Présidentielle : comment les Libéraux de santé veulent reprendre le pouvoir

10/02/2022 Par Louise Claereboudt
Politique de santé
Lors d’une conférence de presse, ce jeudi 10 février, la toute nouvelle organisation interprofessionnelle les Libéraux de santé a dévoilé ses pistes pour refonder le système de santé, et soigner les soins de premier recours, qui sera "un des sujets majeurs pour le futur locataire de l’Elysée". Elle présentera ses propositions le 30 mars prochain aux candidats à l’élection présidentielle. 

 

"Remettre les soins de ville au centre de son organisation". Tel est l’objectif que se sont fixés les Libéraux de santé, une organisation interprofessionnelle créée en septembre dernier pour défendre la pratique libérale. A quelques mois de l’élection présidentielle, la structure – qui regroupe onze syndicats représentatifs des professions de santé* (dont la CSMF et le SML) – a élaboré un projet de loi pour garantir à tous les Français des soins de premier recours de proximité de qualité et, surtout, où qu’ils soient. Ce texte, qui comporte six axes, sera présenté le 30 mars prochain aux candidats à la présidentielle au Conseil économique, social et environnemental (Cese).  

A travers ce texte, les Libéraux de santé espèrent que "le futur locataire de l’Elysée" prendra la mesure de la crise qu’ils traversent. "On ne peut plus se contenter de petites réformettes", a déclaré le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF. "Nous avons un système de santé qui va mal, qui est à bout de souffle et ce sont nos patients en souffrent le plus." Malgré les milliards d’euros du Ségur, "l’hôpital est dans une crise durable, ce qui prouve que ce n’est pas uniquement un problème financier", a-t-il estimé, ajoutant que "les praticiens de ville vont mal eux aussi. Le Ségur de la santé les a complètement oubliés." 

"On a une perte de sens du métier, et cela touche tous les secteurs, ce qui explique les pénuries de personnel", a ajouté le néphrologue. Cela "entraîne des retards de soins" et "aura des conséquences sur la santé publique". La crise sanitaire a "mis en exergue ces difficultés, ces failles". "Elles sont le résultat de mécanismes comptables", de problèmes organisationnels, a soulevé le Dr Ortiz. Le diagnostic posé, l’enjeu est aujourd’hui de mieux s’organiser, s’accordent à dire les membres des Libéraux de santé qui, les uns après les autres, ont présenté les contours de leur projet de loi, sans entrer dans les détails. 

 

 

Revoir la représentativité des syndicats 

Première proposition des professionnels de santé libéraux, et pas des moindres : révolutionner le système conventionnel et les modalités de financement. Alors que "les Gouvernements successifs avec l’Assurance maladie ont pris l’habitude de passer en force pour imposer des mesures" aux professionnels de santé, dénonce Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France, il apparaît aujourd’hui nécessaire pour l’organisation de "revoir les critères de représentativité des syndicats" afin d’opérer un "rééquilibrage entre les syndicats et l’Assurance maladie" lors des négociations conventionnelles, ajoute Daniel Guillerm, président de la Fédération nationale des infirmiers (FNI). 

Selon Sébastien Guérard, président de la Fédération française des masseurs-kinésithérapeutes rééducateurs (FFMKR), "cette révision des critères de représentativité est la condition pour que dialogue ait encore du sens". "Pour certaines professions, on ne se retrouve parfois avec 8/10 organisations à la table" des négociations. "Il faut qu’on arrête de diviser à ce point la voix des professionnels", a-t-il soutenu. 

 

Développer les équipes de soins coordonnées autour du patient 

Face à la "complexité et la rigidité" des modèles de coordination existants, les Libéraux de santé plaident, entre autres, pour la "reconnaissance par la loi des Escap (Équipe de soins coordonnée autour du patient", explique Mélanie Ordines du Syndicat national autonome des orthoptistes (SNAO), qui déplore que la Cnam soit "peu pressée de soutenir cette organisation", qu’elle juge pourtant plus "souple" et "lisible" pour les professionnels de santé de ville. Selon elle en effet, les autres "formes de coordination ont encore du mal à se déployer et à convaincre les libéraux"

Le Dr Ortiz abonde en indiquant que seuls "15% des généralistes exercent dans des maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP)"

 

Repenser les périmètres des métiers 

Catherine Mojaïsky, ex-présidente de la Confédération nationale des syndicats dentaires, devenue CDF, présente le troisième axe en expliquant que face aux difficultés d’accès aux soins, il apparaît aujourd’hui nécessaire de "favoriser une mobilité entre les professions de santé". Alors que "les besoins de la santé ont évolué, il faut repenser les périmètres, ouvrir les perspectives de formation en santé". Elle évoque notamment la multiplication de "passerelles entre les différents cursus". Mais ces évolutions doivent nécessiter une "concertation préalable". "Il est évident qu’il faut faire bouger nos contours de métiers, mais ce n’est pas à l’Assemblée nationale de décider", appuie le Dr Ortiz.  

Autre axe important de leur texte : démocratiser le numérique en santé, qui peut être un atout majeur pour améliorer l’accès aux soins, à condition que tous les Français puissent y avoir accès.  

 

Valoriser la prévention 

Les Libéraux de santé veulent par ailleurs faire de la prévention "la clé pour vivre en bonne santé" en France, alors que la population vieillit à grands pas. Il est temps d’instaurer "des mesures pour faire évoluer notre système de santé curatif vers un système basé sur la prévention", soutient le Dr Philippe Vermesch, président du syndicat des médecins libéraux (SML). Cela passe par la "création d’un parcours de prévention lisible pour tous les patients tout au long de leur vie" avec des rendez-vous aux "âges clés de la vie" et des "actions spécifiques". L’occasion d’aborder des sujets de santé publique : addictologie, santé mentale… Ces rendez-vous ne doivent pas être obligatoires, mais être largement valorisés par les pouvoirs publics, indique le Dr Vermesch, qui déplore qu’Emmanuel Macron n’ait pas mis l’accent sur la prévention, qui était pourtant un axe de son programme lorsqu’il était candidat. 

Enfin, le dernier enjeu de ce texte est de garantir la qualité des soins pour tous, à travers une réforme de la structuration du système. "Le temps est venu pour nous de participer de façon proactive à la définition des objectifs et des moyens", a déclaré François Blanchecotte, président du syndicat des biologistes, avant de conclure : "sans cela nous allons droit dans le mur".  

 

*les CDF, la CSMF, la FFMKR, la FNI, la FNO, la FNP, la FSPF, le SDA, le SDB, le SML et le SNAO 

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