Pourquoi la future loi de santé fait peur au président de l'Ordre

11/01/2019 Par Aveline Marques
Politique de santé

Lors de la traditionnelle cérémonie des vœux, le président du Cnom, le Dr Patrick Bouet, n'a pas caché ses inquiétudes et sa déception concernant le projet de loi qui sera présenté la semaine prochaine au Conseil d'Etat. Un texte "technico-administratif" à la rédaction duquel les acteurs de terrain n'ont pas été associés.

  "En septembre, après le discours du président de la République annonçant la stratégie de transformation du système de santé, l’Ordre avait exprimé sa satisfaction : les médecins avaient été entendus", a rappelé le Dr Bouet. Mais ça, c'était avant. Présentant ses vœux, hier soir, le président du Conseil national de l'Ordre des médecins (Cnom) a exprimé ses craintes de voir ces "orientations positives" se traduire en "une succession de textes normatifs administratifs", à la rédaction desquels les acteurs de terrain n'ont finalement pas été associés. "A quelques semaines de sa présentation en Conseil des ministres, notre inquiétude est réelle", a-t-il insisté, fustigeant notamment "la place majeure" accordée aux habilitations à légiférer par ordonnance. "Nous attendons un véritable débat législatif", a lancé le Dr Bouet. Car "les événements qui ont émaillé la fin de l’année 2018, qui ont marqué l’actualité partout en France, ont démontré avec force, et une nouvelle fois, que la santé est au cœur des préoccupations des Français", a-t-il souligné. A travers le mouvement des Gilets jaunes, les citoyens ont exprimé "le ressenti d'une solidarité nationale mise à mal". "Ils vivent des fractures territoriales qui se creusent. Ils y sont confrontés au quotidien, quand elles les touchent au travers de l’accès aux soins." "Cet appel des Français doit être entendu", a martelé le président du Cnom. "Il doit être entendu pour répondre à l’épuisement des professionnels de santé, qui n'en peuvent plus de porter à bout de bras un système au bord de l'explosion." Le Dr Bouet a exprimé la volonté du Cnom "de participer à la construction de la loi qui portera la réforme", "à la sortie de crise pour notre système de santé, que nous avons été parmi les premiers à mettre en lumière". Or, "comme d’autres acteurs, nous avons le sentiment que l’on nous refuse ce rôle", dans une fidèle reproduction du modus operandi des loi Bachelot et Touraine. Non seulement Il serait "terrible" que ce quinquennat soit "perdu pour la santé", dit-il, mais "il serait terrible" pour Agnès Buzyn, "dont l’approche a toujours semblé être marquée par l’écoute et l’ouverture, qui a bénéficié d’une confiance affichée des corps intermédiaires du monde de la santé, de commettre les mêmes erreurs que ses prédécesseurs". Alors que pour une fois, "les diagnostics et les objectifs à poursuivre sont partagés par tous les acteurs, et de manière très lucide par la ministre de la Santé elle-même", le "gâchis" serait "immense". Et le Dr Bouet de "rappeler l’absolue nécessité de rendre du temps médical aux médecins" sans que cela passe par "une amputation irréfléchie et opportuniste" du métier. "Retrouver du temps médical, ce n’est pas déshabiller Pierre pour habiller Paul", a résumé le président.  

  Le président du Cnom appelle de ses vœux "une vraie démocratie territoriale de santé" et un décloisonnement de la coopération entre la ville et l'hôpital et les professionnels de santé. "Il ne faut pas, a-t-il mis en garde, que les CPTS excluent, mais bien au contraire qu’elles irriguent tout un territoire, rassemblent, au-delà des professionnels libéraux, tous les acteurs de proximité et ne pas ajouter des normes d’inclusion, d’exclusion ou des normes rigides de coopération inter-secteurs aux difficultés déjà existantes." Concernant la formation, le Dr Bouet insiste sur "l'importance de mieux lier la formation aux besoins des territoires" et demande l'arrêt de "l’hyper filiarisation des carrières qui enferme plus ou moins définitivement l’étudiant dans son diplôme. Il faut favoriser et faciliter les changements de spécialités."  

L'Ordre participera au "Grand débat national"

Le Cnom convie les représentants des médecins et les corps intermédiaires de la santé le 12 février à "débattre publiquement de la loi à venir et de sa mise en œuvre". "Nous voulons que le débat réaffirme la place des corps intermédiaires du monde de la santé. Nous voulons que chacun puisse exprimer ses espoirs, ses attentes des propositions de ses mandants par rapport au projet de loi en ce début d’année si crucial. Nous souhaitons que ce rendez-vous soit une contribution versée au grand débat national. Nous avons choisi d’intituler ce débat 'Ma santé 2022 : de la parole aux actes !' Car nous avons maintenant besoin d’actes forts."

 

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