"C’est l’honneur de notre profession" : 3000 soignants appellent à maintenir l’AME
Parmi les signataires, Françoise Barré-Sinoussi, virologue et prix Nobel de médecine en 2008, Jean-François Delfraissy, professeur d’immunologie et président du Comité consultatif national d’éthique, Rémi Salomon, pédiatre et président de la conférence des présidents de commission médicale d’établissement de CHU, ou encore Agnès Giannotti, présidente du syndicat MG France. Au total, 3096 soignants de "toutes spécialités et de toutes origines" s’opposent "fermement et de manière unie" au projet de suppression de l’AME "au profit d’un dispositif dégradé". Alors que certains pointent une forme de tourisme médical pour justifier la suppression de cette aide, qui couvre (presque) totalement les frais de santé des étrangers présents en France depuis au moins trois mois, les signataires de cette tribune publiée ce jeudi dans Le Monde assurent que les patients qu’ils soignent et qui bénéficient de l’AME ne sont pas, "dans leur grande majorité", "des personnes qui ont migré vers la France pour se faire soigner, mais des personnes qui ont fui la misère, l’insécurité ou qui l’ont fait pour des raisons familiales"
"Leurs conditions de vie difficiles en France les exposent à des risques importants : problèmes de santé physique et psychique, maladies chroniques, maladies transmissibles ou contagieuses, suivi prénatal insuffisant et risque accru de décès maternels", ajoutent-ils, estimant qu’il s’agit de fait d’une "population prioritaire en matière de santé publique". Alors que le projet de loi immigration qui sera examiné à partir du 6 novembre au Sénat prévoit de réduire le panier de soins aux seuls soins urgents, limiter l’accès aux soins à ces personnes "aurait pour conséquence directe d’entraîner une dégradation de leur état de santé, mais aussi plus globalement celui de la population tout entière", préviennent-ils. Ces derniers citent l’exemple de l’Espagne où "la restriction de l’accès aux soins des étrangers en situation irrégulière votée en 2012 y a entraîné une augmentation de l’incidence des maladies infectieuses ainsi qu’une surmortalité", forçant le pays à faire marche arrière. Les 3000 soignants se disent par ailleurs extrêmement "préoccupés à l’idée de devoir soigner dans un système de santé amputé de l’AME, car celui-ci serait alors exposé à un risque de paralysie". "Les personnes étrangères sans papiers n’auraient d’autre choix que de consulter dans les permanences d’accès aux soins de santé (PASS) et les services d’accueil et d’urgences, déjà fragilisés et en tension, et qui se trouveraient à nouveau contraints d’assumer les conséquences de décisions politiques éloignées de nos réalités", alertent-ils. "Exclure encore davantage" ces étrangers "ne pourrait qu’entraîner leur renoncement aux soins et la dégradation de leur état de santé". Et d’ajouter : "Dans le contexte de crise que vit l’hôpital public, et dont le Covid-19 a été le révélateur, la remise en cause de l’AME ferait donc courir un risque majeur de désorganisation du système de santé, d’aggravation des conditions de travail des soignants et de surcoûts financiers importants." Enfin, les signataires assurent soigner "les personnes sans papiers comme n’importe quels autres patients. Par humanité, et conformément au code de déontologie médicale auquel nous nous référons et au serment d’Hippocrate que nous avons prêté à la fin de nos études. C’est l’honneur de notre profession." "Nous refusons d’être contraints à faire une sélection parmi les malades entre ceux qui pourront être soignés et ceux laissés à leur propre sort", écrivent-ils. "Leur santé, c’est aussi la nôtre", concluent les signataires, appelant Gouvernement et élus à "renoncer à tout projet portant atteinte à l’AME ou venant restreindre son périmètre, et à conforter l’accès à une couverture maladie pour tous." [avec Le Monde et AFP]
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