Plainte pour viol contre un étudiant en médecine : la faculté de Tours épinglée pour son manque de sanction

23/05/2022 Par Marion Jort
Externat Internat Faits divers / Justice
L’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche, mandatée par le ministère de l’Enseignement supérieur dans une affaire d’accusations de viol et d’agressions sexuelles à l’encontre d’un étudiant en quatrième année de médecine vient d’épingler l’université de Tours. Le rapport a en effet souligné d’importantes “confusions” dans l’action de la faculté, accusée par certains d’avoir “protégé” le carabin. 

  Il y a un mois, les ministères de la Santé et de l'Enseignement supérieur ont chargé l'Inspection générale de l'Éducation, du Sport et de la Recherche d’enquêter sur des accusations de viol visant un étudiant de la faculté de médecine de Tours. Cinq jeunes femmes, dont trois étudiants en médecine, accusent un externe de viols et agressions sexuelles pour des faits qui se sont déroulés de 2013 à 2020, lors de soirées notamment.  Cette enquête, demandée par les ministères de tutelle, avait vocation à déterminer le rôle et les éventuels manquements de la faculté de médecine de Tours. En effet, malgré l’alerte de plusieurs victimes, l’université n’a pas sanctionné l’élève. Pire, dénoncent certaines femmes : l’agresseur présumé a pu poursuivre ses stages, en gynécologie notamment. Le jeune homme de 24 ans a pourtant été placé en détention provisoire fin septembre 2021, avant d’être remis en liberté et placé sous contrôle judiciaire deux mois plus tard. Aucune procédure disciplinaire n’a, entre-temps, été engagée par l’université.  France Info révélait le mois dernier que le dossier avait été qualifié de délicat”, compte tenu du fait que les parents de l’étudiant sont des “médecins reconnus et réputés”. C’est pour cette raison que le président de l’université avait fait le choix “d’attendre d’en savoir plus” alors qu’il est le seul à pouvoir saisir une commission disciplinaire, suspendre ou renvoyer l’étudiant. Après l’organisation d’une réunion, seul le doyen de la faculté de médecine, qui connaissait les parents des victimes, a décidé de recevoir à nouveau l’externe pour lui signifier qu’il ne pouvait plus accéder à l’université.  

Par la suite, il a pu s’inscrire librement à l’université de Limoges pour poursuivre son cursus médical. Une inscription qui a pu se faire car “aucune sanction disciplinaire n’apparaissait dans son dossier”, selon la présidente de l’université.  Un collectif féministe accuse d’ailleurs le doyen d’avoir “facilité son transfert” grâce à une lettre de recommandation, ce qu’il dément fortement ainsi que le Doyen des doyens.  Le Monde dévoile aujourd’hui le contenu de la note réalisée par l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche. Dans ce prérapport, les auteurs, Patrick Allal et Cristelle Gillard, coresponsables de la mission sur les violences sexuelles et sexistes à l’inspection générale, mettent en avant une réaction ambivalente de l’université : la réactivité de la présidence de l’université et du Doyen de la faculté de médecine à entendre les jeunes femmes… mais aussi la “confusion” lorsqu’il a fallu prendre des mesures et sanctions concrètes.  La mission pointe également du doigt le fait qu’après avoir reçu le jeune homme en entretien et qu’il ait été interdit de stage et d’accéder à la faculté, “rien ne s’est produit (...), si ce n’est que le doyen de la faculté de médecine a reçu les étudiantes”. Le rapport estime aussi que le doyen de médecine a “outrepassé ses droits”, car la conduite de l’enquête administrative revient au président de l’université. Le Monde précise en revanche que le président de l’époque, Philippe Vendrix, était visé par une enquête préliminaire pour harcèlement sexuel et moral. Il a été relaxé en janvier 2022 mais le parquet a fait appel.  A l’époque du signalement des faits, le procureur de la République avait demandé au doyen de cesser les auditions… Consigne qui aurait été interprétée, selon l’un des rapporteur, comme une sorte “d’exonération de conduire une enquête disciplinaire”. “Il y a un vrai problème de compétences juridiques à ce niveau. L’enquête pénale en cours n’était pas du tout une interdiction de réaliser une enquête administrative”, relève-t-il. 

A la sortie de la détention du jeune homme, les inspecteurs estiment que l’université aurait “dû à ce moment reprendre le fil du protocole disciplinaire” et déplorent qu’aucun “aménagement de scolarité n’a été décidé” lui permettant ainsi d’accéder aux terrains de stage. “Une enquête administrative ne peut être conduite que par la présidence de l’université et les rôles doivent être clairement étanches entre la cellule d’écoute et la section disciplinaire qui prendra ou non une sanction”, insiste encore Patrick Allal. “On a besoin d’avoir des guidelines sur quelle attitude adopter, tant que que l’affaire n’est pas jugée”, a de son côté estimé le Pr Didier Samuel, Doyen des doyens des facultés de médecine, lors d’une conférence de presse le 16 mai.    [avec Le Monde

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