Cancer prostatique : avec l’IRM, le diagnostic sort de l’impasse

14/12/2023 Par Romain Loury
Urologie 117e congrès annuel de l'Association française d'urologie
Longtemps limité au toucher rectal et au dosage du PSA, le diagnostic du cancer de la prostate a connu d’importantes avancées ces dernières années grâce à l’IRM, qui permet de limiter le recours à la biopsie, donc le risque de surdiagnostic et de surtraitement.

  Premier cancer incident et troisième cause de mortalité cancéreuse chez l’homme, le cancer de la prostate « se prête très bien à la détection précoce, parce qu’il a une longue phase d’évolution », rappelle le Dr Guillaume Ploussard, chirurgien urologue à la Clinique la Croix du Sud (Quint-Fonsegrives, 31) et responsable du comité cancer de la prostate de l’Association française d’urologie (AFU). Pourtant, ce cancer ne fait pas l’objet d’un dépistage organisé, comme ceux du sein, du col de l’utérus et colorectal. A ce jour, les conditions ne sont pas réunies aux yeux des autorités sanitaires, d’autant qu’aucune étude n’a clairement démontré ses bénéfices en termes de survie (1). En cause, le fait que ce cancer soit souvent peu évolutif. Dans la plupart des cas, il y a peu d’intérêt à le diagnostiquer chez des hommes âgés, et encore moins à leur administrer de lourds traitements anticancéreux, dont les effets indésirables altèrent leur qualité de vie. En raison de l’âge avancé des patients, ceux-ci décèdent fréquemment d’autres causes que leur cancer. Jusqu’au début des années 2010, la décision de pratiquer une biopsie, acte douloureux et à risque de complications, se prenait sur la base du toucher rectal et du taux de PSA. Or la valeur seuil de PSA, de 4 ng/mL, présente une faible valeur prédictive positive (VPP), de seulement 30%, selon la Haute Autorité de santé (HAS) (2) : pour 100 patients positifs au dosage de PSA (et donc biopsiés), seuls 30 s’avèrent atteints d’un cancer localisé de la prostate. Depuis, le recours à l’imagerie par résonance magnétique (IRM) a changé la donne.   Un nouveau « filtre » avant la biopsie Selon le Dr Guillaume Ploussard, l’IRM constitue « un filtre que nous n’avions pas avant ». En cas de toucher rectal et/ou de taux de PSA élevé, le patient est désormais invité à un examen IRM, et c’est sur la base de ses résultats que sera déterminé le besoin de biopsie.  « Dans une population de plus de 50 ans, en recourant seulement au toucher rectal et au dosage du PSA, environ 15% des hommes étaient orientés vers la biopsie. Avec l’IRM, on ne sélectionne plus que la moitié d’entre eux », explique l’urologue. De plus, l’imagerie permet de mieux cibler la zone de la prostate à biopsier, plutôt que d’avancer à l’aveugle comme tel était le cas auparavant. « L’IRM a permis d’éviter des biopsies moins nécessaires, et a aussi ouvert la voie à des biopsies plus efficaces », ajoute-t-il. Face à ces avancées, déjà largement intégrées à la pratique urologique, le Conseil de l’UE a appelé, en décembre 2022, à réévaluer la faisabilité et l’efficacité d’un dépistage organisé du cancer de la prostate -en plus de ceux du poumon et de l’estomac. L’AFU se montre prudente : selon son président, le Pr Alexandre de la Taille, chef du service d’urologie de l’hôpital Henri-Mondor (Créteil), « nous sommes plutôt en faveur d’un diagnostic précoce intelligent que d’un dépistage de masse, parce que trouver un cancer de la prostate c’est trop facile (…) il faut diagnostiquer à bon escient pour éviter les surdiagnostics et les surtraitements ». L’AFU prévoit de mener une grande étude afin de mieux évaluer l’intérêt de nouvelles approches de dépistage, combinant IRM, biomarqueurs et intelligence artificielle.   Un suivi dès 50 ans, voire avant si prédisposition Dans ses recommandations 2022-2024 sur le cancer de la prostate (3), l’AFU conseille d’initier un suivi dès l’âge de 50 ans dans la population générale, chez les hommes ayant une probabilité de survie prolongée d’au moins 10 ans, mais dès « 40 ou 45 ans » chez ceux ayant des antécédents familiaux de cancers de la prostate, du sein et de l’ovaire, ainsi que chez ceux d’origine afro-antillaise, génétiquement à risque accru de développer ce cancer. D'après une analyse du Système national des données de santé (SNDS) présentée au 117ème CFU, l’incidence du cancer de la prostate, en hausse au cours de la période 2010-2021, s’élève à environ 47 000 nouveaux cas par an en France. Pour un cancer localisé, l’âge moyen au diagnostic est de 70,1 ans, l’âge de décès (toutes causes confondues) de 80,5 ans. Environ 4,6% des cancers de la prostate sont diagnostiqués au stade métastatique.  

Le toucher rectal en perte de vitesse
Le toucher rectal a-t-il encore sa place dans le diagnostic ? En avril, un consensus d’experts internationaux estimait que sa valeur ajoutée était désormais faible, à l’ère du PSA et de l’IRM (Moore CM et al, European Urology Oncology, avril 2023). Ce geste phare de la pratique clinique en urologie semble d’ailleurs en déclin, d'après une enquête menée auprès de jeunes urologues français et belges. Selon ses résultats préliminaires, présentée au CFU, 83% des répondants disent le pratiquer, mais seuls 72% le jugent encore indispensable, et 25% estiment qu’il sera supplanté par l’IRM.

    1) Ilic D et al., Cochrane Database of Systematic Reviews, 31 janvier 2013
2) Haute Autorité de Santé. Détection précoce du cancer de la prostate - Actualisation du référentiel de pratiques de l’examen périodique de santé (EPS). Mai 2013
3) Ploussard G et al, Progrès en Urologie, novembre 2022     Les autres articles de ce dossier :  - Fertilité masculine : les urologues mobilisés face à une « épidémie mondiale »
- Dysfonction érectile : les généralistes réticents ?
- Hypogonadisme : la testostérone demeure peu prescrite
- Cystites récidivantes : les traitements non médicamenteux montent en grade  

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