"Carnage", "catastrophique", "anxiogène"... Les étudiants en médecine dépités après les premiers Ecos tests
Elle avait "espoir" que ces examens se déroulent sans encombre. Comme près de 7 900 étudiants en sixième année de médecine, Mathilde a passé mardi les Ecos* tests, grande répétition de ceux nationaux prévus fin mai. Bien placée à l'issue des EDN**, organisées en octobre, la jeune femme compte sur ces examens "pratiques" du printemps pour "ne pas perdre de place" dans le classement. Mais l'aperçu offert par ceux "tests", cette semaine, lui a laissé un goût amer. "Ce que l'on a vu [mardi] était assez catastrophique", souffle l'étudiante occitane, qui vise médecine générale.
Elle n'est pas la seule à faire grise mine à l'issue de ces Ecos tests. "C'[était] injuste", inéquitable", "irréalisable", "honteux"… Depuis deux jours, les témoignages d'étudiants s'amassent sur les réseaux sociaux. Ils y pointent de nombreux dysfonctionnements lors de ces épreuves, organisées simultanément dans toutes les facultés de médecine de France. Certains, réunis sous le nom "Stop Ecos", ont même lancé une pétition pour faire entendre leur colère, qui dépasse les 3 400 signatures à l'heure où nous écrivons ces lignes.
Les Ecos tests avaient pour objectif de tester toute la logistique technique et humaine en prévision des Ecos nationaux de mai. Ces derniers, mis en place pour la première fois cette année par la R2C, comptent pour 30% dans la note globale classant l'étudiant pour son choix de spécialité. Au-delà de leur caractère "d'essai", les Ecos tests avaient tout de même une "valeur importante" pour les étudiants, puisqu'ils servaient également "d'Ecos facultaires pour valider le certificat de compétence clinique qui [leur] permet de finir la sixième année des études médicales", précisait à Egora le Pr Benoît Veber, président de la Conférence nationale des doyens de médecine, dans un précédent article.
Mardi 12 mars, tous les étudiants devaient alors réaliser seuls cinq mises en situation, appelées stations, dont deux comprenant des patients standardisés et une, un professionnel de santé. Pour chaque station, ils étaient observés par un binôme d'évaluateurs, dont au moins un provenant d'une faculté différente de celle du carabin. Sur le papier, ces épreuves étaient plutôt claires et attendues, mais elles se sont "heurt[ées] à une réalité pratique", estime Mathilde, qui a passé ces derniers mois à préparer ces Ecos tests.
Comme d'autres étudiants, elle a été très surprise de voir laissés sur des tables "les brouillons des autres étudiants". Lors de l'une de ses stations, la jeune femme de 24 ans a remarqué que "le brouillon de l'étudiant [évalué] avant [elle] avec été laissé, avec le diagnostic écrit". "Les examinateurs n'ont pas cherché à l'enlever", s'étonne-t-elle, voyant ici une possible rupture d'égalité entre les carabins.
Des épreuves "anxiogènes"
Parmi les autres "couacs" qu'elle a relevés, un problème avec les tablettes indiquant le temps restant par station – d'une durée de 8 minutes - aux externes. "Elles se sont éteintes en plein milieu" d'une mise en situation, note Mathilde. "Il a fallu qu'un examinateur se lève pour la remettre. Ça dure quelques secondes seulement, pendant lesquelles il ne nous évalue pas. C'est encore plus stressant, et je sais que ce n'est pas arrivé qu'à moi."
D’autres problèmes proviennent, eux, du matériel utilisé. Lors de ces stations, communes à tous les élèves, "il y avait une palpation mammaire à faire" sur des mannequins prévus pour, explique Mathilde. "On devait trouver un nodule cancéreux, mais ces nodules changeaient de places lorsque certains étudiants" ont tenté de les trouver, détaille-t-elle. Un incident aussi relevé par Bastien***, 23 ans. Sur certains mannequins, ces "nodules factices semblaient se déplacer au fur et à mesure que les étudiants [les] palpaient". "Est-ce que le matériel en question était fiable ou y avait-il un défaut à ce niveau-là ?", s'interroge l'étudiant, installé dans le sud de la France.
