A l'occasion de la publication de la dernière édition de l'Atlas de la démographie de l'Ordre des médecins, le président Patrick Bouet a rappelé quels étaient pour l'institution ordinales, les éléments indispensables pour qu'une réforme du système de santé réussisse. Eléments qui ne sont pas réunis dans "Ma santé 2022" défendu par le gouvernement alors que la médecine générale libérale poursuit sa descente aux enfers.
Pour la médecine générale, l'état d'urgence est maintenu. En huit ans, les effectifs des spécialistes en médecine générale, en activité régulière tous modes d'exercice confondus, ont fondu de 7 %, et de 0,4 % entre 2017 et 2018, souligne la dernière édition de l'Atlas démographique de l'Ordre des médecins. On compte 87 801 médecins généralistes inscrits au tableau de l'Ordre, en 2018, sur 198 081 médecins en activité régulière, et 296 755 médecins au total, inscrits au tableau. Urgence d'une réforme en profondeur Et la dégringolade de la médecine générale n'est pas près de s'arrêter. Elle va se poursuivre jusqu'en 2025 où les médecins généraliste, pénalisés par un taux de croissance annuel négatif de 0,9 % ne seront plus que 81 804. D'autres spécialités d'accès direct se trouveront également en grande difficultés, comme l'ophtalmologie, la dermatologie vénérologie qui ne pourront pas procéder au renouvèlement des générations, ou la psychiatrie, qui déserte la médecine libérale (de 41 % à 32 % entre 2010 et 2018).
Mais les médecins spécialistes, hors médecine générale, n'ont aucun souci à se faire bien assurés, eux, du renouvellement de leurs générations (indice de 1,21, à l'exception des spécialités chirurgicales (indice de 0,95).
A la vue de ces chiffres, on comprend mieux l'urgence d'une réforme en profondeur de l'organisation des soins, initiée depuis une décennie au travers de plusieurs lois : Hôpital, patients, santé et territoires (HPST) de Roselyne Bachelot, la loi de Santé signée Marisol Touraine, et le plan "Ma santé 2022" d'Agnès Buzyn, bientôt renforcée par une autre Loi de Santé, au printemps prochain. Des réformes d'autant plus urgentes que le gouvernement veut accélérer le virage ambulatoire. La "boîte à outils " mise en œuvre depuis 10 ans ? Des aides diverses à l'installation dans les zones sous-denses, des bourses, l'exercice coordonné en maisons ou pôles de santé subventionnés, les délégations de taches, l'instauration des infirmières de pratique avancée, l'avènement de la télémédecine remboursée par l'assurance maladie, le maillage du territoire par les Communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), la transformation d'établissements hospitaliers en hôpitaux de proximité, la création des assistants médicaux, l'injection de médecins généralistes salariés dans les territoires … toutes ces réformes ont la vocation de pallier le trou démographique en cours et à venir en médecine générale, déjà ressenti très fortement dans certaines zones particulièrement touchées par le phénomène, y compris à l'intérieur d'une même région. L'Atlas met ainsi en avant le cas de la région Rhône-Alpes, qui gagne globalement des médecins généralistes en activité (+ 0,51 des effectifs entre 2017 et 2018), mais perd des effectifs dans l'Allier, le Puy de Dôme, le Cantal et la Loire. Le modèle est le même en Bretagne (+ 0,57 %), alors que les Côtes d'Armor perdent 1,11 % d'effectifs entre 2017 et 2018. Mais en majorité, souligne l'Ordre, la tendance entre 2017 et 2018 est à...
la baisse des densités de médecins généralistes, avec des disparités notables. "L'argent ne suffit pas" Mais pour le président de l'Ordre, le Dr Patrick Bouet, fort des conclusions de la grande consultation menée par le CNOM en 2015, tout ce qui a été fait jusqu'à présent est insuffisant car c'est une véritable refondation du système que les professionnels de santé réclament, pas des mesures de "replâtrage". Trouve-t-il les bonnes réponses dans la réforme "Ma santé 2022" ? Même s'il assure vouloir accompagner la réforme, et participer activement aux ateliers à venir, pas vraiment. "Il nous faut un objectif de transformation, pas de réparation ou de colmatage. L'argent ne suffit pas", a-t-il asséné lors d'un point presse mardi matin. Pour le président du CNOM, la priorité doit être donnée aux territoires et à la démocratie sanitaire, c’est-à-dire à "l'association de l'ensemble des acteurs à la définition de la gouvernance nationale. Et cela, nous ne le voyons pas émerger", a-t-il regretté.
