L'activité hospitalière a redémarré en 2023, mais insuffisamment pour les soins les plus lourds, et une grave "dette de santé publique persiste". En effet, quelque 3,5 millions de séjours hospitaliers n'ont pas pu être réalisés depuis l'épidémie de Covid-19, selon une nouvelle étude de la Fédération hospitalière de France (FHF).
D'après ce "premier baromètre" de la FHF, publié ce lundi 18 mars, qui s'appuie sur des données nationales concernant public et privé, le niveau d'activité des établissements de santé a globalement retrouvé en 2023 le niveau observé en 2019. Derrière cette reprise, "se cachent [toutefois] des disparités préoccupantes qui devraient interroger les pouvoirs publics", a lancé lors d'une conférence de presse le président de la FHF, Arnaud Robinet.
"Nous sommes inquiets", car les chirurgies lourdes, les greffes et les activités de médecine les plus complexes - majoritairement assumées par le secteur public - "sont bien en deçà du niveau attendu", a-t-il indiqué. En médecine, la FHF observe un "sous-recours" par rapport à l'activité de 2019 sur les prises en charge digestives (-11%), la cardiologie (-13%), le système nerveux (-11%) ou la rhumatologie (-12%). Ce "sous-recours" se concentre quasi exclusivement sur les patients de plus de 45 ans, selon ce baromètre, réalisé en partenariat avec Radio France. "Cela implique des risques" pour les patients, notamment de "retards pris sur la détection de certains cancers", a précisé Arnaud Robinet, cité par l'AFP.
Les endoscopies digestives de diagnostic ont ainsi "nettement chuté" en 2020, et insuffisamment redémarré, ce qui pourrait, d'après la FHF, expliquer le nombre moins important qu'attendu de "chirurgies digestives majeures" (-7% par rapport au niveau attendu), pratiquées pour beaucoup en cas de cancer.
En diabétologie aussi, la baisse des prises en charge depuis 2020 "a coïncidé avec une hausse de l'activité" pour des complications liées au diabète, souligne la FHF. L'hôpital peine aussi à rattraper son retard sur certaines activités de chirurgie, comme les greffes (-7,5%).
La FHF avance deux principales "hypothèses" pour expliquer cette situation : les tensions persistantes sur les capacités hospitalières, et une probable hausse du renoncement aux soins. Selon une enquête réalisée en mars 2024 dans 45% des hôpitaux publics, l'équivalent de 7% des lits d'hospitalisation en médecine, chirurgie et obstétrique ont été ponctuellement fermés en 2023, dans six cas sur dix en raison d'un manque de soignants.
"Il y a urgence", et le Gouvernement, qui doit fixer dans les prochains jours les nouveaux tarifs remboursés des prestations hospitalières, doit "soutenir l'hôpital public" en "concentrant les moyens" sur ces filières prioritaires, a plaidé Arnaud Robinet. Interrogé par Franceinfo, le président de la FHF a demandé au Gouvernement "une loi de programmation avec des objectifs bien définis sur le moyen et le long terme", précisant également souhaiter "une meilleure coordination avec l'hôpital, avec la médecine de ville".
D'après un sondage Ipsos, mené entre le 29 février et le 6 mars auprès de 1 500 personnes, 63% des Français ont renoncé à au moins un acte de soins ces cinq dernières années, notamment en raison des délais pour obtenir un rendez-vous (53% des cas) ou pour des difficultés financières (42%). Le sondage témoigne également d'un allongement des délais et d'importantes inégalités territoriales. En zone rurale, les répondants déclarent avoir 57 minutes de temps de trajet pour consulter un ORL en moyenne, 50 minutes pour voir un pédiatre, contre respectivement 32 et 31 minutes en zone urbaine.
[avec AFP et Franceinfo]
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