Egora : Quel bilan tirez-vous de ces cinq dernières années ?
Dr Jacques Battistoni : Sur le plan conventionnel et tout ce qui concerne l’exercice professionnel des médecins généralistes, nous avons fait une partie du chemin qui nous rapproche d’une forme de rééquilibrage de la médecine générale par rapport aux autres spécialités médicales. Il y a des avancées importantes, notamment la notion d’équité sur les rémunérations qui a progressé et qui s’est traduite dans la convention de 2016 par un certain nombre de tarifs de base, même si le tarif de base est beaucoup plus fréquemment utilisé par les médecins généralistes que par les autres spécialités. Nous avons aussi eu des avancées très significatives en matière de protection sociale, notamment l’Avantage supplémentaire maternité (ASM), qui est une revendication portée de bout en bout par MG France, négociée et obtenue. Dans le même ordre d’idée, les assistants médicaux constituent aussi une revendication portée, défendue et obtenue par MG France, même si le résultat est un peu plus complexe que ce que nous aurions souhaité. Nous aurions aimé un dispositif simple, clair et lisible. Finalement, nous avons un dispositif un peu moins clair et lisible...mais il existe néanmoins. On peut se réjouir aussi du développement d’un certain nombre de forfaits dont on a vu l’intérêt, et je ne parle pas de la rémunération sur objectifs de santé publique (Rosp), dont on voit bien les imperfections, qui devra être profondément réformée pour être acceptée pleinement par les médecins. Je parle plutôt du forfait structure et du forfait patientèle médecin traitant qui sont des revendications du syndicat. Cela a tellement fait école que le forfait structure existe maintenant dans l’ensemble des professions de santé. Ce n’est pas rien.
Si on doit tempérer les choses : il y a effectivement encore du chemin pour que la profession de médecin généraliste soit aussi attractive que d’autres professions, pour que nos conditions d’exercice soient à la hauteur de ce dont nous avons besoin, que notre confort d’exercice soit véritablement satisfaisant. On voit bien le chemin qu’il reste à parcourir, je crois qu’il est assez fléché. Le programme de MG France indique clairement vers quoi il faut tendre. Comment réduire le différentiel de rémunération entre professions médicales ? Il s'agit d’aller plus dans ce qu’on a déjà commencé à faire, c’est-à-dire avoir vraiment des tarifs qui soient équitables. Dès lors qu’on fait le même acte, il doit être rémunéré de la même façon. Une consultation de suivi gynécologique, une consultation de pédiatrie, il n’y a pas de raison, si elle a le même contenu, qu’elle soit payée différemment pour le médecin généraliste ou pour le médecin d’une autre spécialité. Je crois que là-dessus, il faut être ferme. Les consultations du médecin généraliste sont souvent...
des consultations complexes. Il y a clairement une sous-évaluation des tarifs, tout simplement parce qu’on est nombreux et que si on les valorise, cela va coûter de l’argent. C’est notamment le cas de la visite à domicile. Si elle n’a pas été valorisée, ce n’est pas parce que l’Assurance maladie ne reconnaît pas que ça prend du temps et que ça a une valeur, c’est parce que ça coûte. C’est assez difficile à entendre. La convention 2022 devra aller plus loin dans la recherche d’une meilleure équité entre spécialités médicales. Elle est fondamentale si on veut que la médecine générale soit une spécialité aussi reconnue et aussi recherchée que les autres. Aujourd’hui, il reste un différentiel moyen relativement élevé, alors que la charge de travail est forte en médecine générale. Si d’autres spécialités sont choisies, c’est parce que la charge de travail est moins forte et qu’elles sont mieux rémunérées, parce que ce n’est pas plus intéressant que la médecine générale. C’est très intéressant d’être médecin généraliste. Vous défendez une valeur du C à 30 euros. Est-ce réalisable ? Oui bien sûr. Le médecin généraliste quand il regarde les choses, il se dit : “Qu’est-ce qui est important pour moi ? C’est d’abord ce qui me permet de faire vivre mon entreprise médicale.” La valeur du C, ça reste ce qui conditionne 80% de ses rémunérations. À juste titre, il faudrait modifier profondément la répartition des choses pour que la valeur du C cesse d’être cet indicateur de la rémunération du médecin généraliste. Je ne dis pas que 30 euros est une valeur parfaite, on peut toujours trouver qu’on pourrait faire mieux. Mais c’est aussi faire preuve d’équilibre et de réalisme que de penser qu’il ne faut pas forcément tout axer sur la valeur de l’acte de base si on veut revaloriser la profession. Il faut garder des ressources pour revaloriser certains de nos forfaits, et pouvoir aussi avoir des revalorisations ciblées sur des actes dont on connaît l’importance en termes de santé publique, je pense notamment à la visite.
