"Son départ va être une catastrophe" : vague de réactions après la démission d’Aurélien Rousseau

21/12/2023 Par Pauline Machard
Si les soignants semblent saluer les “valeurs” qui ont motivé le départ du ministre de la Santé Aurélien Rousseau, c’est la question de l’instabilité du poste qui se pose en filigrane.  

 

Suite à la démission confirmée, mercredi 20 décembre 2023, d’Aurélien Rousseau, de ses fonctions de ministre de la Santé en raison de son opposition au projet de loi immigration, les réactions n’ont pas manqué. Notamment du plus haut niveau de l’Etat. Interrogé par l’équipe de C à vous sur France 5, le président de la République Emmanuel Macron a déclaré : “Je respecte [sa démission] et j’ai aussi beaucoup de respect pour tous les députés de la majorité qui ont voté une loi dont ils n’aimaient pas toutes les dispositions mais dont ils considéraient que c’était une loi utile pour le pays et, au fond, un bouclier qui nous manquait”.  

Sur le remplacement immédiat en intérim par Agnès Firmin Le Bodo, Emmanuel Macron a déclaré à C à vous : “C’est normal parce qu’il y a une continuité de l’Etat”. “On peut tous avoir des interrogations, la question est de savoir si ces interrogations sont de nature à arrêter sa mission ou pas. Je respecte la décision qui a été prise, il a été remplacé et on doit avancer parce que les sujets de santé sont essentiels, on ne peut pas les laisser vacants”.  

 

“Un grand ministre” 

“On perd quelqu’un d’une immense valeur et qui me redonnait espoir dans le renouveau humaniste du système de santé”, s’est désolé l’urgentiste Patrick Pelloux auprès de l’AFP.  “Aurélien Rousseau est un grand ministre et son départ va être une catastrophe pour le système de santé", s’est-il également exprimé sur X (anciennement Twitter).  

 

“Merci monsieur. Votre décision, qu’on pourra regretter, nous sommes beaucoup à penser qu’elle vous honore. Et c’est tellement rare que c’est à saluer. Dommage qu’on perde un serviteur de l’Etat aux convictions humanistes”, pose le Dr Jérôme Barrière. Pour le Dr Jean-Christophe Nogrette, généraliste : “Les hommes de conviction qui mettent leurs actes en conformité avec leur pensée deviennent rares”. “Respect ! C’est tellement rare le courage politique”, poste pour sa part le Dr Dominique Dupagne. “La classe. Respect”, écrit sobrement sur X le Dr Jacques Lucas, ancien premier vice-président du Cnom et ancien président de l’ANS.  

Sur X, et par voie de communiqué, la Fédération hospitalière de France (FHF) “remercie chaleureusement” Aurélien Rousseau “pour son travail, son engagement constant (...) et les liens de confiance qu’il a su nouer auprès du secteur hospitalier public”. Elle “salue” également la nomination par intérim d'Agnès Firmin Le Bodo, rappelant les chantiers.  

Lamine Gharbi, président de la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP) a, par voie de communiqué, rendu un hommage à l’action menée par Aurélien Rousseau : “Aurélien Rousseau a rempli sa mission à la tête du ministère comme il avait dirigé l’ARS d’Ile-de-France pendant la crise Covid, c’est-à-dire avec pragmatisme, sans se soucier du statut des établissements  (...) Alors que l’ensemble des acteurs de santé doit retrouver l’esprit Covid, c’est-à-dire un véritable esprit de solidarité. Aurélien Rousseau est un ministre qui a donné l’exemple, loin des clivages traditionnels si pénalisants pour notre système de santé. Je salue un homme de courage, de conviction et d’ouverture, soucieux de combattre les inégalités”. Le président de la FHP a également indiqué avoir “beaucoup d’estime” pour Agnès Firmin Le Bodo et lui souhaite “la plus grande réussite dans ses nouvelles fonctions”.  

 

Pérenniser l’esprit et la méthode 

“Nous étions en adéquation avec Aurélien Rousseau” sur “deux positions majeures” a fait savoir à l’AFP la Dre Agnès Gianotti, présidente de MG France, principal syndicat des généralistes : le maintien de l’aide médicale d’Etat (AME) destinée aux sans-papiers et ses “priorités” pour la médecine libérale, identifiées dans le cadre de la reprise des négociations conventionnelles.  

