ? Dr Marie Pigeyre : Avant le Covid, le surpoids et l’obésité continuaient à progresser avec toutefois un ralentissement. Les mesures du plan nutrition santé commençaient à fonctionner. Mais avec la crise sanitaire, on peut s’attendre à une ré-accélération de sa progression. En résumé, la situation allait mieux mais je pense qu’elle va se dégrader après ces derniers mois. Beaucoup d’études sont en cours sur l’impact du confinement sur le mode de vie, l’obésité et sa prise en charge. Nous en saurons plus très vite…
Quels sont les points clés de la prise en charge nutritionnelle des patients en obésité ? Le point majeur, c’est la motivation à changer son comportement autant dans l’alimentation que dans l’activité physique. Le deuxième point, c’est un rééquilibrage alimentaire réaliste et personnalisé sans restrictions strictes pour ne pas risquer d’aggraver des frustrations et des troubles du comportement alimentaire. Cela consiste à créer des changements dans l’alimentation pour pouvoir les maintenir sur le long terme, redonner une régulation de l’appétit plus physiologique et travailler sur les sensations alimentaires en éduquant le patient à s’arrêter de manger quand il n’a plus faim. Troisième point : promouvoir...
l’activité physique et savoir identifier les freins motivationnels. Sur le plan médicamenteux, quelle est la place de l’orlistat dans la prise en charge des patients ? Le principe de l’orlistat est de diminuer l’absorption des graisses que l’on va ingérer, mais il n’a pas prouvé qu’il avait un effet à très long terme. Pris régulièrement, il va entrainer une perte de poids de l’ordre de 5 et 10% du poids total sur une durée allant de 6 mois à 1 an. Mais ce médicament présente des inconvénients : il est difficile de stabiliser son poids quand on l’arrête. De plus, il n’est pas remboursé par l’Assurance maladie. En outre, les effets secondaires sont particulièrement pénibles. En effet, ce médicament bloque la lipase digestive, le gras ne va pas être absorbé et va rester dans les selles qui vont être molles et grasses. En conséquence, il reste peu prescrit.
Y-a-t-il d’autres traitements médicamenteux sur le marché actuellement ? Il y a d’autres médicaments qui doivent arriver comme les analogues du glucagon-1 humain (GLP-1), comme tout d’abord le liraglutide, qui est utilisé aujourd’hui pour traiter le diabète de type 2. Des études montrent des effets directs sur la perte de poids. Ce sont des traitements par injections à plus ou moins longue durée d’action selon la molécule, une fois par jour pour le liraglutide. Aux Etats-Unis et au Canada, l’autorisation de mise sur le marché pour l’utilisation de ces médicaments dans le cadre de l’obésité existe depuis des années. Pour moi, ces médicaments sont très prometteurs. Au sein de mon cabinet canadien, je les utilise au quotidien et ils sont vraiment très efficaces. Ce traitement est un peptide digestif. Il augmente la sensation d’être rassasié, et diminue l’appétit. Les patients mangent moins, avec un effet de rassasiement plus rapide, de satiété plus longue, et vont donc retarder leur prise alimentaire. Les analogues du GLP-1 ont, par ailleurs, un effet métabolique qui est plutôt très favorable sur la métabolisation hépatique des lipides et des glucides, et des effets cardio-vasculaires protecteurs en cas de diabète. On n’atteint pas les résultats de la chirurgie bariatrique mais cela peut aller jusqu’à 20% du poids initial du patient sur un an. Ce type de...
traitement concerne tous les patients en obésité avec un IMC au-delà de 30. Quels sont leurs effets secondaires ? Les effets secondaires viennent majoritairement du principe actif. L’effet de satiété du médicament s’obtient par un ralentissement de la vidange gastrique donc on a l’impression de digérer moins vite. Certains patients peuvent se sentir nauséeux après le repas ou avoir une digestion difficile et, dans des très rares cas, des problèmes de pancréatites aiguës. Pour limiter ces effets secondaires, il y a différents paliers d’administration. On commence par une petite dose pour augmenter petit à petit si cela ne pose pas de problème particulier. Les nausées engendrées par ce médicament peuvent être plus fréquentes après un repas lourd et copieux, même tendent à s’estomper avec la durée d’utilisation. Dans un sens, cela peut aussi aider le patient à modifier son alimentation.
Y a-t-il d’autres classes thérapeutiques en cours de développement dans l’obésité ? Les analogues du GLP-1 sont un peptide digestif, une hormone qui agit sur un niveau de régulation purement énergétique. Mais on a également des molécules anorexigènes en développement qui agissent sur un aspect plus cognitif et émotionnel de l’alimentation (stress, envie). Enfin, le setmelanotide est une molécule prometteuse. Elle est réservée aux patients avec un terrain génétique prédisposant à l’obésité et permet une meilleure régulation de l’appétit. La chirurgie, quant à elle, est réservée aux patients en état d’obésité sévère avec un IMC au-delà de 35 avec complications liées à l’obésité. Pour traiter les obésités sévères, la chirurgie est plus efficace à moyen et long terme qu’un traitement médical mais elle doit être bien préparée et bien suivie au niveau pluridisciplinaire. Pour le reste des patients en obésité avec un IMC entre 30 et 35 sans complications, la prise en charge nutritionnel et médicale a toute sa place. *Le Dr Pigeyre déclare n’avoir aucun lien d’intérêt.
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