Olivier Véran, le médecin qui monte aux côtés de Macron

07/05/2017 Par Sandy Berrebi-Bonin
Politique de santé

A 37 ans, le Dr Olivier Véran fait figure de favori pour prendre la tête du ministère de la Santé. Il est également candidat aux élections législatives dans la 1e circonscription de l'Isère. Ex-député socialiste en tant que suppléant de la ministre Geneviève Fioraso, ce neurologue au CHU de Grenoble était le porte-parole santé d'Emmanuel Macron durant la campagne. Diplômé de Science-Po, et ancien vice -président de l'ISNI (Inter Syndicat National des Internes), le trentenaire connaît ses dossiers sur le bout des doigts. Portrait d'un homme, plus médecin que politicien.

  Jeune, élancé et souriant, le Dr Olivier Véran n'est pas un politicien comme les autres. Peut-être justement parce que la politique n'est pas son métier. Neurologue au CHU de Grenoble, le trentenaire est un homme affable et disponible. Pour le moment. Car il fait figure de favori dans la course au ministère de la Santé. Né dans une famille éloignée du milieu médical, c'est à l'adolescence qu'Olivier Véran décide de devenir médecin. "Ma mère était prof d’anglais au collège et mon père était ingénieur en informatique. J'ai trois frères et sœurs qui ont tous fait un bac littéraire", raconte-t-il à Egora. Après un bac scientifique, il s'inscrit donc à la faculté de médecine de Grenoble. "J'ai connu les amphis bondés où il fallait arriver au moins une demi-heure avant le début des cours pour avoir une place". Il échoue de peu lors de la première année mais persévère. "J'ai travaillé de manière acharnée pendant ces deux années". La barrière du concours franchie, le jeune étudiant décide de s'impliquer dans la vie carabine de la faculté et intègre la corpo médecine. "J'étais en charge des soirées, s'amuse-t-il. Les premières affiches que j'ai collées étaient pour les organiser". "J'ai connu les internats avec les fresques, les ambiances carabines. En tant qu'interne on a besoin d'exutoires. C'est humain." C'est justement au cours de l'une de ces fêtes qu'il rencontre son épouse, devenue aujourd'hui gynécologue obstétricienne. De son côté il opte pour la neurologie. "J'ai choisi cette spécialité après avoir lu un bouquin d'Oliver Sachs qui s'appelait "L'homme qui prenait sa femme pour un chapeau". La neurologie m'est apparue comme de la science-fiction, il y avait tout à découvrir. Les sciences cognitives sont un monde parallèle qui m'intéresse beaucoup", confie-t-il. Si Olivier Véran se décrit comme "un étudiant plutôt heureux", il finit par admettre avoir vécu "quelques moments difficiles". "Je suis passé par un stage qui était très dur. J'ai eu envie de tout plaquer, avec un chef qui était méchant avec moi.  Je me souviens de m'être senti humilié. C'était difficile. J'ai voulu arrêter puis je me suis souvenu des concours et des nuits passées à travailler et je me suis raisonné", confie-t-il.  

"Les étudiants sont en première lignes dans les hôpitaux."

 