Par communiqué, Avenir Spé “prend acte de la démission d’Aurélien Rousseau” et tient à “saluer” son action de ces cinq derniers mois, “qui a notamment permis de relancer la dynamique conventionnelle et de redonner la place à la médecine libérale”. Le syndicat salue également “un homme de valeurs, fidèle à ses convictions, dont l’esprit de responsabilité a servi la fonction et permis de renouer la confiance avec les médecins libéraux”. Il ne “doute pas” qu’Agnès Firmin Le Bodo “aura à coeur de pérenniser l’esprit et la méthode de co-construction nécessaires pour apporter des réponses concrètes aux nombreux défis que doit relever le système de santé avec l’ensemble de ses parties prenantes”.  

L’UFML syndicat “salue la décision du ministre Aurélien Rousseau de quitter ses fonctions suite au vote de la loi immigration”. “Un homme qui place les valeurs, l’honneur, au-dessus de son parcours mérite le plus grand respect”, a posté son président, le Dr Jérome Marty, sur X. “Parce qu’on ne transige pas avec les valeurs de la France. Parce qu’on ne construit pas une loi avec le RN comme architecte. Parce que la politique est d’abord une affaire d’honneur. Merci Mosnieur le ministre”, a-t-il également écrit.  

Du côté des Ordres professionnels, on peut notamment noter la réaction du Cnom, qui “tient à remercier” Aurélien Rousseau “pour la qualité des échanges et du dialogue établis” et qui se “tient à disposition” d’Agnès Firmin Le Bodo “afin de continuer à construire la santé de demain !” Mais aussi celle de la présidente de l’Ordre des kinés, Pascale Mathieu : “Merci pour nos échanges et nos travaux, a-t-elle écrit sur X. Avec tout mon respect pour cette décision qui honore un homme qui ne trahit pas ses valeurs intimes et ses convictions. Bonne route” 

 

Pour une relation durable  

Si les professionnels de santé semblent comprendre et saluer ce choix, ils n’en restent pas moins pris de court. “On aimerait bien une relation durable avec un ministre qui ait le temps de mettre en place toutes les mesures programmées”, a lâché à l’AFP Agnès Ricard-Hibon, porte-parole de la Société française de médecine d’urgence (SFMU). “On change de ministre tous les quatre matins”, regrette aussi Patrick Gasser, président du syndicat de médecins spécialistes Avenir Spé. “Son départ est très emmerdant”, confie à l’agence de presse Jérôme Marty, de l’UFML : “On a besoin de stabilité, on est à un moment de notre histoire où le système de santé souffre plus que jamais avec des soignants qui s’épuisent, et des patients qui rencontrent des difficultés d’accès aux soins”.  

Sous la présidence d’Emmanuel Macron, entamée en 2017, cinq ministres de la Santé se sont déjà succédé : Agnès Buzyn (2017-2020), Olivier Véran (2020-2022), Brigitte Bourguignon et François Braun en 2022 et 2023. Aurélien Rousseau aura tenu 5 mois. Dans une chronique sur RTL, l’humoriste Philippe Caverivière avait glissé à Aurélien Rousseau : “Ne m’en veuillez pas, mais je vais essayer de ne pas trop m’attacher, car l’espérance de vie en poste du ministre de la Santé est plus courte que celle du hamster”.  

Parmi les réactions d’anciens ministres de la Santé, celle d’Agnès Buzyn, qui s’est exprimée sur France Info. À la question : “Vous auriez fait comme lui ?”, elle répond : “C’est très difficile de se mettre à une place qu’on n’occupe plus. Il est possible, en tout cas je me serais certainement posé la question de ne pas endosser un certain nombre de mesures qui ne vont pas dans le sens de mes valeurs.” La question de la succession se pose. “Il ne faudra pas d’erreur de casting”, a lancé Patrick Gasser à l’AFP. 

  [Avec AFP]

36 commentaires
6 débatteurs en ligne6 en ligne
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Débatteur Passionné
Médecins (CNOM)
il y a 11 mois
Parfait ! Moi qui m'apprêtais à adhérer à l'UFML, je viens de comprendre que Mr Marty ne vaut pas mieux que toute cette ribambelle de médecins de plateau. Tous ces gens qui passent leur temps à pleur
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1,6 k points
Débatteur Renommé
Médecine générale
il y a 11 mois
Eh beh ils sont tous solidaires de ce ministre communiste qui a laisse péricliter la santé et les hôpitaux en laissant mourrir des patients fautes de soins pour les franciliens entre autre et qui dé
Photo de profil de Yves Adenis-Lamarre
3,2 k points
Débatteur Passionné
Médecine générale
il y a 11 mois
Un ministre peut être dit "grand" uniquement par jugement de son action dans la durée, certainement pas par anticipation dogmatique. Moi, je ne sais pas s'il aurait été grand ou non, il ne nous lais
 
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