Moderna au cabinet : fausse panne ou vrai manque de respect ? Le coup de gueule d'un généraliste privé de doses

05/06/2021 Par Dr Pierre Francès
Depuis la fin du mois de mai, les médecins libéraux sont autorisés à vacciner leurs patients au cabinet avec Moderna. Mais alors que les doses du vaccin à ARN messager devaient arriver la semaine dernière, les couacs se sont multipliés, notamment une panne d'un camion censé acheminer un nombre important de flacons. La goutte de trop pour le Dr Pierre Frances, généraliste à Banyuls-sur-Mer (66), qui dénonce, dans ce courrier des lecteurs, un manque de respect envers la profession, pourtant mobilisée depuis le début de la crise Covid. 

 

"Depuis quelques semaines le Gouvernement a annoncé une nouvelle qui a réjoui de nombreux confrères : le vaccin Moderna sera disponible chez les médecins généralistes volontaires pour effectuer la vaccination Covid-19. 

Cet événement a été salué par les syndicats, mais aussi de nombreux patients qui, plutôt que d’avoir des difficultés pour avoir un rendez-vous dans un centre vaccinal, pourront aller chez leur généraliste. 

Après que nos élites aient maintes fois répétés cette annonce « alléchante » pour la médecine libérale, les médecins du sud de la France ont appris le 28 mai que le camion qui devait acheminer les doses de vaccin (le nombre de doses à l’intérieur était considérable) était tombé en panne. 

Fort heureusement le lundi un message de la DGS nous informait que les doses seraient disponibles dans nos cabinets dès le lundi ou le mardi.  

Une désinformation volontaire ? 

Nous avons attendu très sagement le lundi ou le mardi les vaccins. 

Cependant, malgré cette promesse de récupération des doses en début de semaine, nous avons appris grâce aux médias (journal local) que les vaccins ne seraient disponibles que le jeudi ou le vendredi. 

Il ne faut pas oublier qu’au sein de notre cabinet nous étions organisés pour réaliser cette vaccination dès le 2 juin. 

C’est ainsi que nous avions prévenu les patients, et les avions informés (c’est un travail de fourmi qui s’ajoute à notre quotidien déjà fortement impacté par les départ de certains confrères).  

Malgré les annonces qui semblaient sincères de la DGS, nous n’avons pas vu le lundi, mardi ou même le mercredi quelconque dose de vaccin Moderna. 

Nous avons seulement appris le lundi, grâce aux médias tout public, que...

les doses stockées dans le camion « défaillant » étaient valables.  

Tous ces éléments nous amènent à nous poser de nombreuses questions : 

  • Comment est-il possible que des précautions ne soient pas prises pour assurer l’acheminement de ces vaccins qui sont aussi précieux que du caviar ? Cela est d’autant plus difficile à imaginer que la livraison concernait tout le secteur sud de la France qui était théoriquement stocké sur Lyon 
  • N’est-il pas possible dans ce contexte d’assurer rapidement un dépannage du camion, et une révision avant le départ n’avait-elle pas été programmée compte tenu de l’enjeu de cette livraison ?  
  • Comment le lundi lorsque l’acheminement a été effectué sur Lyon n’a-t-il pas été possible en 24 ou 48 heures d’assurer la répartition vers les différents centres départementaux ? 
  • Pourquoi la DGS ne nous a-t-elle pas informés de ce retard de livraison, cela alors que nous avions le lundi l’assurance d’une livraison avant le 2 juin ? 
  • Pourquoi la dotation de vaccin Moderna n’est possible que cette semaine, et ne le sera pas pour les suivantes ?   

Sans être parano, nous pouvons avoir à l’esprit une nouvelle fois que l’exécutif a voulu par « ce geste compassionnel » assurer la com auprès de nos concitoyens en donnant l’impression qu’il donnait la possibilité aux acteurs de terrain (les généralistes) d’assurer la politique vaccinale de la population. 

Or, visiblement les paroles sont de qualité, mais elles sont dépourvues d’actes car il manque cruellement de doses Moderna pour assurer un approvisionnement de l’ensemble des professionnels de santé. 

Ne serait-il pas plus convenable de dire la vérité plutôt que de nous parler d’une avarie sur un camion ? 

La ficelle est bien grosse, et je suis surpris que les journalistes d’investigation n’aient pas enquêté sur la véracité de cette panne!   

Les généralistes des acteurs sur le pont depuis le mois de mars 2020.

Au-delà de cette situation assez frustrante, nous devons mettre en avant...

l’engagement des médecins généralistes lors de la gestion de cette pandémie. 

Souvent les urgentistes et réanimateurs sont félicités pour leur dévouement dans les services hospitaliers (on oublie souvent les cliniques), ce que nous ne pouvons critiquer. 

Cependant, en amont nous devons également parler du travail des généralistes qui au péril de leur vie ont été exemplaires pour venir en aide à leurs patients. 

Outre la poursuite de leur activité professionnelle (certaines personnes se sont mises en retrait dès le début de la pandémie) malgré les risques liés à la propagation virale, nombreux sont ceux qui ont également accepté de vacciner au sein de leur cabinet et dans différents centres de vaccination (ce qui augmente bien entendu leur charge de travail).  

Tout comme le capitaine d’un bateau les professionnels de santé libéraux (généralistes, infirmières et pharmaciens) sont restés sur le pont car leur humanisme les conduit à assurer les soins des patients.  

Aussi, est-il important, voire même capital de les respecter. 

Nous avons à garder à l’esprit que les répercussions psychiques de cette pandémie sont importantes auprès de la population. 

Au-delà des conséquences sur nos concitoyens, ces répercussions psychiques doivent également être prises en compte pour les professionnels de santé de terrain souvent harassés par la charge de travail engendrée par la Covid-19, cela sans réelle reconnaissance des pouvoirs publics.  

Le plus difficile également à accepter, c’est le défaut d’information dans l’organisation de la vaccination, mais aussi les conséquences découlant de ces situations difficilement acceptables et qui sont à l’origine d’une réorganisation très chronophage au sein des cabinets médicaux.  

Sera-t-il possible à l’avenir que nos dirigeants respectent mieux les professionnels de santé libéraux qui contribuent pour une grande part à assurer le soin de nos concitoyens ?  

Les libéraux semblent appartenir comme en Inde (aucune référence à la pandémie) à la caste des dalits qui n’ont aucune reconnaissance aux yeux de nos politiques.  

Il semble important de reconnaître ces professionnels très actifs et qui se démènent sans compter sur le terrain, et éviter de les snober comme les pouvoirs publics savent le faire."

 
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