"Défaillance de prise en charge": trois médecins jugés pour homicide involontaire après le décès d'une patiente
Il y a quelques jours, le tribunal d’Arras (Pas-de-Calais) jugeait trois médecins - un urgentiste, une chirurgienne et un anesthésiste - pour homicide involontaire après le décès d'une patiente il y a douze ans. Ils sont soupçonnés d’avoir fait de nombreuses erreurs notamment dans la prise en charge de cette patiente, "induites par le diagnostic erroné d’une sigmoïdite", indique La Voix du Nord. L’instruction avait fait l'objet d’une ordonnance de non-lieu partiel. Dans un premier temps, seul le médecin urgentiste avait été renvoyé devant le tribunal. Mais la partie civile avait fait appel de cette décision, auprès de la chambre d’instruction.
Le 25 mai 2011, une femme âgée de 53 ans, se rend avec sa famille à l’hôpital privé Les Bonnettes à Arras, avec, en sa possession, une lettre de son médecin traitant soupçonnant des coliques néphrétiques. Après avoir vu le médecin de garde, qui juge son état "stable", il lui fait alors "pratiquer des examens biologiques avant de téléphoner à la chirurgienne en viscéral et digestif". Cette dernière décide, "à l’écoute des symptômes décrits sans critères d’urgences", de "valider le traitement et l’hospitalisation dans [son] service". Mais dans la soirée, l’état de la patiente se dégrade et débouche sur un choc septique, qui provoquera sa mort.
Pendant l'audience, le président demande à l’urgentiste, qui a été le premier à prendre en charge la patiente de 53 ans : "Pourquoi ne pas avoir pris en compte [la lettre du médecin traitant] dans votre diagnostic et pratiqué un scanner pour lever le doute ?" L’urgentiste lui répond : "Je ne me souviens pas de ce courrier, la patiente m’avait juste déclaré être sortie des urgences sans diagnostic". La patiente s’était en effet rendue à l’hôpital d’Arras dans la matinée.
La chirurgienne reconnaît que sa prise en charge aurait été différente "si on m’avait parlé de coliques néphrétiques, j’aurais orienté la patiente vers un urologue". Quant à l’anesthésiste intervenu le lendemain, "tout transfert immédiat dans un service de réanimation extérieur était devenu impossible par son état de choc septique".
Trois expertises médicales ont été effectuées. Elles ont toutes conclu qu”"une défaillance de prise en charge et un traitement inadapté" sont la cause du décès de la patiente.
Pour l’avocat de la famille, les médecins font preuve de mauvaise foi : "C’est la première fois que je plaide un dossier dans lequel on ne nous parle que d’erreurs de diagnostic alors que le premier était d’entrée le bon !"
L’avocat du médecin de garde précise, quant à lui, qu’"avant son départ, l’urgentiste titulaire a bien confirmé à la famille que le problème était d’ordre intestinal. Sa remplaçante ainsi que trois praticiens et des infirmiers n’ont jamais évoqué le courrier initial. Pourquoi seraient-ils aussi passés à côté ? On peut se demander ce qu’il s’est passé ce soir-là à l’accueil !"
Après avoir entendu la défense des prévenus, le vice-procureur retient que "des diagnostics erronés, le retard de prise en charge et le traitement biothérapique inadapté ont eu un lien indirect mais certain avec le décès". Il juge alors que la responsabilité individuelle des praticiens "est engagée, il y a homicide involontaire". Il requiert une peine d’un an d’emprisonnement avec sursis, "à vocation d’avertissement". Aucune interdiction d’exercer n’a été requise.
Les avocats des médecins ont plaidé la relaxe, indiquant que "des doutes subsistent dans ce dossier". Le tribunal rendra son jugement le 13 décembre prochain.
[Avec La Voix du Nord]
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