Pendant son internat Olivier Véran réalise une étude en double aveugle auprès des enseignants et des étudiants à Grenoble. "Je voulais savoir combien d'étudiants avaient le droit de prendre leur repos de sécurité, comment les internes étaient accueillis en stage, combien d'entre eux étaient évalués au cours d'un entretien ou avaient une liste d'objectifs… Le résultat n'était vraiment pas terrible. A l'époque, il y avait une vision des études comme étant un moment où on devait en baver. Avec cet éternel discours de certains qui disent qu'on nous paye nos études. Mais en tant qu'étudiant en médecine, on produit des soins. Je me suis toujours insurgé contre ce discours. Les étudiants sont en première lignes dans les hôpitaux." S'il ne fait pas encore de politique, le carabin intègre l'ISNI, d'abord en tant que délégué puis en tant que premier vice-président et porte-parole. "Je me souviens de ma deuxième assemblée générale où je représentais Grenoble, c'est la fois où la grève a été votée. Je me suis donc retrouvé à organiser localement la grève des internes, à participer à des manifestations, à rencontrer les députés. C'est à ce moment-là que j'ai abordé pour la première fois Geneviève Fioraso, qui était députée dans ma circonscription.". Son statut de vice-président de l'ISNI lui permet également de prendre part aux négociations conventionnelles. "C'était l'année où il y avait les états généraux de l'organisation de la santé", contextualise-t-il. Après son internat, Olivier Véran devient chef de clinique et décide de s'inscrire en parallèle à Science-Po Paris pour faire un "executive master" en gestion et politique de santé. " J'avais envie de comprendre le fonctionnement du système de santé. Au-delà de la question corporatiste que je connaissais avec le syndicalisme, j'avais envie de comprendre les rouages du système. J'ai fait ça pendant 2 ans, deux à trois jours par mois. Cela m'a appris énormément de choses. C'était passionnant. Pour valider mon master, j'ai rédigé pendant un an un mémoire sur le thème des déserts médicaux."  

"Suppléant, ça n'engageait pas à grand-chose"

 

Lors de son clinicat, Olivier Véran planche sur un projet d'hôpital de jour de neurologie. "A l'époque l'établissement vivotait. J'ai fait un plan de développement de l'hôpital. Aujourd'hui, il reçoit plus de 4 000 patients par an", se félicite le neurologue. En tant que députée Geneviève Fioraso viendra visiter l'établissement. Quelque temps après sa visite, elle contacte Olivier Véran. "Elle m'a dit qu'elle cherchait quelqu'un à former pour la suite puisqu'elle exerçait son dernier mandat de député. Elle m'a proposé d'être son suppléant", raconte Olivier Véran. Après avoir obtenu l'approbation de son épouse, le praticien accepte. "Suppléant, ça n'engageait pas à grand-chose", estimait-il… "Un mois plus tard, devant ma télé, j'ai découvert que Geneviève Fiorasso était nommée au gouvernement ! Ça été assez dingue ! Je me suis donc retrouvé député, sans aucun mérite." Olivier Véran se met donc en détachement pour mandat de l'hôpital mais conserve une vacation d'une demi-journée par semaine pour "garder la main et continuer à suivre certains patients". Bien accueilli au sein de la commission des affaires sociales de l'Assemblée, le jeune suppléant de province est toutefois peu écouté. "Je suis allée voir mes collègues à la commission pour leur dire que je voulais travailler sur l'attractivité des carrières et sur le recrutement médical à l'hôpital. J'avais rédigé une proposition parlementaire de loi. Tout était prêt. Je l'ai donné à la ministre de la santé qui ne s'en est pas saisi. J'ai réessayé deux fois, puis trois… Sans succès. Un jour, j'ai discuté de ce dossier avec un journaliste. Une semaine plus tard, ça faisait la Une du Parisien. A partir de là, on m'a demandé quand est-ce que je commençais la mission !" s'amuse Olivier Véran.  

"Sur le tiers payant par exemple, j'étais plus favorable à un tiers payant généralisable que généralisé."

 

