Patients âgés "récusés" en réa, prescriptions hors AMM… Ces dilemmes éthiques qui ont tourmenté les médecins français
"La direction demandait le confinement d'un résident dément Covid+ asymptomatique dans sa chambre fermée à clé. J'ai refusé." A l'instar de ce généraliste, de nombreux médecins français ont été confrontés à des enjeux éthiques inédits durant la crise du coronavirus. Le site Medscape dévoile ce mardi 23 juin les résultats d'une enquête à laquelle 336 praticiens français (80% de spécialistes, 20% de généralistes) ont participé. Elle passe en revue l'ensemble des dilemmes qui se sont posés aux médecins. Le premier d'entre eux étant de soigner sans pouvoir se protéger : 41% des répondants (57% des généralistes) ont ainsi été en contact direct avec des patients atteints de Covid sans équipement de protection adéquat. Près d'un médecin sur cinq indique par ailleurs avoir prescrit des traitements hors AMM : hydroxychloroquine/chloroquine, azithromycine, autres antibiotiques tels les quinolones, le céfixime, ou les céphalosporines, mais aussi oséltamivir, lopinavir/ritonavir, tocilizumab, remdésivir, voire antihistaminiques. Près de la moitié des répondants estiment en tout cas que les procédures d'autorisation des traitements ou de vaccins contre le Covid-19 doivent être accélérées.
Le fait de ne pas pouvoir tester tous les patients qui en auraient eu besoin a été mal vécu. Un généraliste sur 7 confie avoir exagéré des facteurs de risque cliniques sous-jacents pour que ses patients soient testés, mais seuls 3% l'ont fait pour eux-mêmes. Les témoignages recueillis en parallèle dans le cadre de cette enquête font froid dans le dos. De nombreux médecins sont ainsi choqués par les refus de patients âgés en réanimation étant donné la saturation des lits. Un médecin déplore ainsi "des patients récusés sans que le réanimateur prenne la peine de les voir". Plusieurs s'indignent des "isolements forcés", parfois "inhumains", de résidents d'Ehpad. D'autres médecins s'inquiètent des retards de prise en charge de patients non Covid, notamment de décalages de chirurgie pour cancer. Un cancérologue confesse avoir été "choqué par la décision d'une collègue d'arrêter la chimio de tous ses patients". Même situation dramatique en psychiatrie où la "procédure imposant le passage en salle d'attente" a empêché les soignants de prendre en charge à temps une patiente suicidaire. D'autres, enfin, évoquent la remise en cause du secret médical du fait des procédures administratives, ainsi que les pressions des patients pour obtenir un arrêt ou une prescription de chloroquine qui ont rendu les relations médecin-patient conflictuelles. [avec Medscape]
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