Bastien pointe, plus globalement, le caractère "anxiogène" de ces Ecos. "Anxiogène car c’est nouveau, évidemment, et [donc] ça nous effraie. Cela d’autant plus qu'il n'y a pas vraiment de support d’entraînement encore au point", développe l'externe, qui souhaite devenir pédiatre. Avant ces examens tests, "nous n’avions jamais eu...
de sujet officiellement rédigé par le Conseil scientifique, qui rédige les Ecos officiels, donc nous n’avions jusqu’alors aucune idée précise de ce qu’on attendait réellement de nous", prolonge l'étudiant. De plus, ces épreuves sont "anxiogènes", selon lui, "de par les conditions dans lesquelles se déroulent ces Ecos". Pour empêcher les étudiants d'échanger entre eux, et que les sujets des stations ne fuitent, "nous sommes enfermés dans des amphithéâtres pendant plusieurs heures, parfois jusqu'à cinq heures, sans moyen de communication, et sans possibilité d'apporter des livres ou quelconque distraction", s'emporte l'étudiant, dénonçant "le caractère […] stressant" de cette organisation.
Si Bastien affirme "ne pas avoir eu de problèmes majeurs" durant ses stations, "un bon nombre de [ses] amis en ont rencontrés avec certains patients [standardisés]". Ces derniers "semblaient ne pas donner les [bonnes] informations" ou "auraient donné des informations contradictoires", ajoute-il, assurant ne pas vouloir remettre en cause le travail de tout le personnel engagé dans ces Ecos. Ces dysfonctionnements avec des patients standardisés ont aussi été observés par des camarades de promotion de Mathilde. "Il y a eu des discordances entre les patients [qui sont des volontaires indemnisés, apprenant à l'avance un scénario, NDLR], rapporte l'externe. Certains ont mal appris leur script, et ont orienté le diagnostic et donc la note [des étudiants]."
"Il est inconcevable de laisser cet examen ruiner nos vies"
Ces problèmes, essentiels aux yeux des étudiants, ravivent leurs craintes autour de la R2C. Pour Bastien, les carabins font, plus largement, face à un "sentiment global" de "lassitude". "Cela fait six ans, voire plus pour certains, que nous travaillons sans relâche pour accéder au métier de nos rêves. Après toutes les difficultés traversées durant ces études éprouvantes, on doit dorénavant endurer une modalité d’examen classant qui ne nous semble pas réellement adaptée et un peu déconnectée de la réalité", estime-t-il.
Comme Mathilde, Bastien ne croit pas à de grands changements d'ici les Ecos nationaux. Le planning est trop resserré, selon la première. "Je pense que la priorité réside dans la garantie de l'équité entre les candidats", complète le second. Il propose notamment que, dans le cas où un patient standardisé donnerait une mauvaise information, les examinateurs soient "à titre exceptionnel" autorisés à la corriger "afin que cela ne pénalise pas l'étudiant". Pour ce faire, le jeune homme espère que les représentants étudiants mettront en place une consultation globale des sixièmes années pour établir un bilan et faire remonter les problèmes ressentis durant ces Ecos tests.
La pétition lancée mercredi 13 mars appelle, elle, à stopper le "carnage" des Ecos, et demande à rendre ces examens de mai "validant[s] et non classant[s]". Car, en plus de compter pour 30% dans la note déterminant l'affectation des futurs internes, les étudiants doivent nécessairement obtenir 10/20 à ces épreuves pour accéder à la procédure appariement. Face aux dysfonctionnements qu'ils ont observés lors des Ecos tests, et à leurs craintes de les voir se reproduire lors de ceux nationaux, les carabins jugent donc "absolument inconcevable de laisser [ces] examen[s] ruiner [leur] vie", écrivent-ils.
Contacté par Egora, le Pr Benoît Veber indique n'avoir eu "aucun retour de [son côté], de la part des étudiants". "Les Ecos tests se sont globalement bien passés, a-t-il affirmé. Nous n'avons pas eu besoin de la journée de secours [prévue le mercredi 13 mars, NDLR]. Il y a quelques améliorations informatiques à faire pour mai. Cela a donc fonctionné." "La Conférence est satisfaite et soulagée que tout ait bien fonctionné", prolonge le Doyen des doyens, précisant désormais aborder les épreuves de mai "plus sereinement, mais avec vigilance".
*Examens cliniques objectifs et structurés.
**Epreuves dématérialisées nationales.
***Le prénom a été modifié.
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