Moins de la moitié des médecins se sont engagés dans le DPC au cours du triennal 2020-2022, d'après un dernier bilan de l'Agence nationale du développement professionnel continu (ANDPC). Alors que les prochaines orientations prioritaires tardent à être dévoilées, le Pr Paul Frappé, président du Collège de médecine générale, fait le point sur cette obligation qui n'est à ce jour pas sanctionnée, et esquisse les grandes lignes de la certification périodique qui devrait faire autorité à partir du 1er janvier 2023.
Egora.fr : D’après un dernier bilan de l’Agence nationale du développement professionnel continu (ANDPC), daté du 31 mars 2022, seulement 47% des médecins éligibles au financement se sont engagés dans le DPC au cours du triennal 2020-2022. Qu'en est-il des généralistes ?
Pr Paul Frappé : Les derniers chiffres sur les médecins généralistes dont nous disposons datent du 31 décembre dernier, et concernent l’année 2021. Nous n’avons pas eu d’autres données spécifiques depuis. Par ailleurs, il y a beaucoup de diplômés de médecine générale qui, en réalité, ont des exercices divers et variés, et qui relèvent du DPC via l’hôpital, des structures salariées. Or les chiffres de l’ANDPC ne prennent pas en compte ceux qui sont dans ces établissements. C’est donc un chiffre à relativiser. Quoi qu’il en soit, il est vrai qu’énormément de médecins, y compris de généralistes, ne remplissent pas leur obligation de DPC. Pourquoi y-a-t-il un désintérêt ? Avant de pouvoir dire qu’il y a un désintérêt, il faut que l’information passe bien auprès des généralistes. Or, on n’a pas la possibilité aujourd’hui de toucher tous les généralistes de France. Nous réclamons en tant que CNP (conseil national professionnel) de pouvoir avoir un contact avec chaque médecin diplômé de médecine générale. Pour l’instant, ce n’est pas le cas. Il y a donc probablement un certain nombre de médecins qui échappe à tout le réseau d’informations sur les engagements, qu’ils soient associatifs, syndicaux ou scientifiques. Il y a également une vision assez complexe au niveau de l’inscription et des budgets disponibles…. Voire une vision polémique. Cela ne doit pas servir le système. Je pense notamment au fait que les budgets s’arrêtent en fin d’année et soient toujours épuisés. On voudrait former plus de praticiens, mais ceux qui veulent se former, bien que très peu nombreux, n’ont pas les budgets. On n’arrive pas à financer toutes les formations qu’ils souhaiteraient faire et auxquelles ils sont censés avoir droit.
L'ANDPC observe toutefois une hausse des inscriptions au début de l'année 2022. Pensez-vous qu'il y aura un regain avant la fin de la période triennale ? Il y a de la communication qui est faite en ce sens, et qui parfois énerve un peu parce qu’il y a des enjeux qui sont ressentis comme davantage commerciaux de la part de certains prestataires plus que des enjeux réels de formation. Je pense néanmoins que l’offre de DPC en e-learning s’étoffant, de plus en plus de médecins y trouvent leur compte. Ils ne sont plus obligés de se libérer tel jour à telle heure, ou deux jours d’affilé. Il faut également que les praticiens reprennent petit à petit leur activité de formation qu’ils avaient mise en pause pendant le Covid-19. C’est désormais moins polémique de se retrouver sur des formations, des congrès, de reprendre ses habitudes. Ça peut expliquer ce regain. Mais il ne s’agit-là que de ma perception. Le développement de cette offre de e-learning implique-t-il de revoir son indemnisation ? C’est une offre qui va devoir trouver sa place. Elle pose des questions. Au congrès MG France, Bernard Ortolan [président du Haut conseil du DPC, NDLR] a bien expliqué qu’il était question de baisser les financements du e-learning. L’enjeu est surtout de rapprocher l’indemnisation du coût réel de mise en place de ces formations à mon sens. C’est davantage cela qui justifierait de baisser un peu l’indemnisation. Quoi qu’il en soit, cette offre va évoluer et va permettre de toucher des médecins que l’on ne touchait pas avant. Certains vont trouver que des formations e-learning sont mal faites, ou auront peut-être de mauvaises expériences, ou estimeront encore que dans la formation présentielle il y a aussi le fait de se retrouver, de partager, qui n’est pas offert de la même manière par le e-learning. Il y a une volonté visiblement de l’ANDPC de modifier le cadre vis-à-vis de ce type de formation. Les choses ne sont pas encore stabilisées sur ce plan. Les médecins ont surtout suivi des actions monoprofessionnelles (84,9%). Pourquoi cela ? L'exercice coordonné apparaît pourtant de plus en plus plébiscité par la jeune génération… L’offre pluriprofessionnelle est très faible. Nous sommes en plein dans les discussions à propos de nos futures orientations, et dès lors que l’on veut faire du pluriprofessionnel, cela paraît impossible car il faudrait que ce soit une orientation commune avec les autres CNP. C’est compliqué sur le plan administratif d’instaurer un cadre permettant d’intégrer...
