Pour “répondre au désarroi et à la colère” des étudiants en première année de Pass et de LAS, la commission de la Culture, de l’Education et de la Communication du Sénat a décidé de lancer, début avril, une mission d’information afin de faire un état de lieux de la réforme du premier cycle. Un mois plus tard, le constat de sa rapporteure, Sonia de la Provôté, est sans appel : la réforme a été “trop vite appliquée, insuffisamment préparée et pas assez pilotée”, estime-t-elle.
Dans le détail, Sonia de la Provôté relève que la mise en œuvre de la réforme a été “très chaotique”, bien que les inconvénients de la Paces l’emportaient sur ses avantages. La sénatrice rappelle que les objectifs des nouvelles filières Pass/LAS (diversification des profils des étudiants, meilleure répartition territoriale de l’offre en formation en santé) étaient pourtant bienvenus, introduisant un “vrai changement de paradigme”. Mais ils ont vite été oubliés car, dans les faits, les étudiants ont rencontré de nombreux problèmes tout au long de leur année.
"Incompréhension", "stress" et "colère"
Premier problème pointé par la sénatrice : les carences en communication, à la fois envers les étudiants, mais aussi les acteurs universitaires et les professionnels de santé. “Ses objectifs ont été mal présentés, en particulier le passage à une logique de progression dans les études, et ses modalités insuffisamment expliquées, notamment la seconde chance d’accès à la deuxième année via la L.AS 2 ou la L.AS 3”, écrit-elle par exemple. Autre problème qui a fait couler beaucoup d’encre : le nombre de places ouvertes en deuxième année, pour les redoublants Paces et pour les étudiants en Pass/LAS. Entre report de la publication du numerus apertus sans raisons, la suspension du numerus clausus par le Conseil d’Etat, le manque de transparence des capacités de formation des universités… Les étudiants en première année ont été dans le flou tout au long de leur année, allant même jusqu’à passer leurs examens sans connaître leur chance d’accéder à la deuxième année des différentes filières de santé. “Conséquence du cumul de ces manquements, les étudiants ont le sentiment d’être maintenus dans une incertitude permanente, de découvrir les règles au fil de l’eau, ce qui génère de l’incompréhension, du stress, de la colère”, dénonce Sonia de la Provôté.
Globalement, à ses yeux, tous ces problèmes relèvent d’un manque d’anticipation et de cadrage. Ces carences ont eu des impacts à plusieurs niveaux, estime la sénatrice: dimension transdisciplinaire mal prise en compte, manque de préparation de la cohabitation des Pass/LAS avec les ex-Paces, mauvaise gestion du flux des étudiants pour l’accès à la LAS 2/. “Ce manque d’anticipation se double d’un déficit de pilotage de la part du ministère, pointé par la Conférence des présidents d’université (CPU) et plusieurs représentants universitaires. Le respect du principe de leur autonomie n’empêchait pas la mise en place d’un socle minimal d’harmonisation des pratiques afin de garantir l’équité de traitement des étudiants sur le territoire”, peut-on lire dans le rapport.
Elle rappelle également que les universités ont manqué de temps pour appréhender cette réforme ainsi...
que pour se l'approprier. Les textes ont en effet été publiés en novembre 2019, pour une mise en place en septembre 2020. “Dans beaucoup d’établissements, le sens et l’ampleur de la réforme n’ont pas été bien compris. Le changement culturel que constitue le nouveau système, avec le passage d’une logique de pure sélection à une logique de progression et de réussite dans les études, n’a pas toujours été pris à sa juste mesure. En outre, la mise en œuvre a trop reposé sur les facultés de santé et leurs doyens, au lieu de mobiliser les universités dans leur globalité et leurs présidents. Les échanges entre composantes disciplinaires ont été plus l’exception que la règle”, juge Sonia de la Provôté.
Conséquence de tout cela, des disparités à tous niveaux. D’abord, entre les universités (toutes n’ont pas des Pass et des LAS), dans le contenu pédagogique proposé aux étudiants (les nouveaux programmes n’ont pas été mis en place de manière égale) et dans les modalités d’évaluations. “Toutes ces disparités dans l’organisation du nouveau système créent des inégalités entre étudiants d’universités différentes, mais aussi entre étudiants d’une même université, pouvant engendrer une concurrence entre filières – exacerbée par la présence cette année de doublants Paces –, conduire à des chances de réussite très variables pour la validation de l’année universitaire et pour l’accès à la deuxième année des études de santé, favoriser des stratégies opportunistes dans le choix des mineures en Pass ou du calendrier de validation de la ‘mineure santé’ en L.AS”, conclut la sénatrice.
"Sentiment d'injustice"
A la fin de son rapport, Sonia de la Provôté ne manque pas de rappeler que les ministères de tutelle ont tardé à prendre en compte l’ampleur du problème et que le financement de cette réforme est largement insuffisant. Elle s’inquiète d’ailleurs, du financement des étudiants qui intégreront des LAS 2. “La deuxième année de L.AS doit garantir, dès la rentrée prochaine, une place aux étudiants ayant validé leur année de Pass sans avoir été reçus en MMOP et aux étudiants de L.AS ayant validé leur première année de licence. Or, particulièrement dans les filières déjà en tension, cet accueil de nouveaux étudiants ne pourra se faire sans l’attribution de moyens supplémentaires.”
Enfin, le rapport du Sénat rappelle que la crise sanitaire du Covid a largement contribué à aggraver la situation, sur le plan pédagogique, social et en termes de santé mentale pour les étudiants. “Au regard des risques que faisait peser la gestion prioritaire de la crise sanitaire sur le bon déploiement d’une réforme déjà très complexe, les deux ministères pilotes auraient dû prendre un moratoire sur sa mise en œuvre et la reporter d’un an. Il est désormais un peu facile de s’abriter derrière les difficultés liées à la crise pour expliquer les dysfonctionnements constatés sur le terrain”, tranche Sonia de la Provôté. “Mal anticipée et trop vite appliquée, la mise en œuvre de la réforme de l’accès aux études de santé a plongé dans le désarroi des milliers d’étudiants déjà profondément affectés par la crise sanitaire et aujourd’hui animés d’un profond sentiment d’injustice. Alors qu’ils passent actuellement les épreuves du second semestre, le ministère de l’enseignement supérieur se doit, en urgence, de leur apporter des réponses concrètes”, écrit-elle encore.
En réaction, le collectif Pass/LAS national réitère sa demande d'augmentation des capacités d’accueil en deuxième année, au titre de l’égalité des chances. “Le collectif national demande par conséquent à être reçu en urgence par le Premier ministre - la situation actuelle ne peut perdurer ! Une absence de réponse du Gouvernement aux mesures préconisées par les élus de la nation serait un déni de démocratie…”, a réagi le collectif dans un communiqué.
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