Entre deux consultations à l'hôpital et avant d'entamer une nuit de garde, le Dr Olivier Véran, neurologue et porte-parole santé d'Emmanuel Macron, a répondu à Egora sur les priorités de son candidat en matière de santé. Il tient à rassurer les médecins qui avaient voté majoritairement pour François Fillon sur notre sondage en ligne.
Egora : Selon notre sondage sur Egora.fr, 40% des lecteurs avaient voté pour élire le candidat François Fillon. Ils craignent que l'élection d'Emmanuel Macron signifie la mort de la médecine libérale et la fonctionnarisation de la médecine. Que leurs répondez-vous ? Pour commencer, il ne s'agit pas d'un sondage mais d'un vote en ligne, ce qui est vraiment différent. Vu les excellents contacts que je peux avoir avec les partenaires sociaux et beaucoup de médecins hospitaliers ou libéraux, je sens qu'il y a une énorme attente et beaucoup d'espoirs suscités par Emmanuel Macron. On nous fait des procès d'être impopulaire alors que le vote en ligne n'est pas du tout statistique. C'est comme les commentaires. Lorsqu'on regarde les commentaires d'un article, on a l'impression que c'est la catastrophe alors qu'il y a un biais de sélection qui est majeur. J'aime beaucoup répondre aux critiques et aux débats d'idées mais là, parler de "mort de la médecine libérale et de fonctionnarisation de la médecine", ça n'est vraiment pas rationnel. J'entends tout à fait les craintes et les attentes de ce milieu professionnel que je connais bien, mais je n'ai encore jamais entendu qu'avec Macron on allait fonctionnariser la médecine libérale. C'est totalement faux et complétement caricatural. C'est une caricature qui a pour but de mobiliser l'électorat pour un autre candidat. Nous allons désormais sortir de la phase électorale et entrer dans une phase de gouvernance. J'espère qu'Emmanuel Macron sera choisi pour mener cette gouvernance. Et il va falloir s'attaquer aux sujets de fonds, c'est ça qui est important. Comment est-ce qu'on libère du temps de soin ? Comment est-ce qu'on réduit les charges administratives ? Comment est-ce qu'on libère des compétences ? Comment permettre à chacun de s'épanouir ? Comment décloisonner le système ? Comment soutenir la médecine libérale ? Comment mieux faire communiquer médecine libérale et médecine hospitalière ? Comment désétatiser là où c'est nécessaire, notre système de santé ? Comment expérimenter à partir des territoires ? Comment restaurer la confiance avec les professionnels ? C'est l'urgence absolue. Ça n'est certainement pas en fonctionnarisant la médecine libérale. C'est ce qui s'appelle un slogan de campagne. Que dire aux médecins déçus du socialisme qui craignent qu'élire Emmanuel Macron c'est valider la politique de François Hollande ? Je leur conseille déjà de lire le programme d'Emmanuel Macron sur la santé. Il y est écrit qu'il y aura une vision pragmatique de l'organisation des soins. Il n'y aura pas de dogmes. C'est important de le dire. Effectivement, la vision très dogmatique de Marisol Touraine a agacé les médecins… Nous avons trois priorités. La première est de mener la révolution de la prévention. Nous savons très bien que nous ne pourrons pas la conduire sans les professionnels. Nous n'avons d'ailleurs aucune envie de le faire sans eux. A chaque fois que des politiques de santé publique ont été conduites sans les professionnels, comme la vaccination H1N1 par exemple, ça n'a pas fonctionné. Il faut au contraire associer le plus tôt possible les professionnels. Il y a trop d'enjeux qui justifient que l'on s'appuie sur eux et que l'on mène les politiques de santé publiques avec eux. La deuxième priorité est la réduction des inégalités de santé. C'est enfin prendre à bras le corps ce qui est, dans toutes les enquêtes d'opinions, le premier motif de renoncement aux soins, à savoir les audioprothèses, l'optique, le dentaire… Et puis nous voulons améliorer la performance et la pertinence de notre système de santé. Nous allons travailler sur la qualité et la pertinence des soins et permettre d'organiser différemment les soins à partir des expériences du terrain. Nous n'allons certainement pas imposer un modèle. C'est très excitant parce que l'on sait pouvoir compter sur les partenaires sociaux, sur des gens engagés et qui aiment leur métier. Même ceux qui ne nous aiment pas, aiment la médecine, leurs patients et le système de santé. Le fait qu'ils aient envie de s'exprimer et de faire bouger les choses nous invite à aller dans ce sens-là. On a tout à inventer ensemble. Quel est votre programme pour les deux prochaines semaines ? Là je vais faire ma garde ! Et je vais continuer à expliquer le projet et à convaincre qu'il est le meilleur à la fois pour les patients et les professionnels. Il faut se mobiliser pour le second tour de l'élection présidentielle. Ça n'est pas tout de se qualifier, il faut gagner. Il faut aussi préparer le terrain pour l'après et ne pas perdre une minute après l'élection pour être pleinement opérationnel. Ainsi nous pourrons entamer la réforme profonde de notre système de santé que tout le monde appelle de ses vœux. Les discussions sont déjà engagées avec un certain nombre de partenaires sociaux. Nous avons déjà rencontré beaucoup de personnes. Il y aura des sujets qu'il va falloir aborder de façon urgente, je pense par exemple à la réforme du troisième cycle qui est un sujet ardent en ce moment. Mais il n'y a pas que celui-ci. Je n'oublie pas les dentistes qui sont en mouvement depuis un certain nombre de semaines et qui attendent beaucoup. Il y a aussi la question du premier budget de la Sécurité sociale qui se prépare dès le mois de mai. Comment arriver à impulser une dynamique nouvelle dans le budget de la Sécu avec un délai très court. Il faut l'avoir préparé en amont et c'est ce que nous faisons déjà depuis quelque temps. Il faut préparer l'alternance profonde, c’est-à-dire une nouvelle façon de piloter le système de santé en lien avec les territoires. J'ai déjà eu, rien que ce matin, trois présidents de syndicats au téléphone. Cela se fait aussi de visu, lors de réunions à Paris pour préparer sérieusement les dossiers. Nous serons prêts. Emmanuel Macron sera pleinement opérationnel sur les questions de santé dès le lendemain de son élection.
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