"Sans le CESP, je n’aurais jamais pu faire médecine"
Ils sont de moins en moins nombreux, chaque année, à candidater à un contrat d'engagement de service public. En treize ans d'existence, seuls 3.300 carabins se sont tournés vers cette solution pour payer leurs études de médecine, en échange d’années d’exercice dans un désert. Financement indispensable pour certains, il est également source de nombreuses contraintes pour d’autres… Romain, Peter, Flora et Guillaume nous racontent leur expérience.
Quand on demande aux étudiants en médecine pourquoi ils ont choisi de candidater à un contrat d'engagement de service public, la réponse est quasi-systématiquement la même pour tous : “l’aide financière”. “Si le CESP n’avait pas existé, cela aurait été difficile pour moi de faire médecine”, confirme Romain, interne en deuxième année de médecine générale dans la subdivision de Lyon. Le jeune homme de 31 ans, ergothérapeute de formation, a effectivement décidé de se lancer dans les études de médecine sur le tard. “A l’époque, j’étais autonome financièrement et je ne me voyais pas redevenir dépendant de mes parents. Je ne voulais pas non plus être une charge pour ma conjointe. J’ai candidaté au CESP pour cela.”
Il l’a fait dès sa deuxième année de médecine, qu’il a intégré grâce à une passerelle*. “Je voulais déjà être médecin généraliste et m’installer en zone semi-rurale. A l’époque, quand j’ai fait mon dossier, j’avais ça en tête”, précise-t-il, faisant référence à la grande majorité de postes (246 sur 270 cette année par exemple) réservés à cette spécialité lors des ECN dans le cadre d’un CESP. Une expérience partagée par Peter, 35 ans, en dernière année de médecine générale à Montpellier. “L’existence du CESP a été le déclencheur d'une reconversion, subitement possible financièrement une fois la passerelle validée”, indique-t-il.
Car beaucoup d’allocataires du CESP sont en reconversion professionnelle. A la recherche de financement pour leur projet, ils sont souvent mieux au fait des aides et des subventions existantes. Guillaume, 34 ans, interne en Île-de-France, a quitté la gendarmerie pour devenir médecin généraliste. “J’aime la transversalité et toucher à tout. A mon sens, c’est la seule spécialité qui me permet de faire ce que je veux et de me sentir utile.” Allocataire d’un CESP depuis sa deuxième année, il estime que le nouveau zonage d’installation de l’ARS dans sa région est suffisamment large pour s’installer où il le souhaite sans que cela ne soit contraignant. “A l’époque quand j’ai commencé mes études de médecine, je parlais du CESP à mes camarades de promo et ils étaient assez fermés car ils ne juraient que par les autres spés que la MG. Et maintenant, certains qui ont eu médecine générale aux ECN regrettent finalement de ne pas l’avoir fait avant et ont décidé de candidater pour leur internat.” Guillaume considère d’ailleurs que le CESP est une plus-value à la médecine générale.
Il reconnaît aussi que le classement différencié aux ECN du CESP permet d’accéder à des spécialités qui auraient pu être plus difficiles à avoir dans le classement général. “Par exemple dans mon cas, je pouvais avoir gynéco-obstétrique en Martinique ou Guadeloupe. Mais je voulais de toute façon faire médecine générale.” “Mais il est vrai que si on ne veut pas faire de médecine générale, on peut se fermer des portes à cause du CESP”, reconnaît de son côté Romain.
Flora, elle, en dernier semestre de médecine générale, voit en le CESP un “avantage majeur pour les étudiants sans quoi ils ne pourraient pas réaliser sereinement leurs études”. Elle-même a candidaté lors de sa troisième année. Mais elle y voit aussi un inconvénient : ne pas être libre de faire ce qu’elle veut après sa thèse. Elle aurait préféré avoir du temps pour réaliser des remplacements au rythme qu’elle veut avant de finaliser son projet professionnel. “Il me semble qu’on peut demander une dérogation pour avoir un délai plus long pour passer sa thèse, mais il faut avoir de bonnes raisons”, confie la jeune femme de 27 ans qui a néanmoins décidé de retarder son échéance. Le texte cadrant le CESP impose, en effet, aux médecins de réaliser au moins 80% de leur activité dans un exercice de leur choix (libéral, salarié, mixte…) sitôt sorti d’études.
“Si on a pour objectif de devenir médecin généraliste en zone rurale, le contrat est parfait”, renchérit Peter. Si ce n’est pas le cas… Les étudiants qui regrettent leur choix peuvent toujours rembourser leur CESP, mais cette option n’est possible qu’en payant de fortes pénalités. Autre désavantage pour le Montpelliérain : le fait que les revenus du contrat ne sont pas pris en compte par les banques pour l'obtention d'un crédit mais sont malgré tout imposables.
Enfin, tous pointent du doigt l’accompagnement médiocre de l’ARS dans leur projet d’installation. “Selon les régions, un vrai suivi des signataires existe, permettant de connaître l'évolution démographique médicale de la région et de se projeter dans son installation future. Alors que dans d'autres régions, ce n’est pas du tout le cas... laissant l'étudiant se débrouiller des contraintes de son contrat, ce qui est vraiment dommage”, regrette Peter.
*Passerelle : procédure qui permet aux titulaires de certains titres ou diplômes d'accéder directement en deuxième ou troisième de médecine
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