Pour Thierry Beaudet, le président de la Mutualité française, il aurait été plus réaliste pour le gouvernement de se donner l'objectif d'une stabilisation du reste à charge sur la durée du quinquennat, plutôt que de viser un reste à charge zéro pour les lunettes et les prothèses. Observant par ailleurs, le transfert de charge vers les mutuelles, inscrit dans le projet de budget 2018 de la sécurité sociale, il prévient les Français, qu'ils devront le payer.
Egora.fr : L’actualité du Projet de loi de financement de la sécurité sociale, met en avant la hausse du forfait hospitalier de 2 euros l'an prochain, et sa prise en charge effective par les complémentaires. Le gouvernement estime pour se justifier, que, selon la tendance de ces dernières années, les mutuelles dépensent de moins en moins pour les remboursements santé, puisqu’il y a de plus en plus de patients pris en charge à 100 % en fonction de leur état de santé ou de leur situation sociale. Quelle est votre réponse ? Thierry Beaudet : C’est un faux argument. En 2015, les complémentaires ont financé 26 Md€ de frais de soins contre 15 Md€, en 2001, soit 80% d’augmentation en 15 ans. Cette évolution est liée à l’explosion des dépenses de santé. Si les mutuelles prennent en charge 12 à 14 % de la dépense de santé totale depuis bientôt 30 ans, il y a un monde entre 12 à 14 % de 100 Md€ et 12 à 14 % de 200 Md€. Il ne faut pas non plus oublier que les patients en ALD (affection de longue durée), censés être pris en charge à 100 % par la Sécu, subissent un reste à charge après remboursement de l’assurance maladie en moyenne plus important que ceux qui ne sont pas en ALD (en moyenne 750 euros pour les premiers, contre 400 euros pour les seconds). Plus largement, quelle est l'analyse de la Mutualité sur le PLFSS 2018 ? Construit, pour la maladie, sur un Ondam de 2,3 % et des économies de 4,2 milliards d'euros reposant essentiellement sur l'hôpital et le médicament, il met en place un fonds d'innovation organisationnelle ouvert à la ville et à l'hôpital. Est-ce une bonne initiative ? Dans quelle mesure pourriez-vous vous inscrire dans cette dynamique d'innovations organisationnelles ? La trajectoire de retour à l’équilibre de la Sécurité sociale va dans le bon sens, même si l'assurance maladie demeure en déficit. Chirurgie ambulatoire et télémédecine, cadre visant à favoriser les expérimentations sur les territoires sont autant d’évolutions annonciatrices des réformes structurelles dont notre système a besoin. Nous saluons aussi les mesures relatives à la vaccination et au prix du tabac. En revanche, nous déplorons les propos de la ministre sur la hausse du forfait hospitalier. On ne peut pas laisser dire que ce ne sont pas les Français qui paieront les 800 M€ supplémentaires (dont 180 millions d’euros rien que pour le forfait hospitalier) qui seront mis à notre charge pour 2018. Quand on augmente les dépenses des mutuelles, on augmente les dépenses des Français. En santé, le programme du candidat Macron reposait sur la mesure phare d'un reste à charge zéro sur les lunettes et les prothèses, sur la durée du quinquennat. Cette promesse est-elle réaliste ? Quelles en seraient les conséquences pour les mutuelles, et pour les patients ? C’est un sujet majeur, mais je m’interroge sur la formule même de reste à charge zéro. Il faudrait plutôt viser un objectif ambitieux mais plus accessible de reste à charge "maîtrisé". Nous devrions y aller de manière progressive en ne visant pas toute la population française, mais en se concentrant dans un premier temps sur des cibles prioritaires. Il y a par exemple un enjeu pour les enfants scolarisés. L’Observatoire que nous venons de rendre public dresse une photographie inédite du reste à charge des Français sur les territoires et révèle de grandes disparités, que ce soit pour l’achat de lunettes, de prothèses dentaires ou auditives. Cela montre bien que le reste à charge zéro n’est pas qu’une question de remboursement. Si on ne fait qu’augmenter les remboursements, il risque d’y avoir des effets d’aubaine, les tarifs des dispositifs médicaux augmentant dans les mêmes proportions (laissant le reste à charge des Français inchangé). Il faut que l’Assurance maladie et les mutuelles remboursent davantage, mais il faut aussi une action sur les tarifs des lunettes et des prothèses dentaires et auditives. D’ici la fin de l’année, nous voulons être force de propositions avec les professionnels de santé, les partenaires sociaux, les usagers, les autres familles de complémentaires. Seule une réponse collective permettra de réduire les restes à charge des Français sur ces trois postes, dont le montant aujourd’hui s’élève à 4,4 Md€. Pour le début de l’année 2018, il nous faut donc être en capacité de dialoguer utilement et concrètement avec le Gouvernement. D'un tiers payant généralisé et obligatoire, nous sommes passés à un tiers payant généralisable depuis l'arrivée du nouveau gouvernement. Comment jugez-vous ce glissement sémantique ? Où en sont les travaux conjoints de la mutualité avec l'assurance maladie, pour être au rendez-vous, fixé par la loi de modernisation de notre système de santé, d'un droit au tiers payant pour tous, au 30 novembre prochain ? Au cours des derniers mois, des progrès importants ont été accomplis. La pratique du tiers payant obligatoire est à ce jour une réalité pour une très grande majorité des professionnels de santé. Généralisable ou généralisé, le tiers payant finira par s’imposer parce que c’est un élément de modernité et d’efficacité. Les professionnels de santé se rendront compte des bénéfices qu’ils peuvent en tirer. Le déploiement du tiers payant va également contribuer à favoriser l’accès aux soins, à limiter les situations de non-recours et à simplifier l’exercice des professionnels de santé. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale va sortir la télémédecine de l'espace expérimental où elle était confinée jusqu'à présent. Les négociations conventionnelles vont donc reprendre autour d'un avenant ad hoc. Alors que la convention n'a pas été signée par la CSMF et le SML, comment jugez-vous la situation ? Le cadre expérimental n’était pas idéal pour favoriser le bon développement de la télémédecine. Permettre à la télémédecine de bénéficier par la négociation d’un financement de droit commun est un moyen de se placer à la hauteur des enjeux. Il était temps ! Je sais l’intérêt que les acteurs de la négociation à venir portent à ce type de dispositif. Quand je vois nos propres établissements souvent pionniers, s’essouffler, faute de financement pérenne, je ne doute pas de notre capacité à trouver des solutions satisfaisantes à tous.
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