Déficit de traitement chez les nouveaux patients chroniques à cause du confinement

14/10/2020 Par Louise Claereboudt
Médicaments
Le quatrième volet du rapport d’Epi-phare, rendu public vendredi 9 octobre, témoigne d’une nette évolution de la consommation de médicaments de ville en France avant et après le confinement. Le groupement d'intérêt scientifique constitué par l'ANSM et la Cnam pointe plus dangers, notamment d’importants retards de prise en charge en cancérologie, ainsi qu’un nombre de débuts de traitements chroniques en forte baisse par rapport aux dernières années.
 

Couvrant la période de confinement (du 16 mars au 10 mai) et de post-confinement jusqu’au 13 septembre -soit au total un suivi de six mois-, le rapport du groupement d’intérêt scientifique Epi-phare sur la dispensation de médicaments remboursés sur ordonnance en pharmacie d’officine* montre, sans surprise, un réel bouleversement des usages des Français. Dans l’ensemble, on constate une “très forte” diminution de la délivrance et de l’utilisation de produits nécessitant une administration par un professionnel de santé. Zoom sur six mois de consommation. A commencer par les personnes atteintes de pathologies chroniques cardiovasculaires ou de diabète. Si un stockage de médicaments (de +20 à +40% selon les classes thérapeutiques par rapport à l’attendu) avait pu être observé du 16 au 29 mars, le rapport met en lumière par la suite une “sous-consommation”, suivie par un retour à une consommation “plus normalisée”, et ce “dans la plupart des classes thérapeutiques à la fin de confinement”, sauf les statines (-300.000 traitements délivrés) et les anticoagulants (-230.000 traitements).   Déficit de traitement pour les nouveaux patients chroniques En revanche, s’il n’y a pas eu “de manque notable de médicaments pour les pathologies chroniques déjà traitées, probablement parce que les patients ont eu le droit d’utiliser des ordonnances ‘périmées’ et aussi grâce au recours aux téléconsultations”, notamment pour les antihypertenseurs, les antidiabétiques (dont l’insuline) et les antiépileptiques, le groupement d’intérêt scientifique précise que, pour les nouveaux malades, un “déficit de mise en route des traitements, plus ou moins important selon les classes thérapeutiques”, a été observé.

Les débuts de traitements chroniques apparaissent en effet en forte baisse par rapport aux années précédentes, sur une période de six mois de la mi-mars à la mi-septembre : pour les statines (-10 %), le furosémide donné dans l’insuffisance cardiaque ou rénale (-12 %), les antiagrégants plaquettaires (-14%), les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (-15%) et les anticoagulants (-18 %). La baisse par rapport à l’an passé de l’instauration de l’insuline et des antihypertenseurs en général était faible, respectivement -2% et -4%. Notons que pour d’autres traitements de maladies chroniques, la délivrance des traitements était...

“globalement stable”. C’est le cas pour l’épilepsie, Parkinson, la sclérose en plaques, l’hypothyroïdie et les traitements médicamenteux en ville du cancer (imatinib, inhibiteur de l’aromatase, antalgiques de niveau 3).   Produits pour IRM et scanner en chute libre Avec -250.000 préparations pour coloscopie, -500.000 produits iodés pour scanner, et -280.000 produits de contraste pour IRM, le rapport soulève un autre sujet d’alerte : la prise en charge des cancers. “La chute, non rattrapable, de ces trois derniers actes indispensables pour diagnostiquer certains cancers ou maladies graves en poussée, conduisent avec l’ensemble de la filière de cancérologie et de médecine de spécialité à des retards conséquents de prise en charge”, déplore le rapport. Une inquiétude dont a fait part à plusieurs reprises le Pr Axel Kahn, président de la Ligue contre le cancer, en plein coeur de la crise.

  Effondrement de la consommation des AINS Les anti-inflammatoires non stéroïdiens, déconseillés avec le Covid, ont chuté de manière très importante avec -7,2 millions de traitements délivrés,  de même que les antiulcéreux de type inhibiteurs de la pompe à protons (-2,8 millions), la corticothérapie orale (-3,6 millions), le paracétamol (-1,4 million), les antibiotiques de la classe ATC J01 (-4,1 millions de traitements). Selon les auteurs de l’étude, cela peut avoir un “lien avec la diminution de la circulation des virus (hors SARS-CoV-2) et autres agents infectieux consécutive à la fermeture des crèches et écoles, à la distanciation sociale et au port du masque”.   Anxiolytiques et hypnotiques en progression Enfin, contrairement à une majorité de médicaments délaissés pendant la crise, ceux liés aux troubles mentaux ont marqué une nette augmentation “en fin de confinement et durant la période qui a suivi”. Les anxiolytiques ont progressé (+ 1.1 million de traitements délivrés en six mois par rapport à l’attendu), de même que les hypnotiques (+ 480.000 traitements délivrés”. Par ailleurs, les nouveaux patients d’anxiolytiques et d’hypnotiques s’élevaient à un “niveau supérieur à l’année précédente” (respectivement +5% et +3%). “Cette augmentation reflète probablement l’impact psychologique important de l’épidémie de Covid-19 et de ses conséquences sociales, professionnelles et économiques”, note Epi-phare. Les antidépresseurs sont quant à eux restés à un niveau stable.  

Les vaccins ont aussi délaissés
Selon le rapport, la vaccination accuse elle aussi un fort déficit au 13 septembre. Les vaccins penta/hexavalents pour les nourrissons subissent une baisse de -40.000 doses, -150.000 doses pour les vaccins anti-HPV, -130.000 pour le vaccin ROR et -620.000 pour le vaccin antitétanique.

  *Le rapport s’est basé sur 3 milliards de prescriptions.

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