Rémunérations "déguisées", frais faramineux, népotisme… L'Ordre des médecins face aux accusations de la Cour des comptes
C'est un document particulièrement à charge, qui n'aurait pas dû filtrer avant le mois de juin. Dans un pré-rapport consulté par Le Canard Enchaîné, la Cour des comptes passe au crible les activités de l'Ordre des médecins et relève plusieurs dérives préoccupantes. D'après l'hebdomadaire satirique, la Cour envisagerait même de saisir la justice pénale… La réaction de l'Ordre ne s'est pas fait attendre. Dans un communiqué envoyé dès mardi soir, le Cnom répond point par point à ces accusations, déplorant le fait que le document ait fuité "alors que la phase contradictoire n'a pas débuté". 48 000 euros de frais par personne Premier grief de la Cour des comptes : un laxisme envers les médecins poursuivis pénalement pour abus sexuels. La juridiction "a identifié de nombreux cas où des médecins ayant fait l'objet de doléances, de signalements ou de plaintes (conciliées ou retirées par les plaignants), condamnés au pénal ou placés sous contrôle judiciaire pour des faits en lien avec leur exercice, n'ont fait l'objet d'aucune poursuite disciplinaire". Et de citer le cas d'un endocrinologue des Hauts de France visé par une plainte pour abus sexuels en juillet 2014 : le signalement envoyé le mois précédent par un chef de service du CHU n'a été enregistré qu'en décembre 2015 par l'Ordre, sans qu'aucune suite administrative ne soit donnée, malgré les témoignages de 5 patientes. Entre temps, le médecin a été interdit d'exercer la gynécologie par la justice pénale.
"Plusieurs circulaires communes à l’Ordre, au Garde des Sceaux et au ministère de la Santé ont été diffusées, demandant aux Procureurs de la République d’informer l’Ordre des médecins de plaintes pénales déposées à l’encontre de médecins. Ces circulaires restent trop souvent sans effet", déplore l'Ordre dans sa réponse, tout en reconnaissant "pleinement que tous les échelons qui le composent doivent améliorer leur accueil des personnes qui se disent victimes, l’écoute qui leur est due, et l’action devant les chambres disciplinaires." De même, si aucune poursuite disciplinaire n'a encore été engagée à l'encontre de médecins concernant leurs liens financiers avec l'industrie, c'est parce que le décret d'application de la loi Transparence de 2011 n'a toujours pas été publié, souligne l'Ordre. Les montants maximums autorisés des contrats liant médecins et labos ne sont toujours fixés.
Les Sages de la rue Cambon se penchent également sur les 2.6 millions d'euros de remboursements de frais et les 2.2 millions d'euros d'indemnités perçues par les 54 membres du Conseil national - soit une moyenne de 48 000 de frais et de plus de 40 000 d'indemnités par personne. Des dépenses en hausse de 33% depuis 2011, pointe le pré-rapport. Certains membres du bureau ont touché jusqu'à 90.000 euros par an. Pour la Cour, ces indemnités forfaitaires s'apparentent à des "rémunérations déguisées". "Le Conseil national reconnaît et revendique l’augmentation mécanique du montant des indemnités, qui témoigne non pas d’une augmentation de leur valeur mais de l’activité renforcée du Conseil", répond l'instance, rappelant qu'elle a été saisie d'une nouvelle mission, l'insuffisance professionnelle, et que les "demandes d'intervention extérieure" sur la démographie médicale ou encore sur les technologies numériques ont "considérablement augmenté". "Nous nous réunissons deux fois plus sous mon mandat que sous le précédent", rétorque le Dr Patrick Bouet, candidat à sa succession à la tête du Cnom en juin. Par ailleurs, le remboursement des frais se fait désormais sur "frais réels plafonnés", ce qui a entraîné leur diminution, tandis que le montant des indemnités n'a pas été revalorisé depuis 2013. Reste encore à "rationaliser" tout cela, reconnaît l'instance.
La Cour reproche encore à l'Ordre, qui dispose d'un budget annuel de 85 millions d'euros (dont 80 millions de cotisations), des "approximations, manques, erreurs" voire des "écritures délibérément faussées" dans sa comptabilité, qui lui coûte pourtant 800.000 euros chaque année. L'aménagement du nouveau siège, en 2016, n'a pas fait l'objet d'appels d'offres ou de contrat. Résultat : il a coûté 8.8 millions d'euros, contre 4.9 millions d'euros prévus dans le devis initial. Le coût des travaux, notamment de désamiantage, n'avait pas été bien évalué, se défend l'Ordre. "Le produit de la vente de l’ancien siège du Cnom (180 boulevard Haussmann) a cependant suffi à assumer ces coûts additionnels imprévus", assure-t-il. Pas d'appels d'offre non plus concernant l'achat de matériels informatiques, reproche la Cour. Entre 2011 et 2017, pas moins de 650 000 euros ont été dépensés (+55%). Depuis, un certain nombre de tablettes, iPad, et autres ordinateurs portables manquent à l'inventaire... Par ailleurs, les magistrats tiquent sur les "pratiques de recrutement" familiales de l'institution D'après le Canard, la fille et la nièce de deux élus nationaux ont bénéficié de "promotions éclair", tandis que la belle-fille d'un trésorier de CDOM a été augmentée de 67% en un an. L'Ordre rappelle à ce titre que les contrats de travail relèvent du droit privé, sous-entendant ainsi que rien n'interdit de recruter des parents d'élus. "La gestion de l’institution est plus saine aujourd’hui qu’elle ne l’était hier et nous poursuivons ces efforts", affirme l'Ordre, qui "contestera avec force" un certain nombre de ces informations au cours de la phase contradictoire. [avec Le Canard Enchaîné]
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