Aides financières, vidéoprotection... comment Pécresse veut séduire les médecins

21/11/2017 Par Gaëlle Desgrées du Loû
Démographie médicale

Face à l’augmentation des zones en tension, Valérie Pécresse, la présidente de la région Île-de-France, promet simplification, réactivité et pragmatisme dans le déploiement de son plan régional de lutte contre les déserts médicaux. "Notre plan s’adresse à toutes les catégories de médecins", assure-t-elle.

  3,5 millions d’euros par an, c’est la somme que va débloquer la région pour lutter contre les déserts médicaux. Le diagnostic sur l’offre de soins dans la région est-il si alarmant ? Valérie Pécresse : On ne le sait pas mais l’Île-de-France est le premier désert médical français ! Dans notre région, une commune sur deux n’a aucun médecin généraliste installé. 430 000 personnes sont ainsi impactées par la pénurie de soins. Le cas de notre région est singulier car nous avons beaucoup plus d’habitants qu’ailleurs et en même temps une très faible attractivité de l’installation, à quelques dizaines de kilomètres d’une grande ville. Par ailleurs, les généralistes et spécialistes de secteur 1 sont extrêmement rares à Paris, à cause du coût de la vie et du prix des loyers.   Quelles sont les spécificités de la région ?  Avec Farida Adlani, vice-présidente chargée des Solidarités, de la Santé et de la Famille, nous avons identifié trois facteurs spécifiques à l’Île-de-France : l’insécurité qui touche certains cabinets médicaux, le manque d’attractivité de certaines zones et les temps de trajets, notamment en grande couronne. Nous avons donc décidé de mettre en place un plan spécifique. Nous allons ainsi d’abord consacrer un large budget à l’aspect sécurisation des cabinets. Nous nous adapterons à la demande des cabinets, qu’il s’agisse de sas d’entrée, de caméras de vidéoprotection, de subventions pour les aménagements urbains ou de liens technologiques réalisés avec la police. Pour toutes les aides financières que nous allons verser, nous nous autoriserons à nous affranchir du zonage territorial de l’agence régionale de santé, en accord avec cette dernière.   Pour quelles raisons s’en affranchir ? Quels critères allez-vous intégrer pour définir les zones déficitaires ? Le zonage est trop statique, n’est pas pertinent et crée parfois des effets pervers. À quelques dizaines de kilomètres, on peut refuser quelqu’un qui aurait vraiment envie de s’installer, alors que cela pourrait desservir un bassin en pénurie. Nous allons donc prendre davantage en considération, en temps réel, les départs en retraite et la fermeture de cabinets. Cette intervention plus dynamique nous permet de nous adapter aux évolutions des territoires. Les remontées de terrain vont nous servir de baromètre. Nous avons créé trop de contraintes, avec des normes trop rigides et strictes dans l’accès aux aides. Aujourd’hui, notre plan de lutte contre les déserts médicaux s’adresse à toutes les catégories de médecins, mais également aux autres professions de santé, telles que les kinésithérapeutes, les infirmiers et les sages femmes. Toutes les structures d’exercice collectif, quel que soit leur mode (salarié ou libéral), mais aussi les libéraux exerçant seuls pourront désormais recevoir des subventions. Nous ne retirerons pas les aides aux maisons de santé qui accueillent des praticiens de secteur 2. Nous encouragerons aussi l’exercice partagé, dans les maisons de santé, en particulier l’exercice partagé universitaire. Nous avons beaucoup dépensé ces dernières années dans l’immobilier, beaucoup moins dans les personnes. Ce que nous voulons avant tout, c’est déclencher la décision d’installation et accompagner les professionnels de santé. Car, j’en suis convaincue, la question de la lutte contre les déserts médicaux viendra de ceux qui œuvrent chaque jour pour la santé de leurs patients. Nos mesures sont faites pour leur donner les bons outils pour y parvenir.   Vous annoncez vouloir aider en particulier les sages-femmes et les kinésithérapeutes… Nous sommes une région très jeune et souffrons d’un déficit de sages-femmes. Par ailleurs, face à l’allongement de la durée de la vie et au vieillissement de la population en milieu rural, nous avons aussi besoin de plus de kinésithérapeutes. Nous allons donc concentrer nos aides individuelles à l’installation non plus sur les étudiants en médecine, qui sont déjà aidés par l’État, mais sur les étudiants kinés et sages-femmes, à raison de 700 euros par mois, en contrepartie d’un engagement à exercer en zone carencée pendant trois ans. Par ailleurs, concernant les médecins, je suis favorable au niveau national à ce qu’ils s’engagent à servir en zone carencée – au moins en temps partagé – , alors que les études de médecine en France sont très peu chères. En contrepartie, je souhaite une augmentation du numerus clausus.   Comment va se concrétiser votre soutien à la télémédecine ? Nous sommes prêts à financer, en lien avec plusieurs start-up, un certain nombre de solutions de télémédecine sur le territoire. Nous en avons même parlé avec la Poste, avec qui nous avons un partenariat spécifique. Mais ce qui est évident, c’est que la télémédecine ne fonctionnera aujourd’hui que si les téléconsultations sont remboursées. Nous militons donc pour la prise en charge par l’Assurance maladie des consultations de télémédecine, car nous pensons que c’est un outil indispensable pour les affections chroniques et les affections de longue durée. La Cnam craint que sur le court terme cela augmente l’offre de soins. C’est très paradoxal, parce qu’on ne peut pas plaider pour une vraie médecine préventive et s’opposer à ce qu’on consulte davantage, en tout cas plus tôt. Je pense qu’il y aura une régulation très bénéfique sur le long terme pour éviter l’aggravation des pathologies. Nous pourrons aussi encourager la possibilité à terme de se connecter à son médecin, de manière individuelle, via des réseaux sécurisés. Je crois qu’il faut passer d’une logique de défiance à une logique de confiance vis-à-vis de la télémédecine.  

L’aide régionale en chiffres

Soutien à la réalisation d’investissements relatifs à l’acquisition foncière, travaux, équipements médicaux, informatiques : prise en charge de 50 % des dépenses avec un plafond de 15 000 € pour les équipements individuels et de 150 000 € pour les équipements collectifs.
Aide à l’acquisition foncière et aux travaux pour les structures collectives : 30 % des dépenses avec un plafond de 300 000 €.
Sécurisation : 50 % des dépenses avec un plafond de 15 000 €.

 

Faire confiance aux acteurs de terrain : le leitmotiv d’Agnès Buzyn

Lors de la présentation de son Plan national de lutte contre les déserts médicaux, le 13 octobre, la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a mis en avant la "responsabilité territoriale" des médecins. Elle veut inciter les professionnels de santé libéraux et hospitaliers "à s’organiser entre eux pour trouver des solutions innovantes de projection de temps médical sur le territoire sous-doté", a-t-elle déclaré à Egora. Un fonds pour l’innovation, doté de 30 millions d’euros, verra le jour. Autres annonces phares : le doublement du nombre de maisons de santé pluriprofessionnelles, la création de 300 postes en activité mixte ville et hôpital et les premières formations d’infirmières en pratiques avancées dès septembre 2018.

  Interview initialement publié dans le numéro de novembre 2017 du Concours médical

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