Crédit : Louise Claereboudt
"Les gens ne se rendent pas compte du travail d'un influenceur santé" : qui est Olivier Marpeau, le gynéco star des réseaux sociaux ?
En à peine deux ans, le Dr Olivier Marpeau, 47 ans, est devenu le gynécologue star des réseaux sociaux, fédérant autour de lui une communauté de deux millions d'abonnées. Grâce à plusieurs formats phares, notamment "la question de ma meuf" où il se met en scène avec la complicité de sa compagne Alexandra, le médecin a su combler un audimat féminin en quête de réponses à ses interrogations légitimes. Nous l'avons rencontré chez lui, à Aix-en-Provence, où il a posé ses bagages il y a quinze ans.
Crédit : Louise Claereboudt
Le domicile des Marpeau se trouve au bout d'un petit chemin caillouteux, niché dans les pins de la campagne aixoise. C'est Alexandra qui nous accueille dans leur "chez eux", une maison d'architecte "achetée en 20 minutes" : "Un vrai coup de cœur !" Décembre va commencer dans deux jours mais une atmosphère d'été règne encore ici. Olivier rentre quelques minutes plus tard de sa matinée d'opérations à l'hôpital privé de Provence (HPP), où il exerce depuis cinq ans. Une assiette de poulet-mayonnaise l'attend dans la cuisine. Le chirurgien-gynécologue décide de la garder pour plus tard, il n'a pas très faim. L'externe qu'il accueille a encore apporté des viennoiseries, explique-t-il à sa compagne en souriant. "Elle est en 6e année de médecine à Marseille et m'a contacté via les réseaux sociaux pour passer la semaine avec moi", nous précise le médecin, attaché "à la transmission du savoir et au compagnonnage".
Une chance qu'Olivier Marpeau ait vu sa demande. Chaque jour, il reçoit un flot continu de messages, surtout sur Instagram. Tellement qu'il a dû mettre en place une messagerie automatique. L'Aixois d'adoption n'est pas tout à fait un chirurgien comme les autres. Quand il ne consulte ou n'opère pas, il se consacre à son second métier, celui d'"influenceur santé". Un titre dont il n'a pas honte – il en est même plutôt fier. "Tu as l'impression que les gens qui font ce métier sont un peu complexés : il faut dire créateur de contenus, comme si c'était digne du prix Goncourt, se gausse-t-il. Moi j'aime bien ce terme parce que, véritablement, j'influence ; c'est de l'influence positive. C'est du boulot." Sa deuxième journée commence d'ailleurs ce vendredi après-midi. Assise sur le plan de travail, Alexandra est là pour le lui rappeler.
"Tiens, j'ai pensé qu'on pourrait faire un carrousel avec les phrases que les femmes ont marre d'entendre pour la publication d'aujourd'hui !", lance-t-elle, pleine d'entrain, avant de disparaître dans son bureau. Olivier Marpeau n'a pas l'air emballé, mais il sèche. C'est la fin de la semaine, la fatigue n'aide pas. Pour le couple, pourtant, le week-end ne sonne pas le début du repos. S'ils ont prévu d'aller en amoureux à la mer, le "matos vient avec". En deux ans, le quadragénaire est devenu le gynéco le plus suivi de France, avec pas moins de deux millions d'abonnées sur Facebook, Instagram et TikTok. Un succès qu'il doit en grande partie à sa femme, business developer* depuis 20 ans. "Quand j'ai parlé à Alexandra de mon envie de me lancer sur les réseaux, elle m'a immédiatement répondu : 'Très bien, mais quels sont tes objectifs ?'", se rappelle le praticien, amusé.
Il se dirige vers le salon et s'assoit dans son canapé en L. "Au début, j'ai un peu séché", avoue Olivier, pas du tout familier avec cet écosystème digital. Ça lui trotte dans la tête. Il se dit qu'il peut sûrement exploiter les innombrables questions qui reviennent sans cesse lors de ses consultations : "Docteur, j'ai des douleurs lors de mes règles, est-ce normal ? J'ai oublié ma pilule, que dois-je faire ? Je ne veux plus de contraception hormonale, quelles sont mes options ?" "Les femmes consultent au mieux une fois par an pour leur suivi gynécologique, mais elles se posent des questions tous les jours ! J'avais envie de leur apporter des réponses de manière un peu fun." Et surtout, sans tabou.
