Un dispositif "flou", un encadrement "inefficace", des contrôles "lacunaires" et des financements aussi "généreux" qu'"insuffisamment contrôlés" : voici l'Agence nationale du DPC (ANDPC) rhabillée pour l'été. Le DPC "ne permet toujours pas (…) de s’assurer que les professionnels de santé mettent en œuvre au cours de leur vie professionnelle l'obligation de suivi des formations nécessaires pour assurer la qualité et la sécurité des soins", conclut la Cour des comptes au vitriol, dans un référé adressé mi-avril à Agnès Buzyn et rendu public cette semaine. Que reprochent les Sages de la rue Cambon à l'ANDPC ? Pour l'essentiel, de ne pas être en mesure de contrôler le DPC, malgré un budget "de 190 millions d'euros en 2018, financé par l'Assurance maladie, et qui devrait atteindre 204 millions d'euros en 2022". L'agence a été créée dans le cadre de la réforme du DPC de 2016, qui instaure une obligation triennale de formation pour les soignants. Par rapport à l'OGDPC (2012 – 2016), son prédécesseur chargé de contrôler les organismes de formation, elle dispose également d'une mission de contrôle des formations. Un ménage de printemps s'impose Les experts de la Cour des comptes pointent des orientations de formation "beaucoup trop nombreuses" (405 au total) et pourtant "souvent imprécises", dans certaines professions et disciplines. Incapable de sélectionner les actions de formation répondant à un besoin prioritaire, l'agence se retrouve à fonctionner "en guichet ouvert", estiment-ils. Ce qui, en matière de contrôle budgétaire, n'a rien d'un compliment. Le contrôle des formations s'organise en trois temps : en amont, via les dossiers déposés par les organismes de DPC (ODPC) ; pendant, les actions de DPC pouvant être évaluées sur leur contenu pédagogique ; et a posteriori, quand les bénéficiaires signalent des anomalies. Or, le contrôle de l'ANDPC pèche à tous les niveaux : il échoue à filtrer les ODPC financés par l'industrie pharmaceutique, évalue moins de 10 % des contenus de formation, et n'a pas réussi à traiter correctement les 122 signalements reçus en 2018.
En somme, la raquette a plus de trous que de filet... Les ODPC l'auraient bien compris, qui en profitent pour passer entre les mailles. "Certains organismes de formation n'hésitent d'ailleurs pas à multiplier les actions de DPC présentant le même intitulé au mot près afin de les engorger et ainsi contourner leur contrôle", précisent les experts. Pour une action de formation rejetée, il n'est pas rare qu'une formation "jumelle" échappe à tout contrôle, et se voit financée comme si de rien n'était. Des tarifs gonflés de 20 à 25 % Par ailleurs, le prix des actions de DPC est resté indexé sur le temps où la formation continue servait de manne aux syndicats professionnels, les tarifs étant négociés directement avec l'Assurance maladie. De sorte que les "forfaits apparaissent très largement surévalués par rapport au coût réel des formations", de 20 à 25 %, estiment les experts, qui évaluent le surcoût à "plus de cent millions d'euros" sur les cinq dernières années. "Les règles de gestion sont, par ailleurs, particulièrement lâches", remarquent-ils, évoquant des formations aux Seychelles, Maldives, Bahamas… Le coût des actions DPC hors Union européenne s'élève à 4,4 millions d'euros pour 2018. À titre d'exemple, Egora a fait une recherche sur les actions de DPC offertes aux généralistes libéraux dans les DOM-TOM en 2019 : 132 programmes de formation sont répertoriés contre seulement 108 dans la région Centre-Val-de-Loire, il est vrai moins attrayante au plan climatique… Le contrôle de la présence en formation serait également défaillant, notamment pour le e-learning, et reposerait souvent sur la seule bonne foi des organismes de formation. Or, ces derniers sont financés sur la base du nombre de participants affichés. Il n'existe par ailleurs aucun dispositif pour vérifier qu'une action de DPC n'est pas remboursée par plusieurs financeurs.
Si les remontrances de la Cour des comptes s'adressent à l'agence du DPC, jugée incapable de mener à bien ses missions et dotée d'effectif "insuffisamment qualifiés", c'est bien l'avenue Duquesne qui est ciblée en toile de fond. "La mobilisation faible du ministère, pourtant au fait des enjeux [financiers], est, à cet égard, critiquable", cingle la Cour, qui en profite pour formuler trois recommandations à l'intention du ministère.
- Définir de véritables orientations prioritaires avec les conseils nationaux professionnels et la HAS, et privilégier le recours aux appels d'offre pour sélectionner les formations en fonction.
- Améliorer le contrôle des actions de DPC en adaptant les personnels et les moyens, avec des contrôles en présentiel, un plan de contrôle annuel, et en rendant obligatoire pour les ODPC de déclarer un financement par l'industrie pharmaceutique.
- Améliorer le contrôle financier, en limitant les actions de DPC à trois par professionnel et par cycle de DPC (soit une formation par an en moyenne), instaurer un contrôle croisé pour éviter les doubles financements de formation.
Transparence et appels d'offres au menu Dans une lettre en date du 24 juin, la ministre de la Santé a pris acte des critiques de la Cour des comptes et détaillé les actions, à venir ou en cours, pour y répondre point par point. En faisant valoir, au passage, que l'analyse des Sages couvre à la fois les périodes 2012-2016 (OGDPC) et 2016-2019 relative à l'ANDPC proprement dite. Elle annonce notamment une réforme de la direction de l'agence, avec une évolution du "cadre réglementaire" du Haut Conseil du DPC et la création d'un "véritable conseil scientifique". Une expérimentation est en cours auprès de l'université de Bourgogne afin de revoir le prix des formations à la baisse, notamment par "l'innovation pédagogique". Son résultat sera connu en mars 2020. Le projet de loi de santé, en attente d'adoption définitive au Parlement, comporte également des dispositions relatives au DPC. L'article 23 introduit la possibilité d'un contrôle "sur pièces" des actions de DPC par l'ANDPC, un éventuel contrôle des formation sur place ayant été jugé trop coûteux. Quant à l'article 24, il contraint les ODPC à publier leurs liens financiers avec l'industrie dans la base publique Transparence santé. Dans un communiqué, l'ANDPC détaille enfin les autres "leviers d'action" destinés à être mis en œuvre pour remonter la pente : "pédagogie renforcée sur le dispositif et ses méthodes", "nouvelles orientations prioritaires resserrées" destinés notamment à favoriser la coordination des soins, "dispositifs d’appels d’offres ou à projets" afin de mettre en concurrence les actions de formation. Pour lire le référé de la Cour des comptes
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