Garantie de revenus, protection sociale… Un nouveau contrat d'installation pour "diminuer les angoisses" des jeunes médecins
Les salariés ont le CDI, les libéraux auront le CDE. Le ministère de la Santé s'apprête à lancer officiellement son "contrat de début d'exercice" à destination des jeunes médecins qui souhaitent exercer dans des zones sous-denses. Un contrat cumulable avec les aides conventionnelles ou territoriales. Ce contrat d'aide à l'installation, conclu avec les ARS, est né d'un constat : celui du faible recours aux dispositifs étatiques existants. Seuls 1307 contrats "jeunes médecins" ont en effet été signés depuis 2013, dont 1208 contrats de praticien territorial de médecine générale (PTMG). Dans un rapport rendu en septembre 2019, le Dr Sophie Augros, ancienne présidente du syndicat Réagjir* mandatée par le ministère sur la question, notait que seuls 7 à 8% des jeunes médecins éligibles en 2018 avaient signé un contrat PTMG. Le contrat de praticien de médecine ambulatoire (PTMA), signé par 71 médecins, offre quant à lui des "avantages trop maigres", tandis que le contrat de praticien territorial de médecine de remplacement (PTMR), signé par 19 personnes seulement, fixait des seuils d'activité "inatteignables" pour ceux qu'il est censé cibler, les internes remplaçants et les remplaçants thésés depuis moins de trois ans. Enfin, très spécifique, le contrat de praticien isolé à activité saisonnière (Pias) n'a été signé que par 9 médecins.
Alors que plusieurs voix se sont élevées ces dernières années pour dénoncer le gâchis des aides à l'installation, plaidant pour la contrainte, une refonte s'imposait. Objectif premier : simplifier le dispositif... y compris aux yeux des ARS. "On avait quatre contrats à porter, on en a plus qu'un", a salué Marine Chauvet, directrice adjointe soins de proximité et formation en santé à l’ARS de Bretagne, lors d'une conférence de presse organisée par le ministère, lundi 22 mars. Ce contrat concerne toutes les situations, tous les statuts de professionnels qui s'installent, les généralistes, les spécialistes, les collaborateurs, les remplaçants…". Et ce, qu'ils exercent à temps plein ou à temps partiel. "Dans les contrats précédents, nous avions des seuils : c'était blanc ou noir pour bénéficier d'une garantie de ressources. Alors que là, on est engagé sur une proratisation ce qui permet de s'adapter au temps d'exercice des médecins", souligne la représentante de l'ARS Bretagne. Ainsi qu'aux aspirations des jeunes médecins, qui veulent pouvoir concilier vie professionnelle et vie personnelle ou exercice libéral et salarié. Comme pour le PTMG, le point fort du CDE reste la garantie de...
rémunération offerte aux jeunes médecins qui n'atteignent pas un certain plafond de revenus, fixé par arrêté en fonction de leur statut et de leur temps d'exercice. Le "risque économique" est en effet un frein majeur à l'installation pour 89% des internes en médecine générale, relève Morgan Caillault, président de l'Isnar-IMG, s'appuyant sur les résultats d'une enquête du syndicat. Si l'aide financière n'est pas le critère déterminant de l'installation en cabinet, elle, en influence le lieu pour près de 9 répondants sur 10, insiste-t-il. Concrètement, un médecin généraliste installé ou collaborateur exerçant 5 demi-journées par semaine (le minimum requis pour ce contrat) pourra ainsi toucher jusqu'à 2350 euros par mois de complément de revenus, et un médecin exerçant 9 demi-journées, jusqu'à 4250 euros de complément de revenus. La somme versée dépendra du montant des honoraires touchés, un minimum étant fixé pour chaque tranche d'activité et statut. En échange, le médecin signataire doit respecter les tarifs opposables.
Mais contrairement au PTMG, d'une durée d'un an renouvelable, la garantie financière du CDE, conclu pour 3 ans, ne s'applique que lors de la première année. "On s'aperçoit surtout que c'est la première année dont on en a besoin, relève Marine Chauvet. Dans un territoire déficitaire, il est facile de développer sa patientèle." Pour la représentante de l'ARS, la garantie de revenus, plus qu'une "aide financière", est surtout l'opportunité de "dégager du temps" pour bien s'installer, pour "repérer les pairs", et "s'inscrire dans un exercice coordonné". C'est d'ailleurs une condition sine qua non du contrat : le signataire doit s'engager dans un dispositif d'exercice coordonné dans les deux ans suivant la signature du contrat (maison de santé, CPTS et/ou équipes de soins). "On le sait, c'est ce qui permet d'assurer la pérennité de l'installation et de l'exercice, insiste Sophie Augros. Il ne faut pas qu'on soit sur des médecins mercenaires qui viendraient chercher une aide." Autre avantage de ce contrat...
la protection sociale, valable toute la durée du contrat. Alors que rares sont les jeunes médecins qui ont souscrit une prévoyance privée, le CDE permet de bénéficier d'un complément de revenus entre le 8e et le 90e jour d'arrêt maladie, équivalent à environ 70 euros par jour pour un médecin exerçant au moins 9 demi-journées par semaine. Pour les remplaçants, il offre une aide maternité/paternité/adoption équivalente à l'avantage supplémentaire dont bénéficient les médecins installés, signataires de la convention. Enfin, les ARS s'engagent à proposer aux jeunes médecins un accompagnement à la gestion de l'entreprise médicale qu'est le cabinet, angle mort des études de médecine et autre source d'"angoisses" pour les jeunes.
Echaudé par l'échec des PTMG et autres contrats à sigles, le ministère se refuse à fixer un objectif chiffré de signature annuel pour le CDE. Les sommes engagées étant issues du fonds d'intervention régional (FIR) des ARS, il n'y aura pas de limites, promet-on. En Bretagne, "une dizaine" de contrats sont d'ores et déjà en attente de signature, signale Marine Chauvet, qui table sur un nombre au moins équivalent à celui du PTMG, soit 25 par an en moyenne. Les ARS ne seront plus restreintes aux seules ZIP (zones d'intervention prioritaire) et ZAC (zones d'action complémentaire) mais pourront contractualiser avec un jeune médecin qui s'installe dans les 10 km alentours. "On sait que leur installation peut profiter aux zones prioritaires, l'objectif est avant tout de les desservir", insiste Sophie Augros. Verdict dans quelques années. *Regroupement autonome des généralistes jeunes Installés et remplaçants.
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