du pluripro. L’ANDPC a organisé un appel d’offres sur l’interpro. Il y a eu une sélection, tout le monde n’a pas pu valider cette sélection par l’ANDPC. Tous les organismes de DPC (ODPC) n’ont pas pu présenter leur programme. L’offre est assez congrue. Je ne pense pas que cela vienne d’une réticence des médecins. Etant donné qu'il n'y a pas de sanctions, comment appliquer l'obligation triennale ? Quel est le message envoyé aux médecins ? C’est la certification périodique qui va prendre le relai avec cet enjeu de sanction derrière, qui sera davantage mis en avant dans ce cadre, car les patients seront membres de la gouvernance et demandent que la certification ne laisse pas tout passer et que ceux qui ne s’engagent pas dans cette sorte de démarche qualité subissent des conséquences. Le cadre de la certification dit que ne pas appliquer son obligation est une faute. L’Ordre des médecins pourra intervenir. Aujourd’hui ne pas valider cette obligation pour le DPC ne pose pas de problèmes, mais j’ai le sentiment qu’il y aura un jour une affaire qui va sortir : un médecin sera sanctionné pour un problème médico-légal pour lequel l’avocat va mettre en avant le fait que le médecin n’avait pas satisfait ses obligations de DPC et/ou de certification et que cela va constituer un facteur aggravant. Après un ou deux exemples comme cela, si ces affaires sont bien diffusées dans la communauté médicale, les médecins vont avoir conscience des conséquences concrètes. Quelles vont être les orientations prioritaires pour la prochaine période triennale ? Avez-vous fait part de vos propositions ? Il y a des échanges et des différences de points de vue. Nous défendons une vision professionnelle, l’ANDPC défend une vision administrative. Les deux peuvent être justifiées. L’ANDPC en a marre de devoir faire le tri dans des formations proposées et qui sont, pour certaines, dangereuses, voire qui peuvent toucher au sectarisme, et ne relèvent pas du tout du cadre du DPC. L’ANDPC ne veut donc pas aller sur des terrains qui ouvriraient trop la porte à ces formations. Elle souhaite avoir des orientations les plus cadrées possibles. De notre côté, nous estimons que l’objectif d’une orientation est d’être pertinente pour la pratique et le professionnel. Nous n’allons pas les choisir en fonction du fait qu’elles donnent plus ou moins de travail à l’Agence du DPC. Ce n’est pas entendable. On essaie donc de garder en tête la notion de pertinence, avec cette volonté de toucher toutes les dimensions de l’exercice. Les orientations prioritaires devraient sortir en juillet, avec la possibilité d’un deuxième texte complémentaire à la sortie de l’été. Notre souhait est, bien entendu, que tout sorte au début. Car il faut que les ODPC aient le temps de monter leurs dossiers, de les faire valider, pour que dès le 1er janvier 2023, les nouvelles formations puissent se dérouler.
