Prise en charge des arrêts cardiaques : le retard français

05/10/2018 Par Marielle Ammouche
Santé publique

En France, le taux de survie après un arrêt cardiaque subit (c’est-à-dire survenant de façon inopinée, c’est-à-dire sans cause préexistante identifiée) en dehors du secteur hospitalier n’est que de 10%. Un taux deux à trois fois plus faible que celui observé dans certains pays d’Europe du Nord ou dans certaines villes aux Etats-Unis. Un rapport de l’Académie de médecine dénonce cette situation et le manque de formation du grand public, alors que cela est pourtant obligatoire à l’école.

  On estime actuellement à 40 000 le nombre d’arrêt cardiaques subit survenant chaque année en dehors du secteur hospitalier. Et même si des progrès ont été réalisés ces dernières années avec, en particulier la mise en place de défibrillateurs externes depuis 2007, le taux de survie reste faible estimé à moins de 10%. Or ce chiffre est bien inférieur à ce que l’on observe dans d’autres pays d’Europe du Nord ou certaines villes nord américaines, où il atteint 20 à 30%. Pour l’Académie nationale de médecine, qui vient de publier un rapport sur ce sujet, « l'éducation du public est le point clé de l'amélioration de la survie et la France reste très en retard ». En effet, aujourd’hui moins d'un tiers des Français sont formés aux gestes de premiers secours. Et seuls 55 % des collégiens ont reçu cette formation, alors que leur initiation est obligatoire depuis la loi de 2004. « Non seulement, ce déficit de formation initiale est important, mais le maintien des connaissances dans le temps est quasi inexistant » insiste le rapport. Les études montrent, en effet, qu’un témoin est fréquemment présent (70 %). Mais il ne débute un massage cardiaque externe (MCE) que dans 40 % des cas. Les chiffres sont encore plus alarmants concernant le défibrillateur automatisé externe, qui n’est utilisé par le témoin que dans 1 % des situations. Les gestes de premier secours ont pourtant été simplifiés. La recherche d’un pouls n’est plus recommandée pour commencer le MCE, qui doit être débuté si le patients ne répond pas à la stimulation et ne respire pas. En outre, il est maintenant admis que le MCE doit être généralement réalisé seul, sans ventilation artificielle associée. Et concernant la défibrillateur automatisé externe, les recommandations actuelles préconisent de l’employer dès que possible lorsqu’il est disponible, sans attendre nécessairement la réalisation préalable d’un cycle de MCE. Chacune de ces actions est cruciale. Ainsi, lorsque le MCE peut être rapidement associé à une défibrillation externe, comme par exemple cela a pu être rapporté récemment dans les casinos, les aéroports américains, ou lors des manifestations sportives nord-américaines, les taux de survie dépassent les 50 %. Et on pourrait même espérer encore mieux : l’étude e-Must, coordonnée par l’Agence Régionale de Santé d’Ile de France, menée sur des patients pris en charge par les Samu d’Ile de France entre 2006 et 2010, a montré qu’en cas d’arrêt cardiaque pris en charge immédiatement par les équipes du Samu, la grande majorité (91 %) des patients pouvait être réanimée et admise vivante à l’hôpital. En France, les taux de survie restent très hétérogènes selon les régions, variant de moins de 1% à 40% selon les départements. Et « l’analyse de ces disparités a identifié le MCE comme étant le seul élément qui diffère entre les départements » affirment les auteurs du rapport. Les taux de survie étaient, en effet, liés au taux d’initiation au MCE qui allait de 10% des cas dans les 29 départements à faible survie, à plus de 80 % des cas dans les départements du Nord et de la Côte d’Or (où la survie était supérieure à 40 %).  

Quatre recommandations

  Une meilleure formation au massage cardiaque constitue donc le premier des quatre leviers qu’identifie l’Académie de médecine pour améliorer la situation. Actuellement, on estime que moins de 30 % de la population a bénéficié d’une formation (courte d’une heure environ ou longue d’une durée de 7h environ), avec une importante hétérogénéité départementale. Pourtant cet apprentissage est obligatoire à l’école. Et si le taux d’élèves de 3ème formé est passé de 26 % en 2016 à 55 % en 2017, on est encore loin des 95 % de la population formés en Norvège, ou de l’objectif de 80 % à l’horizon 2022, comme le souhaite le plan « Prévention pour la santé », fixé par le Président de la République. Les académiciens recommandent donc une initiation dès l’école, à répéter au moins tous les 5 ans, et rendue obligatoire à certains moments citoyens tels que l’entrée à l’université, le service civique, le permis de conduire, l’embauche… En outre ils préconisent faire évoluer les formations qui sont actuellement « peu lisibles » vers un « socle commun avec des sessions courtes de moins de deux heures», comportant  un enseignement en présentiel, accompagné d’enseignements à distance. Les académiciens souhaitent par ailleurs mettre en place un guichet unique. Il s’agit de remplacer l'observatoire national du secourisme créé en 1997, qui « ne représente pas un organe actif et opérationnel et ne dispose pas de données globales ». Cela doit s’accompagner de « moyens financiers indispensables ». Pour les académiciens, il faut aussi trouver les moyens de lever les freins à la pratique du MCE et à l'emploi du défibrillateur automatisé externe ; la peur d’agir voire de faire mal pouvant constituer l’un de ces freins. Ils proposent donc de réfléchir à « une loi de protection des premiers intervenants » dite « loi du bon samaritain », afin « d'éviter l'inaction liée aux craintes des conséquences médico-légales encourues par les sauveteurs ». Enfin, les auteurs du rapport soulignent la nécessité d’accélérer l'installation, la localisation et le contrôle des défibrillateurs automatisés externes. Des applications smartphone pour rechercher un défibrillateur ou un secouriste doivent ainsi être développées.    

Intervenir le plus précocement possible

Les arrêts cardiaques subits concernent majoritairement des hommes (65 %), âgés en moyenne de 65 ans et la survenue se fait principalement au domicile (75-80%). La maladie coronaire représente la cause principale des arrêts cardiaques (80 %) ; viennent ensuite les cardiomyopathies (15 %) et les maladies liées aux troubles du rythme cardiaque héréditaires (5 %).

L'arrêt cardiaque est le plus souvent secondaire à un trouble du rythme ventriculaire initial (tachycardie/fibrillation ventriculaire, dit rythme « choquable »), qui se dégrade spontanément en quelques minutes en asystolie (rythme « non choquable »). D’où la nécessité de réagir précocément pour pouvoir effectuer un choc électrique.

 

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