"Un mec de 47 ans qui explique aux femmes comment fonctionnent leurs organes génitaux, ce n'était pas gagné d'avance"
Le couple lance le compte "mon.gyneco" au mois de septembre 2022, et mise sur une stratégie "agressive", à raison de trois publications vidéos par semaine : "la question de ma meuf" – le format phare dans lequel Alexandra intervient en voix off, "la minute gynéco" et "la fake news". Des contenus courts, accrocheurs mais informatifs, insiste Olivier Marpeau, qui puise ses idées des préoccupations de ses patientes - "je note tout". "Au début, c'était un peu ingrat, on a tâtonné sur la technique : on n'avait pas de micro, pas de lumière…" Une époque révolue : une ring light et un prompteur trônent désormais au milieu du salon. Au démarrage, leurs cinq ados ne cachent pas leur scepticisme. "Les premières semaines, ils se foutaient de moi." "Mais qu'est-ce que tu fais ?", "Tu ne vas jamais percer !", "C'est la honte !", lui jettent-ils vertement. "Des ados quoi", s'esclaffe le père de famille.
Qu'importe, Olivier est curieux de voir ce que ça peut donner. Si ça fonctionne, tant mieux, sinon, il aura essayé. Et puis il a envie "de faire autre chose", "de sortir un peu de son cabinet", de la routine. Le Dr Marpeau n'en parle pas de vive voix à ses patientes, mais glisse une petite affiche dans sa salle d'attente "histoire de gagner quelques abonnées". "Ça a marchoté, confesse le médecin, les yeux rieurs. Elles se demandaient surtout ce que ça faisait là." Les premières vidéos "ne font pas un énorme carton", mais rapidement les suivantes culminent à "50 000 voire 100 000 vues". La machine est lancée ; l'algorithme, conquis. Peu de personnalités occupent encore ce créneau : "Il y avait déjà des gynécos et des sages-femmes sur les réseaux, mais ils tournaient plus autour de la maternité", observe le médecin, qui a arrêté l'obstétrique il y a cinq ans pour "développer la chirurgie".
Olivier Marpeau ramasse bien sûr quelques critiques : "La gynécologie, c'est un sujet un peu touchy [délicat, NDLR]. Un mec de 47 ans qui commence à expliquer aux femmes comment fonctionnent leurs organes génitaux, ce n'était pas gagné d'avance… J'ai essuyé des remarques du style : 'Pas d'utérus, pas d'avis', 'De quoi tu parles, t'auras jamais tes règles'", s'épanche le gynéco. De toute sa carrière, il n'avait "jamais perçu que le fait d'être un homme gynécologue soit un problème". Ces attaques sont une goutte d'eau dans l'océan de likes et de commentaires positifs qu'il reçoit. Il fait sa première apparition médiatique sur Fun Radio. "J'étais trop content, c'était ma radio d'ado", confie Olivier, qui a grandi dans une "ambiance privilégiée" dans les Hauts-de-Seine avec son père, lui aussi gynéco, sa mère généraliste et ses quatre frères et sœurs. D'aussi loin qu'il se souvienne, il a toujours été intéressé par les médias. Président de l'association des étudiants de la faculté de médecine Saint-Antoine, à Paris, il aimait déjà répondre aux questions des journalistes.
Le médecin découvre petit à petit "le fait d'être connu et reconnu", et ça lui plaît. C'est d'ailleurs cela qui lui manquait à l'hôpital public, qu'il a quitté lorsqu'il s'est installé à Aix-en-Provence à la fin de son clinicat en 2009 : "À l'hôpital, on est interchangeable. Les gens viennent pour le service. Cet anonymat commençait à me peser. J'avais envie qu'on vienne me voir, qu'on choisisse, avoir des relations personnalisées. C'est ce qui m'a plu dans le privé." L'influence l'a projeté dans une autre dimension : "Dans la rue, j'ai commencé à croiser des femmes qui disaient à leur mec : 'Ah tiens c'est mon gynéco !'" Des rencontres donnant lieu à des situations parfois cocasses. "Il est arrivé plusieurs fois que certains mecs répondent : 'Mais ton gynéco c'est pas une femme ?'", pouffe Olivier Marpeau.