Comment va évoluer le DPC avec l'entrée en vigueur au 1er janvier 2023 de la certification périodique ? Il manque des textes pour la certification. Il faut donc attendre qu’elle se mette en place. Quand cela sera fait, se posera la question de poursuivre l’obligation de parcours triennal de DPC. Cela viendra dans un deuxième temps. La volonté du Collège de médecine générale est de faire en sorte que les deux dispositifs soient cohérents entre eux. Valider le parcours triennal de DPC doit valider automatiquement les deux briques « formation » et « analyse des pratiques » de la certification. On ne va pas demander quelque chose de différent au médecin. Cela va complexifier la procédure, pour un gain qui n’en vaudra pas la peine. Par ailleurs, ce serait décrédibilisant. Personne ne s’y retrouverait. Même si les textes continuaient à dire qu’il faut faire les deux en parallèle, cela devrait naturellement cohabiter. Quel va être le rôle du Collège de médecine générale dans la mise en place et le suivi de cette certification ? Officiellement, le CMG travaille à la création du référentiel, à définir la commission professionnelle de médecins, et réfléchit au suivi et à la réalisation des parcours. Pour cette dernière tâche, on aimerait qu’on nous donne accès au système d’information pour pouvoir réellement accompagner individuellement les médecins. Si on se contente du référentiel, il va être très compliqué d’embarquer tout le monde là-dedans. Concernant le système d’information, qui doit permettre au médecin de tracer son parcours de certification, il y a un énorme enjeu. Il faut que le médecin ait juste à consulter, mais n’ait pas à saisir d’informations. Le système devrait être beaucoup plus complexe pour la certification que celui mis en place par l’ANDPC pour le suivi du DPC. Il est nécessaire que le médecin renseigne son exercice réel car il doit se certifier avec le référentiel qui correspond à son activité, pas avec le référentiel qui correspond à son diplôme. Il y a quelque temps, j’ai vu qu’il y avait un professeur de médecine d’urgence de l’AP-HP qui était enregistré comme généraliste. Si on lui demande de se certifier avec un référentiel de médecine générale, on va complètement décrédibiliser le système. Le système doit pouvoir réorienter le praticien vers le bon référentiel. Il devrait même être possible de pondérer car un certain nombre de médecins font deux activités (médecine légale, médecine du sport, allergologie…). Il faut par ailleurs que les structures qui vont proposer des actions qui ne sont pas indemnisées DPC (congrès, formations…) puissent faire labelliser leur formation ou actions auprès du CNP, donc que le système le permette avec, bien sûr, des garde-fous… Sur son interface individuelle, le médecin doit aussi pouvoir vérifier que l’action réalisée ait bien été enregistrée, et générer des attestations envoyées automatiquement à l’Ordre des médecins. Finalement, beaucoup de médecins vont se rendre compte qu’au-delà du DPC indemnisé, ils se certifient sans le savoir : parce qu’ils accueillent un étudiant, font un congrès par an, sont abonnés à une revue médicale…
Un seul représentant de la médecine libérale fera partie du conseil national de la certification périodique. Est-ce suffisant ? En tant que CNP, nous nous sommes concentrés sur les commissions professionnelles car nous avons la charge de les mettre en place. Beaucoup de questions se sont posées. Et je suis assez content de la tournure qu’ont pris les choses. Se posait la question au départ de faire une commission professionnelle des généralistes et une autre d’autres spécialités. On s’est retrouvé d’accord pour faire une commission de tous les médecins. Nous avons réparti les 25 postes : 16 pour les autres spécialités et 9 pour les généralistes. Cela montre que l’on n’est pas dans un bras de fer. Mais en même temps nous avons des garanties car on n’est pas dans un pays de bisounours. Il ne faut pas que les autres spés puissent venir dicter le référentiel de la médecine générale. Nous avons trouvé des gardes fous à avoir au sein de la commission sur la gouvernance. Le fait que les autres spécialités soient plus nombreuses implique de discuter avec les autres CNP pour élaborer des choses cohérentes. Au-delà des commissions professionnelles, il y a l’instance collégiale, qui décide. Dès le rapport Vinquant (Igas), on sentait que la proportion de professionnels, et donc de médecins, serait congrue dans la gouvernance. Il y aura le représentant de la commission professionnelle des médecins, un représentant des syndicats de médecins, mais c’est vrai que ça ne fait pas beaucoup par rapport à l’ensemble [l’instance collégiale comporte une vingtaine de membres]. Mais quelque part, il n’y aura pas une partie qui aura une majorité absolue. Pour la commission professionnelle, nous avons proposé les binômes, mais il va y avoir une étape de vérification des liens d’intérêts avant les nominations. Pour le représentant de la médecine libérale dans l’instance collégiale, je n’ai pas connaissance de son identité. Cela devrait sortir pendant l’été, car, encore une fois, il y a cette date butoir du 1er janvier 2023. On travaille dans l’urgence.
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