Le concept de CPTS (Communautés professionnelles territoriales de santé, qui unit les professionnels de santé de médecine ambulatoire), issu de la loi Touraine, repris par Agnès Buzyn, serait trop limitatif à ses yeux. "Nous préconisons l'inclusion, pas l'exclusion. L'ordre défend l'idée de bassin de proximité, ou seraient inclus les professionnels de santé libéraux, mais aussi les professionnels salariés, l'hôpital, le médico-social, le paramédical, la prévention. Tous ensemble, ils auraient à élaborer un plan local d'organisation territorial inclusif", défend-il en ajoutant que pour réussir, l'innovation "doit prendre le pas sur la norme et la réglementation par norme". Le président Bouet revendique également une refonte en profondeur de l'enseignement, pour que ce dernier soit "professionnalisant, au travers de stages massivement organisés dans les territoires et pas seulement à l'hôpital. Les 30 000 internes doivent aller se former sur le terrain, comme le font les apprentis qui apprennent la théorie et la pratique durant leur formation (…) La suppression du numerus clausus que nous approuvons, c'est juste une réforme du mode de sélection. Il y aurait tromperie à faire croire que ce sera table ouverte", a-t-il tenu à souligner. Pas de "juxtaposition de mesures" "La santé fait partie du pacte républicain", a t-t-il ajouté, en demandant que dans cette future loi de santé, attendue pour le premier trimestre 2019, le caractère "solidaire" du système de santé soit fermement rappelé, en opposition aux offensives de l'ubérisation de la santé et ses plateformes liées à des organismes de protection complémentaire, et non plus à la sécurité sociale., qui proposent des contractualisations directes.
Selon la vision du CNOM, la réforme doit avoir plusieurs versants, le contraire d'une "juxtaposition de mesures". Elle doit envisager le court terme : décloisonnement pour transformer les innovations en plans de santé locaux tout en prévoyant la place et le financement des acteurs, le moyen terme avec une refonte de la formation qui doit se professionnaliser sur le terrain, et enfin le long terme. "'La future loi de santé doit ouvrir la porte aux investissements (…) il nous faut déréguler les conditions d'exercice, créer de véritables équipes de proximité et investir". Patrick Bouet l'affirme : "Les mesures conventionnelles n'ont pas de cohérence territoriale. Elles sont polymorphes et plurielles. Il faut revenir à la démocratie sanitaire, redonner la voix aux URPS (Unions régionales des professions de santé), souvent écrasées par les ARS", qui "hyperadministrent", alors qu'il faut à l'inverse, "rassembler les acteurs du bas vers le haut". L'Ordre publiera très prochainement, toutes ces propositions, qui lui serviront de livre de chevet pour les ateliers qui vont prochainement se mettre en place, en amont de la future loi de santé. INFOGRAPHIE - Qui sont les médecins inscrits au tableau de l'Ordre en 2018 ?
Si l'on tient compte du nombre de retraités actifs inscrits à l'Ordre, les médecins toutes spécialités confondues sont 296 755, soit une augmentation de 1,9 % en un an et 11,9 % de plus en dix ans. Mais si l'on retire les effectifs des retraités et des retraités actifs (dont le nombre a augmenté de 67,6 % depuis dix ans), c'est l'inverse qui apparaît avec une diminution de 0,9 % sur la même période, essentiellement dû à l'effondrement de la population de la médecine générale, qui, dans le même temps, a fondu de 7 %.
La France compte 87 801 médecins généralistes inscrits au tableau de l'Ordre, en 2018, sur 198 081 médecins en activité régulière (et 296 755 médecins inscrits au tableau), 85 647 médecins spécialistes (+ 3,1 % en 8 ans), hors médecine générale, et 24 632 spécialistes en chirurgie.
On recense 42,6 % des médecins actifs réguliers exerçant en libéral exclusif (- 10,9 % depuis 2010). Les activités mixtes représentent 10,7 % de l'ensemble des actifs réguliers (-9,3 % depuis 2010), les salariés représentent 47,1 % du tout, avec une croissance de 1,2 % depuis 2017 et de 9,6 % depuis 2010. On en compte que 16 % des étudiants en médecine, qui choisissent le libéral la première année.
L'âge moyen des médecins est de 50,7 ans, avec de forts différentiels : 7 ans de différence par exemple, entre l'âge moyen de la Creuse (54,7 ans) et celui de l'Ille et Vilaine (47,5 ans). La féminisation des médecins en activité se poursuit, et est désormais majoritaire dans 11 départements (Haute- Garonne, Ille- et- Vilaine, Isère, Loire-Atlantique, Puy-de-Dôme, Rhône, Savoie, Paris, Yvelines, Hauts-de-Seine et Val-de-Marne). Elle représente 64 % des effectifs des nouveaux inscrits en médecine générale, et 61 % pour les spécialités chirurgicales.
Ces nouveaux inscrits, ont une moyenne de 32 ans, et on y compte 59 % de femmes. 84 % sont diplômés en France, 62 % exercent comme salariés, 75 % ont une activité régulière et 23 % une activité intermittente.
L'Ordre note un "lien inversement proportionnel entre la densité médicale des départements et le pourcentage des médecins à diplôme étranger parmi les médecins nouveaux inscrits", la densité moyenne hexagonale étant de 255 avec un taux médecins à diplôme étrangers de 16 %. L'Atlas relève ainsi le cas de l'Indre : 167,9 en densité médicale et 77,8 % de médecins à diplômes étrangers, l'Yonne (179 et 64,70 %), le l'Eure et Loire (183,4 et 65,5 %), ou encore la Creuse (184,6 et 100 % - ce qui représente 2 médecins).
En moyenne, les médecins "sortent" (tous motifs de sortie) à 66 ans, mais à 48 ans à Mayotte.
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