Le député ne chôme pas à l'Assemblée. Il prend la tête d'une mission sur la filière du sang auprès du Premier ministre. Il est nommé rapporteur d'un PLFSS et de la loi de santé sur la partie prévention. Il est également nommé rapporteur pour avis de la loi enseignement et recherche sur l'expérimentation de passerelles pour la première année de médecine. "Mes trois ans d'activité parlementaire ont été riches. Le contexte était difficile. Il y a eu très vite des conflits liés à la politique de la ministre. Ça n'a pas été simple pour moi qui était assez proche des syndicats de médecins, avec lesquels j'avais l'habitude de parler. Ça n'était pas évident de faire passer les messages. J'ai souvent défendu une position pragmatique. Sur le tiers payant par exemple, j'étais plus favorable à un tiers payant généralisable que généralisé." Mais alors qu'il est en plein examen de la loi de santé à l'Assemblée, Geneviève Fioraso quitte le gouvernement pour raisons de santé. Elle reprend donc sa place de députée. "Cela faisait des mois que je travaillais sur le sujet. Je n'ai pas eu le temps de terminer la première lecture. Un soir j'ai donc quitté l'hémicycle pour la dernière fois", raconte Olivier Véran. "Quelques jours plus tard, je réenfilais ma blouse et je refaisais des gardes. C'est une chance d'avoir un métier à côté de la politique." Alors qu'il était encore député, Olivier Véran rencontre Emmanuel Macron, Ministre de l'Economie. "J'ai vu tout de suite son intelligence et ses qualités humaines. Puis j'ai fait un voyage à Las Vegas au Consumer Electronics Show (CES). Il était également là et nous avons fait le tour des start-ups ensemble. J'ai vu sa facilité à aller au contact des gens. Il a une simplicité dans l'approche et une proximité qui fait du bien dans un milieu politique un peu trop éloigné de tout ça."  

"On fait un métier fabuleux, mais on ne fait pas assez attention à nous."

 

Au lancement du mouvement En Marche, Olivier Véran adhère immédiatement et participe à l'élaboration du programme santé d'Emmanuel Macron. C'est désormais sous l'étiquette de ce nouveau parti qu'il se présente aux élections législatives dans la 1e circonscription de l'Isère. "J'ai envie de me battre pour que l'on fasse enfin le pari de l'innovation dans notre pays. J'aimerai qu'on dérigidifie les prises de décisions. La tentation technocratique de Paris vers le terrain est très ancrée dans nos fonctionnements collectifs. J'ai vu à contrario, sur notre territoire, plein d'initiatives qui partent des professionnels. Il n'y a pas de financement pour cela, on les décourage. Dans le soin, on fait un métier fabuleux, mais on ne fait pas assez attention à nous. Il y a de la souffrance en ville et à l'hôpital. Mon premier boulot a été d'être aide-soignant à l'hôpital en psycho-gériatrie. J'ai fait ça de nuit pour payer mes études. Ça a été un boulot très dur. Je trouve qu'on ne porte pas une attention assez forte à ces très nombreux soignants qui prennent soin des autres. Il faut qu'on prenne soin d'eux aussi. J'ai envie de travailler à l'amélioration des relations et de la confiance avec eux. On ne peut pas changer en profondeur un système s'il n'y a pas de confiance. C'est pour moi l'impératif." Père de deux enfants de 3 et 6 ans, Olivier Véran a pris un engagement auprès de son épouse. "Ma femme m'encourage dans ma démarche. De son côté, elle fait de la chirurgie en cancéro, elle travaille comme une dingue, elle a des gardes… Elle a fait des concessions professionnelles pendant trois ans lorsque j'étais à l'Assemblée nationale et elle est prête à en refaire aujourd'hui, mais en échange, je prends l'engagement de ne pas faire de la politique toute ma vie. Il faut qu'elle puisse, elle aussi, avoir l'occasion de se réaliser dans son activité professionnelle."  

 Et aussi…

- "A l'âge de 10 ans, j'étais conseiller municipal enfant."
- "En tant que médecin, je suis habitué à prendre des décisions. On peut se tromper, mais on décide. On doit faire vite. Au Parlement, je suis arrivé avec ce biais-là de vouloir aller un peu vite. On m'a expliqué qu'il fallait prendre le temps de l'action législative."
- "J'ai parfois eu l'impression de pas avoir eu de vie pendant mes études. Je me suis rattrapé après, j'ai fait un Erasmus en Espagne qui a été magnifique."
- "Fin 2012, par respect pour les militants qui m'ont très bien accueilli, je me suis encarté au parti socialiste, avec lequel je partage beaucoup."

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