"La spécialité la plus compliquée, c'est la médecine générale" : ces médecins défendent l'alignement du tarif des consultations
Alors que la spécialité de médecine générale a été reconnue il y a plus de 20 ans, un différentiel tarifaire de 5 euros demeure encore aujourd'hui, au grand dam du syndicat MG France, qui s'en est insurgé au printemps dernier, alors que la Cnam proposait 30 euros aux généralistes signant pour l'engagement territorial, contre 35 euros pour les autres spécialistes volontaires. Ce sera finalement 26.5 euros pour les omnipraticiens, et 31.50 euros pour les autres, à compter du mois d'octobre. Ainsi en a décidé l'arbitre Annick Morel.
Depuis, dans une interview accordée aux Echos le 10 juillet, le directeur général de la Cnam, Thomas Fatôme, a manifesté sa volonté de "réduire les écarts" de rémunération entre généralistes et autres spécialistes. L'allongement de l'internat de médecine générale, qui s'étalera à compter de la rentrée prochaine sur 4 ans à l'instar de la dermatologie, de la médecine d'urgence, de la gériatrie, de l'endocrinologie, de la psychiatrie ou encore de la neurologie, est un argument de plus en faveur d'un rééquilibrage des rémunérations.
Egora a souhaité sonder ses lecteurs, composé pour moitié de médecins, dont une moitié de généralistes et une moitié d'autres spécialistes (à l'image de la médecine libérale) sur cette question d'importance. Du 12 au 27 juillet, vous êtes 683 à avoir pris part au vote, vous positionnant à 80% en faveur d'un alignement du tarif de la consultation de base.
"La consultation est un acte de relation interpersonnelle identique pour les deux praticiens, la différence est dans les actes dédiés de spécialité", fait ainsi valoir Armand B., généraliste. "Puisque la MG est une spécialité et que les études ont été singulièrement rallongées, il n'y a aucune raison d'avoir des honoraires dévalorisés, d'autant plus qu'on a très peu d'actes techniques et beaucoup de consultations longues et complexes", souligne quant à elle Christiane K. Pour sa consœur Judith L., la consultation du généraliste devrait même être à un tarif supérieur car elle concentre "souvent cinq consultations en une".
"La spécialité la plus compliquée c'est la MG", lance pour sa part Kayvan T., interniste, relevant toutefois que la "moitié" des spécialistes gagnent moins que les généralistes… C'est notamment le cas des... pédiatres, des psychiatres, des endocrinologues ou encore des rhumatologues, d'après les derniers chiffres de la Carmf. Autant de spécialités cliniques dont la rémunération est elle aussi "tirée uniquement de consultations", mais qui, à la différence des médecins traitants, ne peuvent compter sur les forfaits, déploraient les Spécialistes-CSMF, en réponse à Thomas Fatôme. "La globalité de la consultation du généraliste nécessite souvent une durée plus longue de celle du spécialiste hormis le psychiatre ou le pédiatre ; ces deux spécialités qui sont hélas financièrement 'maltraitées', comme la médecine générale", abonde Jean B.
Pour Jean-Pierre D., l'argument de la longueur des études ne tient pas. "Après 48 ans de médecine générale, de famille, d’urgences, de permanence des soins, etc., je constate que mes confrères spécialistes qui ont eu 2 ou 3 ans de plus pour connaître leur spécialité, ont oublié le reste. Seul le MG doit conserver des notions de toute la médecine. Ceci compense bien la différence de formation initiale", argumente l'omnipraticien.
Parce qu'ils sont "en première ligne", qu'ils assurent le "suivi" des patients en tant que "chef d'orchestre" du parcours de soin, n'hésitant pas à sonner l'alerte et à orienter les patients vers les autres spécialistes quand il le faut, les généralistes méritent bien une rémunération équitable, si ce n'est égale, soutiennent les lecteurs d'Egora. Quelques-uns font aussi valoir qu'ils participent à la permanence des soins, contrairement aux autres spécialistes…
Bien qu'ils soient minoritaires, les partisans du "non" ne manquent pas d'arguments. "Les généralistes font beaucoup de renouvellements, les spécialistes font beaucoup de nouveau", souligne ainsi Bertrand Y. "Un spécialiste travaillant sur rendez-vous donne 100 ou 120 rendez-vous par semaine, la moitié sont des nouveaux patients à qui il faut constituer un dossier, inscrire les antécédents, les traitements en cours, l’histoire de la maladie, l’examen clinique, prescrire un protocole de soins souvent pour 6 mois car pas de place pour le revoir avant. Il est difficile de voir sérieusement plus de 20-25 patients par jour dans ces conditions", développe François D., dermatologue en secteur 1 qui, bien que gagnant "beaucoup plus que 25 euros par consultation", déclare un BNC "inférieur à 100 000 euros annuel". "Non seulement les études sont plus longues, mais les investissements de base sont plus onéreux", relève quant à lui François B., ophtalmologue.
Le mot de la fin est pour Marion S. : "Il faut revaloriser l'ensemble des spécialités (médecine générale incluse) en fonction également des investissements nécessaires à la pratique de toutes les activités médicales, approuve-t-elle. J'ai bien peur que la revalorisation des uns ne passe par la baisse de cotation des autres."
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