Après avoir lancé plusieurs alertes au printemps dernier, Renaloo en appelle désormais à la justice. Dans un communiqué, l'association de patients atteints de maladies rénales annonce avoir déposé plainte contre X, vendredi 26 janvier, après avoir été informée "qu’un nombre important de patients avaient subi ces dernières années des dialyses en urgence, sans nécessité médicale", à l’hôpital privé de Nancy-Lorraine (Meurthe-et-Moselle), filiale du groupe Elsan. Les patients – une trentaine environ – souffraient tous d’insuffisance rénale aiguë, "dont le traitement aurait dû imposer des soins médicaux, mais en aucun cas la dialyse".
L'association a déposé plainte pour des chefs d'"atteinte à l’intégrité du corps humain", "mise en danger de la vie d’autrui" et "abus de faiblesse". La plainte est "actuellement à l'étude", a précisé à l'AFP le procureur de la République de Nancy, François Capin-Dulhoste. Par cette action, Renaloo – qui dénonce "l'inertie de la réponse des institutions aux lancements d’alerte" – espère obtenir une enquête "approfondie", "l'information des victimes" et "la prévention de récidives". Elle dénonce par ailleurs "l’omerta ambiante, qui conduit à ce que la plupart des acteurs soient terrorisés par les risques de représailles et réduits au silence".
Au printemps dernier, Renaloo a saisi la Commission nationale de déontologie et d'alerte en santé publique et environnementale qui, selon l'association, a constaté "des actes de maltraitance médicale, une mise en danger de personnes vulnérables et de graves écarts aux bonnes pratiques médicales". Cette dernière aurait transmis l'affaire en septembre au procureur de la République de Nancy, ainsi qu'au Conseil national de l’Ordre des médecins et à l’Agence de la biomédecine. Mais "malgré la gravité des faits" – décrite comme "exceptionnelle", les "praticiens incriminés sont toujours en activité", regrette l'association.
L'établissement privé de Nancy a toutefois pris la décision en novembre 2023 de mettre sous tutelle "toute nouvelle prescription de dialyse par un néphrologue extérieur", indique Renaloo. Une décision "nécessaire" mais "insuffisante" aux yeux de l'association, qui poursuit : "A notre connaissance, ni l'établissement ni l'ARS Grand Est n'ont réalisé de signalement auprès de la justice, alors que l'article 40 du code de procédure pénale leur en fait l'obligation, empêchant ainsi toute sanction pour les praticiens et toute information des victimes potentielles."
Sollicité par l'AFP, l'hôpital privé Nancy-Lorraine a indiqué qu'"au printemps 2023, des divergences au sein de l'équipe de néphrologues libéraux d'HPNL ont conduit certains praticiens à alerter la direction et à faire des signalements". "L'ensemble des recommandations" d'un expert indépendant "ont été très rapidement mises en œuvre, avec le concours d'un professeur de néphrologie reconnu qui en assure le suivi au quotidien", poursuit l'établissement. "L'analyse des dossiers (médicaux des patients suivis entre 2021 et 2023) par les services compétents est en cours et permettra de conclure sur la matérialité des éventuels manquements des professionnels libéraux concernés."
Nos confrères du Monde indiquent par ailleurs que des investigations sont en cours du côté de la CPAM de Meurthe-et-Moselle. L’ARS a également mené deux inspections inopinées et une enquête est en cours.
"Nous appelons les pouvoirs publics à apporter des réponses rapides pour protéger les patients et leur redonner la possibilité d’accorder sans réserve leur confiance aux médecins et aux établissements qui les prennent en charge", interpelle Renaloo.
En 2020, un rapport de la Cour des comptes pointait déjà un "recours prédominant" aux modes de dialyse "les plus lourds et contraignants pour les patients", "en centre et en unité de dialyse médicalisée", et ce malgré des "coûts excessifs […] au détriment de l'Assemblée maladie". Bien que présentant "le meilleur bénéfice pour les patients", le recours à la greffe restait "insuffisant", ajoutaient les Sages.
[avec AFP et Le Monde]
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