Un message de l'Elysée…
Cette petite notoriété finit par atteindre le Palais de l'Elysée. "Le 24 février 2023, je sortais du bloc, et je vois dans mes DM [messages privés] – à l'époque je n'en recevais pas beaucoup et encore moins de comptes certifiés – un message de la cellule de com' de l'Elysée." Emmanuel Macron est sur le point d'annoncer la campagne de vaccination contre le papillomavirus dans les collèges. Et propose à "mon.gyneco" d'en faire la promotion dans une vidéo Instagram. "J'ai d'abord cru à une vanne d'un pote." Alexandra se charge d'appeler le numéro laissé et tombe sur les services du Président. Olivier Marpeau accepte le défi avec excitation. C'est un sujet qui lui tient à cœur. "La seule exigence était que je porte un costard", s'amuse le chirurgien-gynécologue, plutôt habitué aux t-shirts de groupes de rock : les Pixies, Led Zeppelin…
La vidéo – postée conjointement sur le compte de "mon.gyneco" et sur celui du Président –, commence dans la cuisine des Marpeau – "où j'adore préparer des petits plats" –, avant de prendre une tournure plus solennelle. "J'ai trouvé ça génial et puis c'était sérieux, ça me donnait une certaine légitimité sans que j'aille contre mes convictions." Bien sûr "je me suis fait tailler", poursuit l'influenceur : "Vaccin + Macron : c'était un sacré mix..." Le soir-même, les compteurs de "mon.gyneco" s'emballent. "Ça a été un pallier important, même si la dynamique était déjà lancée. Ce n'est pas ça qui a fait qu'aujourd'hui j'ai 870 000 abonnés sur Instagram." Mais cela attise la curiosité des médias nationaux : Qui est donc ce gynéco suivi par Macron ? "Il y a eu cinq minutes durant lesquelles le Président me suivait sur les réseaux sociaux et pas moi…", s'amuse le Dr Marpeau, ébloui par le soleil rasant qui traverse les baies vitrées du salon.
Après cela, les sollicitations deviennent de plus en plus nombreuses. Parfois décomplexées. "On me demande de relire des articles, de coller mon nom en bas, sans aucun apport de ma part. Le Gouvernement me fait me déplacer à Paris pour tourner des vidéos sans me défrayer. Alors oui, c'est prestigieux, mais ça reste une journée de consultations ou de bloc qui saute. Globalement, les gens ne se rendent pas compte du travail d'un influenceur santé, ils le méprisent un peu. Je ne demande pas forcément à être payé mais à pouvoir exprimer mes idées, parler de ce que je fais. Plusieurs fois j'ai eu des réflexions du style : 'Mon gynéco, il ne fait plus rien gratuitement'. On considère que tout est un dû !", s'agace Olivier Marpeau. Et de souffler : "Maintenant, je fais un peu gaffe. Je n'aime pas être utilisé par les politiques."
"Au début, j'avais un peu peur de la réaction de mes confrères"
Plus vite qu'il ne l'aurait imaginé, Olivier Marpeau devient "le gynéco de tout le monde". Des abonnées viennent le voir – parfois de loin – pour le consulter. "Ça ne me gêne pas parce que je l'ai un peu cherché, ça fait partie du jeu, mais je ne m'attendais pas à ce que ça prenne de telles proportions", confesse-t-il, décontracté. Pas question toutefois d'accepter de prendre des rendez-vous via Instagram ou de prodiguer des conseils personnalisés, malgré les requêtes quotidiennes. "Le message automatique qu'on a mis en place dit bien que je ne peux pas donner d'avis médical, que je ne fais que de l'information générale", poursuit Olivier Marpeau.
Il y a bien une fois où il a répondu à une abonnée, mais il s'agissait d'un cas de force majeure : "Elle m'écrivait depuis le Sénégal je crois, se souvient l'influenceur, qui possède une importante communauté dans les pays francophones d'Afrique. Elle faisait une grossesse extra-utérine et je me suis permis de la conseiller sur la marche à suivre. Sinon je ne réponds jamais. C'est parfois difficile car je reçois des messages qui font mal au cœur, de femmes qui ne se sentent pas écoutées, des appels à l'aide." Mais le praticien tient à rester dans les clous vis-à-vis de ses confrères et de l'Ordre.
