Des mois de travaux, de tables rondes, de rencontres en multi ou bi-latéral, agrémentées parfois d’embrouilles au plus haut sommet de l’Etat, et voilà enfin l’épais document regroupant les préconisations de Jean-Paul Delevoye, le Haut-Commissaire à la réforme des retraites, publiées au cœur du mois de juillet. On se souvient notamment, en plein mouvement des Gilets jaunes, de l’échange à fleurets moucheté ayant opposé Agnès Buzyn, Edouard Philippe, les locataires de Bercy et le Haut-Commissaire à la réforme des retraite, Jean-Paul Delevoy, concernant le sujet hyper-inflammable de l’âge légal de départ à la retraite. Mais hier, c’était hier, et la version publiée aujourd’hui semble consensuelle : on pourra toujours partir à 62 ans, comme l’avait promis Emmanuel Macron dans son programme présidentiel, mais l’intérêt bien compris du futur retraité le poussera certainement à dépasser cette limite, s’il veut une retraite acceptable. Emportés dans le tourbillon de la réforme, les médecins libéraux serrent les dents. Car ils tiennent plus que tout à leur spécificité et redoutent de devoir laisser plus d’une plume dans cet alignement universel, eux qui, à de multiples reprises, ont déjà dû consentir de douloureux sacrifices pour maintenir à flot leur régime ASV, ou anticiper par un surcroit de cotisations librement consenties, l’impact du creux démographique actuel sur leur régime complémentaire. Eux et d’autres libéraux de santé ont donc d’abondantes réserves. Des réserves estimées à 22 milliards d'euros La CNAVPL, caisse de retraite des libéraux, se compose de 27 régimes, dont la Carmf, et repose sur un "trésor" de 22 milliards d’euros de réserves accumulées. Bien tentant pour le Gouvernement… Jean-Paul Delevoye a, certes, garanti l’inaliénabilité de ces réserves mais comment ne pas se poser la question, sachant que Bercy se l’est déjà évidemment posée, au simple constat de la situation financière d’autres régimes largement en déficit ? La Caisse autonome de retraite des médecins (Carmf) souligne également que ces réserves lui permettent de piloter une politique sociale et d’entraide spécifique à la profession. Et c’est d’ailleurs ce même argument qui est mis en avant par la CSMF, la FMF ou l’UFML-S, dans un "appel au Président de la République et au Gouvernement" (assorti d'une pétition), pour s’opposer à la préconisation du Haut-commissaire, de hisser à 3 Pass (plafond annuel de Sécurité sociale), soit 120 000 euros, le plafond d’assiette de cotisation des médecins libéraux. Dans ce cas, toutes les caisses constituant la CNAVPL seraient amenées à disparaître, n’ayant quasiment plus de dossiers à gérer et il s’en serait fini de cette politique par la profession et pour elle, mise en place par la Carmf au fil des années. La CSMF notamment, demande que la retraite universelle soit assise sur un Pass, et non 3 comme le veut Jean-Paul Delevoye, afin de conserver "une retraite complémentaire, spécifique, par répartition, en complément de ce socle universel". La FMF plaide également pour cette solution, car la proposition du HCRR de baisser le taux d’appel actuellement de 36 %, à 28,12 % entre 2 et 3 Pass, l’inquiète au plus haut point. Pour le Dr Olivier Petit, qui suit le dossier pour la fédération, "cette baisse de cotisations pourrait se traduire par une baisse des droits, et donc des futures pensions", explique-t-il, en regrettant qu’aucune projection au-delà de deux ou trois ans n’aient été présentées aux syndicats, alors que la Carmf [où il est administrateur, NDLR] "établit ses courbes et projections sur 40 ans". Ces documents ont été promis. Les syndicats attendent. Quant au sort du régime ASV, et à la pérennité de la spécificité de ce régime conventionnel co-financé par l’assurance maladie, c’est "le brouillard" qui nappe la réforme. Baisse des pensions? Là encore, Jean-Paul Delevoye se veut rassurant, en garantissant son maintien, mais les syndicats ne veulent pas se contenter de mots. La CSMF exige que l’ASV, "partie intégrante du socle conventionnel, reste dans la convention". "S’il n’y a plus l’ASV dans la convention, il n’y a plus de convention", philosophe le Dr Petit de la FMF. Mais, à la différence de l’Assurance maladie, co-financeur pour les praticiens en secteur conventionné strict, les syndicats n’ont