Il ne vous a pas échappé que nous avons une revendication sur la visite à un niveau élevé, mais c’est un signal. Il s’agit de montrer que la visite est quelque chose de fondamental pour la prise en charge de la population. Si on veut que la visite soit honorée à un niveau important, c’est parce qu’on souhaite que les médecins généralistes ne soient pas pénalisés lorsqu’ils font des visites. Aujourd'hui ils le sont : faire une visite à 35 euros, ça s’apparente plus au bénévolat qu’à un véritable exercice de la médecine. C’est totalement anormal d’être payé 35 euros pour...
passer une demi heure voire trois quarts d’heures pour des visites complexes, et c’est le cas. Il y a à la fois un scandale pour la population parce qu’en maintenant la visite à un niveau bas, on pénalise l’accès aux soins de la population notamment en milieu rural et des patients qui vieillissent ; mais c’est aussi un manque de respect par rapport au travail des médecins généralistes que de les honorer si mal. MG France demande donc 60 euros et une majoration qui augmente significativement. Vous militez par ailleurs pour l’extension des consultations complexes… L’ensemble des partenaires conventionnels (l’Assurance maladie, les syndicats médicaux) s’étaient accordés pour valoriser un certain nombre de consultations dans des situations précises. En pratique, le système mis en place par l’Assurance maladie, avec une comptabilisation du nombre de visites acceptables par an, fait que, quand la situation se présente, le médecin ne sait généralement plus où il en est et facture une consultation de base qui devrait être mieux valorisée. Si toutes ces consultations étaient systématiquement prises en charge, ça irait. Le compte n’y est pas. Il y a quelque chose à rééquilibrer. Pour nous, il faut déterminer un certain nombre de situations où la consultation est considérée comme complexe et qu’elles soient toutes valorisées au même niveau, avec des conditions d’applications simples. Par exemple : quand on prend en charge un patient qui a plusieurs pathologies en même temps et qu’il y a un besoin de coordination ou de second recours.
Vous parliez de réformer la Rosp. Pourquoi ? Aujourd’hui on fait un constat d’échec. On peut comprendre le souhait des financeurs d’obtenir des résultats en termes de qualité, je dois dire que le fait d’avoir tenté de refaire les choses dans le cadre de la convention 2016, ça n’a pas bien fonctionné. Il faut trouver mieux, différemment. Les objectifs restent encore trop largement...
des objectifs économiques qui n’ont forcément beaucoup de sens pour les médecins, ou ils sont difficiles à calculer et reposent sur du déclaratif. Une véritable révision générale de la Rosp s’impose. Au-delà du forfait structure et du forfait patientèle médecin traitant, vous proposez la création d’un nouveau forfait primo-installation. Nous sommes partis de ce constat : l’accès aux soins pour la population, la qualité de vie des médecins qui travaillent, sont très dépendants de l’installation de jeunes confrères. Beaucoup de médecins remplaçants tardent aujourd’hui à s’installer. Parfois, quand ils tardent trop, ils sont attirés vers d’autres types de carrières (salariat, établissement de santé…). Inciter les jeunes médecins à s’installer peut-être plus vite, alors qu’on doit faire face à un déficit démographique attendu avec le départ à la retraite des générations des années pléthoriques du numerus clausus, ça implique de leur donner un vrai signal en faveur de l’installation. C’est pour ça qu’on a imaginé une forme de valorisation un peu équivalente à ce qu’on a lorsqu’on bénéficie d’un forfait patientèle médecin traitant et qu’on est installé depuis longtemps. On fonctionne en fait avec une forme de garantie de trésorerie. On a bien vu que les médecins attendent dorénavant régulièrement l’arrivée de ces forfaits qui arrivent tous les trimestres. Le généraliste, quand il s’installe, n’a pas ce socle de trésorerie. L’idée, c’est de donner un coup de pouce aux médecins qui s’installent. Cela leur permettra de faire face aux premières échéances. Ces propositions sont partagées par les syndicats de jeunes médecins. Aujourd’hui, il existe beaucoup de primes, de contrats, etc. pour l’installation : notre souhait serait de simplifier et de proposer quelque chose d’unique.
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M A G
Non
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