Le Dr Marpeau se réjouit que ses confrères aient accepté sa double casquette. "Au début, j'avais un peu peur de leurs réactions, confie-t-il. Mais ça a été. Je pense que ça se passe bien parce que je n'ai pas 25 ans, j'ai un certain recul, et ils me connaissaient d'avant." Certains recommandent même ses vidéos à leurs patientes. "Ils me remercient car je réponds aux questions 'reloues', plaisante Olivier, qui a publié un livre, Mille questions à mon gynéco (éd. Jouvence), en octobre 2023. Quand tu es gynéco seul dans ton cabinet, c'est impossible de répondre à toutes les questions que se posent les patientes, sur des sujets qui ne nécessitent pas toujours une consultation. Elles trouvent les réponses dans mes vidéos."
Outre les formats phares, l'Aixois en développe de nouveaux, comme les micros-trottoirs ou la minute gynec'hommes. Il n'hésite pas à se positionner sur des sujets de société, "où il y a matière à débat", et qui "fonctionnent bien" auprès de sa communauté, constituée à 94% de femmes. IVG, accouchement avec ou sans péridurale, hormones, pilule… "Il y a des sujets comme ça qui sont porteurs. Mais il ne faut pas faire que du 'clivant' car c'est un peu fatiguant", reconnaît le chirurgien de l'hôpital privé de Provence, qui fait "attention à ne froisser personne". Il dézingue aussi les fake news qui circulent sur internet sur la santé féminine, sans pour autant se prendre pour "le chevalier blanc de la santé". "Il ne faut pas être hypocrite. Quand on décide de démonter une fake new, on essaie de trouver un sujet percutant qui va faire des vues et déclencher du buzz", assume Olivier.
L'important, à ses yeux, est "d'occuper le terrain" avec des "contenus sérieux, des infos vérifiées". "Aujourd'hui, il y a plein d'influenceurs santé, ce qui n'était pas le cas avant. Les réseaux sociaux font partie de la vie des gens, il est logique que la santé s'en mêle…", raisonne l'Aixois qui collabore souvent avec d'autres confrères influenceurs santé comme Dr Never, Ped.Urg ou encore Jérémy, des Minutes de Jerem. Par ce biais, le chirurgien a l'impression de rendre "un vrai service". "C'est ouf l'impact qu'on peut avoir", s'étonne encore le lauréat du prix du public du Grand Prix Influence et Santé, qu'il a reçu des mains de Michel Cymes. Un confrère qu'il admire beaucoup pour avoir "ouvert une brèche".
Il poursuit, tout en se servant un grand verre d'eau. "Ça nous confère une grande responsabilité. On ne peut pas se rater. C'est pour cela que j'écris tout. Pour ne pas dire de bêtises." Olivier Marpeau y voit tout de même un "petit côté négatif", celui de "devoir gérer l'attente des femmes". "Les femmes viennent me voir parce qu'elles m'ont vu sur les réseaux et se disent que ça va être extraordinaire. Moi ça m'oblige à être vraiment extrêmement attentif. Au bout de 25-30 patientes dans la journée en fin de semaine, on peut avoir tendance à un peu à se relâcher et à ne plus être bon, ça peut arriver, il faut être honnête. Et… ça je sens que je n'ai plus trop le droit. Je sens que je dois être plus irréprochable qu'avant", confie le médecin, se rassurant de n'avoir encore jamais eu "de commentaires désobligeants".
Même si l'influence prend de plus en plus de place dans sa vie, Olivier Marpeau n'entend pas arrêter ni même réduire sa pratique. "Si j'arrêtais demain, je pense que je perdrais en crédibilité, en matière et en fraîcheur." Surtout, "je me dis que les réseaux sociaux, ça ne durera qu'un temps", relativise-t-il. "Les gens vont se lasser, ou ce sera peut-être moi." Une pensée qui ne l'effraie pas. "Je veux aussi développer d'autres choses à côté, saisir les opportunités. Je ne me ferme aucune porte…"
Bio express :
26 mai 1977 : Olivier Marpeau naît à Paris
Octobre 1994 : il entre à la faculté de médecine Saint Antoine
1996-1997 : Olivier Marpeau dirige l'association des étudiants en médecine, il est alors en 3e et 4e années
Septembre 2022 : Olivier Marpeau et sa compagne Alexandra lancent le compte "mon.gyneco"
11 juin 2024 : il reçoit le prix du public du Grand Prix Influence et Santé
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