manifestement pas voix au chapitre. C’est l’Etat qui décidera, avec la représentation nationale. "Nous exposons nos propositions, on nous écoute, mais il n’y a pas de négociations. C’est une information qui nous est donnée, on n’a pas le choix", résume Olivier Petit. La CSMF considère par ailleurs que la cotisation de solidarité qui sera demandée aux médecins, d’un montant de 2,81 %, est "trop élevée", alors qu’elle ne sera pas génératrice de points. Elle serait par surcroît, assise sur les rémunérations brutes. Autre gros sujet d’inquiétude la nouvelle gouvernance. Les représentants des médecins libéraux y seraient noyés dans un conseil d’administration de 26 membres, dont 13 employeurs, pour tous les Français. "Les médecins libéraux ne sauraient accepter de ne pas être décideurs de leur retraite", clâme la CSMF. "Notre crainte, c’est de plus avoir aucune voix, convient le Dr Petit, de la FMF, par exemple, on ne sait pas qui choisira nos représentants au sein du futur conseil des indépendants, c’est le flou." Des rencontres sont encore prévues entre les différentes parties prenantes jusqu’à la présentation d’un projet de loi au conseil des ministres, d’ici la fin de l’année. Quant au débat parlementaire qui doit se dérouler entre les deux assemblées, une entreprise à haut risques, sous l’ombre portée des Gilets jaunes, il n’est prévu que l’an prochain. Après les municipales.
Mis en place dès 2025, le régime universel de retraite remplacera les 42 régimes de retraite existants, les régimes spéciaux seront fermés et les règles en place seront communes à tous. Un système par points sera instauré, qui remplacera l’actuel calcul des droits par annuités. Mais toujours sous le mode de la répartition, les actifs finançant les pensions des retraités.
Selon le Gouvernement et notamment Agnès Buzyn, le système sera plus juste, car 1 euro cotisé "vaudra les mêmes droits pour tous", il n’y aura plus de trimestres inutiles comme aujourd’hui, où des trimestres travaillés ne sont plus pris en compte dans le calcul des droits, une fois atteint le quota des 25 meilleures années dans le privé, et des 6 derniers mois dans le public. Le cumul fonctionnera tout le long de la carrière, il sera reporté sur un compte personnel dédié, permettant à chaque cotisant de juger du bon moment pour prendre sa retraite. Les cotisations seront identiques pour tous, portant sur toutes les rémunérations (primes comprises), soit 28,12 %, partagées entre employeur (60 %) et salarié (40 %). Pour les indépendants, terme qui englobe les médecins libéraux, il est proposé que la cotisation soit fixée à 28,12 % jusqu’à 1 Plafond annuel de sécurité sociale (Pass, 40 000 euros), et baisse à 12,94 % au- delà, jusqu’à 120 000 euros (3 Pass), ceci "pour préserver l’équilibre économique de leur activité". Toujours pour les indépendants, une assiette brute sera définie, leur permettant de bénéficier d’une baisse de la CSG en contrepartie de la hausse de leur cotisation retraite.
Le système, qui est bâti sur l’équilibre en 2025, devrait garantir un haut niveau de protection sociale, tout en valorisant l’activité et table sur un rendement de 5,5 % à l’âge du taux plein. L’âge légal de départ à la retraite est maintenu à 62 ans, mais l’atteinte de l‘âge du taux plein sera de 64 ans pour la génération née en 1963, la première concernée par la réforme. Le système universel promet de réduire les inégalités entre retraités, entre le public et le privé, entre les hommes et les femmes, et de bonifier les pensions de réversion et les carrières fractionnées ou courtes. La transition vers le nouveau système sera très progressive, 100 % des droits acquis seront garantis en 2025, comptabilisés selon les règles de l’ancien régime et transformé en points "à l’euro près".
Une nouvelle gouvernance sera mise en place dans la nouvelle caisse nationale de retraite universelle, prochainement créée, comportant un conseil d’administration de 26 membres, paritairement constitué d’employeurs et de salariés. Un conseil citoyen fera chaque année des propositions au conseil d’administration et au gouvernement. Un comité d’expertise sera chargé d’analyser le système en regard des objectifs financiers et sociaux, notamment fixés par le Parlement.
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