Charlie, Bataclan... quels traumas après les attentats ?

13/11/2018 Par Catherine le Borgne
Santé publique
Les attaques de novembre 2015 au Stade de France, contre le Bataclan et des terrasses de cafés parisiens, après ceux de janvier contre Charlie Hebdo, le supermarché Hyper Casher Porte de Vincennes et à Montrouge ont déclenché le plus vaste programme de recherche au monde, soulignent les chercheurs Denis Peschanski et Francis Eustache dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire de l'agence Santé publique France.

Baptisé "13-novembre", ce programme "tentaculaire" né dans l'urgence et toujours en cours, couvre les aspects sanitaires, psychologiques et sociologiques des événements. Parmi les témoins et les personnes directement exposées aux attentats du 13 novembre, 39% présentaient 8 mois après les faits un "état de stress post-traumatique" (ESPT) qui avait été décelé auprès de 20% des personnes exposées aux attentats du 11 septembre 2001 à New York et 11% de ceux touchés par l'attaque de l'île d'Utoya en Norvège.Sur ces 39%, presque une sur deux (46%) déclarait ne pas avoir engagé de traitement régulier avec un psychologue ou un médecin. Pour les attentats de janvier, 18% de la population exposée aux attentats souffrait d'ESPT et 20% de troubles dépressifs ou anxieux, selon les enquêtes menées 6 et 18 mois après les faits auprès de 190 civils (otages, blessés, témoins, proches des victimes). 53% d'entre eux ont reçu une aide psychologique dans les 48 heures, mais l'étude note "un défaut de prise en charge" et préconise, "dans la mesure où les troubles de santé mentale touchaient 40% des personnes impactées" d'étendre à tous l'aide psychologique.

Les attaques du 13 novembre 2015, qui ont fait 130 morts et plus de 400 blessés, ont eu des répercussions bien au-delà du premier cercle.   Recrudescence des passages aux urgences Sur l'ensemble de la population d'Ile-de-France, on recense un pic "net et sans précédent" des passages aux urgences le samedi 14 novembre, lendemain des attentats, suivi d'un second pic le 16 novembre, et concernant majoritairement de jeunes adultes (15 à 44 ans). Les deux diagnostics principaux étaient un état de stress post-traumatique et une réaction aigüe au stress. Hors Ile-de-France, on observe aussi une augmentation à partir du 14 novembre, jusqu'à un pic le 17 novembre. Un pic d'activité a aussi été relevé pour les consultations à SOS Médecins. Ces données ont pu être recensées grâce à un système de surveillance créé en 2004 après la canicule et renforcé depuis, "SurSaUD". Même sur les Français théoriquement les plus éloignés des attentats, ceux-ci ont eu un impact fort. Sept mois après le 13 novembre, la quasi totalité des personnes interrogées par le Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (Crédoc) se souvenaient précisément des circonstances dans lesquelles elles ont appris la nouvelle : c'est ce qu'on appelle "flash bulb memory" (mémoire flash). Un quart des 2.010 Français interrogées par le Crédoc disaient avoir un lien personnel avec une victime ou un témoin ou avec un des lieux attaqués. 77% citaient spontanément un des lieux, "Le petit Cambodge", "le Stade de Saint-Denis" et surtout "le Bataclan". Les moins de 40 ans, qui peuvent se sentir plus proches des cibles des attaques, semblent avoir été particulièrement touchés. Les trois quarts des Français exprimaient le besoin de continuer à parler et entendre parler des attentats, mais 25% jugeaient "qu'on en parle trop". Parmi les conséquences des attentats, il est intéressant de relever qu'"une société plus divisée" vient en 4e position après le "sentiment de peur", "des mesures de sécurité renforcées" et "une menace sur les libertés individuelles". [Avec AFP]

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