“Aucune responsabilité politique. Aucune démission spontanée. Rien.” Après avoir été accusé par la commission d'enquête du Sénat sur la gestion de la crise sanitaire d'être directement responsable de la pénurie de masques et d'avoir tenté de modifier un rapport d'experts qui mettait à mal la stratégie de la Direction générale de la Santé, Jérôme Salomon a reçu un soutien sans faille du Gouvernement. “Heureusement qu'il reste à son poste”, a déclaré le porte-parole de l’exécutif, Gabriel Attal, qui a écarté toute démission.
Face cette inaction des autorités, deux médecins du collectif C19, à l’origine des plaintes déposées auprès de la Cour de justice de la République à l’encontre d’Agnès Buzyn, de l’ancien Premier ministre, Edouard Philippe, et même d’Olivier Véran, ont appelé ce dernier à “saisir la Chambre de discipline de première instance de l’Ordre des médecins de la Ville de Paris à l’encontre du Docteur Jérôme Salomon”.
Dans un courrier adressé ce lundi 14 décembre à Olivier Véran et transmis à Egora, ils dénoncent l’attitude du directeur général de la Santé, qui est de nature à “jeter un discrédit sur la profession de médecin et constitue une déconsidération de la profession”. “Le Professeur Salomon a eu une attitude contraire à son obligation de respect de la vie et de la personne humaine, qui incombe au médecin [...] et a entravé l’action des autorités publiques en matière de santé publique.”
Représentés par Me Fabrice Di Vizio, le collectif et les deux médecins pointent du doigt la décision, prise en 2018 par le directeur général de la santé de ne renouveler que très partiellement le stock de masques chirurgicaux dont disposait alors l'Etat. “Cette décision a abouti à priver les médecins de ville et hospitaliers de la possibilité de bénéficier de masques, les exposant de plus fort à une contamination à la Covid-19, au point que le Gouvernement a dû réquisitionner certains masques présents sur le territoire national”, accusent-ils, épinglant un manquement à l’obligation de confraternité.
En effet, alors que le directeur de Santé publique France de l’époque, François Bourdillon, l’informe que "613 millions de masques chirurgicaux sans date de péremption acquis au mitan des années 2000 sont non conformes et ne peuvent en conséquence être utilisés" et que “le stock se compose désormais de 99 millions de masques chirurgicaux, dont 63 millions périment fin 2019", Jérôme Salomon aurait ordonné l'achat de "seulement...
50 millions de masques (50 millions supplémentaires si le budget le permettait), soit moins que la quantité nécessaire ne serait-ce que pour renouveler ceux arrivant à péremption fin 2019", écrit la commission d'enquête du Sénat dans son rapport.
Mais ce n’est pas tout. Les sénateurs accusent également Jérôme Salomon d’avoir tenté de modifier, par l'intermédiaire de François Bourdillon, un rapport d’expertise établissant que la France aurait dû avoir à sa disposition un milliard de masques. Si la Direction générale de la santé s’est défendue jeudi soir, assurant qu'"aucune pression" n'avait été exercée, les médecins du collectif C19 dénoncent eux “une attitude qui, au-delà d’une éventuelle qualification pénale, est parfaitement inacceptable et révélatrice d’une volonté d’influer de manière occulte sur le fonctionnement des institutions sanitaires”.
“Mes clients ne comprendraient pas que leur ministre de tutelle, par ailleurs, lui aussi médecin, ne souhaite pas que l’un de leurs confrères, ouvertement accusé par la commission d’enquête sénatoriale ne soit traduit devant les instances professionnelles pour s’expliquer de ces faits”, estime de son côté Me Di Vizio, qui réclame par ailleurs que Jérôme Salomon soit auditionné “en urgence” dans le cadre des investigations en cours. Sans réponse dans un délai de deux mois à compter de la réception de la demande, Me Di Vizio assure qu'il saisira le Conseil d'Etat pour enjoindre Olivier Véran de poursuivre Jérôme Salomon devant l'Ordre.
Une question se pose aujourd’hui sur les lèvres de l’avocat parisien : “Olivier Véran va-t-il couvrir Jérôme Salomon ? ou adhérera-t-il à la demande de ses confrères, dont il est censé être le porte-parole ?”
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