Egora : Votre livre rend hommage aux soignants, notamment à ceux de la ville, en première ligne pendant la crise et oubliés par les autorités sanitaires. Quel était votre objectif ? Dr Jérôme Marty : C’est un besoin de témoignage par rapport à ce qu’on a vécu, nous, soignants. Je l’ai agrémenté avec des témoignages d’autres professionnels de santé, de toutes horizons, qui servent d'ancrage et d'éléments de preuve. On a tellement vécu de mensonges, de manipulations, d’attentismes, de retards qu’on a eu l’impression de vivre des violences répétées. J’ai donc voulu garder une trace de tout cela, et surtout, montrer au grand public ce qui a été l’envers du décor. Ce livre s’adresse à tout le monde : aux politiques, à la population et aux professionnels de santé. J’ai décidé d’intégrer certains tweets que j’ai pu écrire à ces moments-là dans le livre, par exemple, pour relater des moments précis qui permettent de se ré-ancrer sur les dates. C’est une succession de points qui nous permettent de voir la cascade de l'échec. On commence par le retard pris, puis par le fait qu’on nous cache le manque de masques, le manque des tests. Et comme il manque des choses, on a mis en place une doctrine qui est basée sur ce manque. On s’est enferré dans ce mensonge qui n’a fait que grossir pendant trois mois. Avec les conséquences qu’on connaît.
Son titre, “Le scandale des Soignants contaminés”, est provocateur. Pourquoi avoir choisi ces termes ? Un soir pendant la crise, le hasard fait qu’à 23h30, j’ai reçu l’appel de deux familles de médecins qui sont malheureusement décédés à cause du Covid. Leurs propos ont été quasiment identiques : ces médecins ont été contaminés et n’avaient pas pu trouver de masques. Les pharmacies ne leur en avaient pas donné. Ils avaient tous les deux une grosse quantité de patients en consultation. A ce moment, on était en phase 2. Dans le Grand Est comme partout, force est de constater que les patients allaient voir leur médecin traitant parce qu’ils ne comprenaient pas ce qu’ils avaient ou qu’ils avaient peu de symptômes. Donc, les médecins étaient au contact de la maladie et n’avaient aucun moyen de se protéger, ils ont respiré beaucoup de charge virale et en sont morts. Si ça ce n’est pas une contamination de soignants, un vrai scandale de soignants contaminés… Je ne sais pas ce que c’est ! On a été dans l’incapacité de protéger ceux qui soignent. D’autre part, je l’explique dans le livre, j’ai vécu la période du sida quand j’étais externe. Inconsciemment, le scandale du sang contaminé m’est revenu.
Sa publication intervient alors qu’il est question d’une recrudescence des cas, voire d’une deuxième vague. Quelles leçons tirer de votre récit pour le futur ? Dans ce livre, j’attaque le Gouvernement pour ses erreurs. Mais je crois que nous sommes maintenant dans une phase de construction et de reconstruction. Il faut tirer les leçons des erreurs qui ont été commises. Et surtout, il faut beaucoup plus se pencher sur le terrain ! On voit que le Gouvernement le fait un peu plus, maintenant. Si on s’intéresse aux tribunes qui ont été publiées récemment par des médecins, sur le port du masque par exemple, ils ont été entendus. C’est important. Je le redis à plusieurs reprises dans le livre : on a pas voulu prendre en compte la médecine libérale, la médecine de ville, alors qu’on voyait 95% des patients. A partir de là, on a un focus sur l’épidémie qui a été totalement biaisé. Maintenant, il faut tirer profit de la chance qu’à ce pays d’avoir une médecine libérale forte et un hôpital fort et se servir des deux pour avancer. Comme je l'écris, il faut “allumer la lumière”. Je pense malgré tout qu’il y a des éléments positifs à tirer de tout cela. Il y a des choses qu’il faut toujours améliorer : l’absence de test sondage, les délais de dépistage, le fait qu’on ne puisse pas tester en cabinet ou dans les pharmacies. En bref, il me semblait normal en écrivant ce livre de revenir sur tout cela tout en rendant hommage aux soignants.
Le scandale des soignants contaminés par le Dr Jérôme Marty. Editions Flammarion. 336 pages
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