Interdire les redoublements en Paces et mettre en place un oral pour départager les étudiants en queue de numerus clausus. C'est l'expérimentation que souhaite mettre en place le doyen de la faculté de médecine de l'université Lille 2 à compter de la rentrée 2018. Les étudiants sont vent debout contre cette réforme, qui les priverait d'une seconde chance.
Près de 80% des étudiants inscrits en Paces n'accèdent jamais à la 2ème année de médecine. Et 50 à 70% des reçus ont dû s'y prendre à deux fois, « ce qui est à la fois inutile et dommageable dans le cadre d'études de santé longues », note, dans un document de travail daté du 10 décembre transmis à Egora, le doyen de la faculté de médecine de Lille 2, le Pr Didier Gosset. « L'absurdité du système est éclatante quand on réalise que les deux-tiers des mentions TB au baccalauréat scientifique qui accèdent à une filière de santé le font en 2 ans », relève-t-il. Dans le droit fil des conclusions de la Grande Conférence de santé et s'inspirant du projet porté par les doyens des facs de médecine franciliennes, le doyen lillois prône une réforme de la Paces réduisant à une seule année le processus d'admission par la voie principale, tout en instaurant une voie alternée.
Concrètement, dans chaque filière (médecine, pharmacie, odontologie, maïeutique, kinésithérapie), 80 à 90% des places du numerus clausus seraient attribuées par la voie principale, composée de deux concours écrits et d'un oral pour une partie des étudiants. A l'issue du premier examen, au terme du premier semestre, les 15% d'étudiants les moins bien classés « sont obligatoirement réorientés ». A l'issue du second examen, les étudiants classés dans la limite de 75% des places du numerus clausus sont déclarés définitivement admis et entreront directement en seconde année. « Les 25% de places restantes sont réparties après un oral complémentaire », auquel seront admis les étudiants en queue de peloton (nombre d'étudiants admissibles deux fois supérieur aux places). Il pourrait s'agir de « mini-entrevues multiples testant l'aptitude à la communication, la valorisation du projet personnel, la réflexion autour d'une situation complexe et l'analyse et le raisonnement sur un ensemble de données », précise le document de travail. « Cette façon de procéder permet, dans une zone où les notes des étudiants à l'écrit sont très proches, d'introduire d'autres critères de jugement tels que la motivation, l'adaptation aux études et à la profession, les qualités humaines ou relationnelles, notamment, non perceptibles à l'écrit ». La note finale sera composée à 50% de l'écrit et à 50% de l'oral. Les reçus intègrent la 2ème année. Les reçus-collés (note supérieure ou égale à 10/20) se voient offrir la possibilité d'intégrer la deuxième année d'une licence, et de retenter leur chance par la voie alternée une fois diplômés. Le redoublement sera « exceptionnel et réservé aux cas de force majeure ou aux problèmes de santé graves avérés ». Examinés en commission, les redoublements ne pourront excéder 8% du numerus clausus. La réforme instaure, en parallèle, une voie alternée d'accès aux études de santé (qui s'ajoute à la possibilité nationale offerte aux diplômés paramédicaux d'accéder directement en 2ème ou 3ème année). 10 à 20% du numerus clausus sera réservé à cette voie alternée, consistant en un recrutement sur dossier (admissibilité) puis un entretien (admission). Les étudiants reçus-collés en Paces qui ont, entre temps, obtenu une licence (ou validé 180 ECTS) tiendront là leur seconde (et dernière) chance d'accéder aux études de médecine. Cette voie alternée sera ouverte aux étudiants détenteurs de n'importe quelle licence, ou presque (une liste sera établie). « Un haut niveau est exigé afin de s'assurer que l'étudiant est capable de suivre des filières de santé d'excellence », indique le document de travail : la hauteur des notes et le classement seront pris en compte. En fonction des licences, des modules complémentaires (ex : anatomie) seront définis. « Ce processus de recrutement a l'intérêt de permettre d'élargir le recrutement des futurs professionnels de santé à des bacheliers autres que ceux de la filière scientifique (notamment littéraires), à des étudiants pas encore prêts, immédiatement après le baccalauréat, à affronter un concours hypersélectif, et probablement à élargir l'assise des millieux socio-économiques d'où proviennent ces étudiants, développe le document. Il devrait également permettre de recruter des étudiants ayant acquis des compétences particulières en licence (mathématiques, informatiques, sciences humaines, ingénierie) qui leur permettent de mieux s'orienter et réussir dans les domaines frontières d'avenir des professions de santé.»
Le doyen de la fac de médecine de Lille y voit d'autres bénéfices : réduire le nombre d'étudiants inscrits en Paces et ainsi « retrouver une meilleure dimension pédagogique », diviser par deux le surcoût des prépas privés et limiter le contournement de la Paces par les universités européennes, Roumanie en tête (puisqu'il existera un contournement franco-français). Mais pour la Fédération des associations étudiantes de Lille (Fael) qui déplore un « passage en force », les conséquences néfastes de cette réforme n'ont pas suffisamment été prises en compte : saturation des premières années de licence, hétérogénéité des examens oraux, pression accentuée lors des années de préparation à la Paces et, in fine, inégalité des chances pour les étudiants. « Empêcher le redoublement en Paces va induire encore une hausse de pression et de sélection dans un concours déjà à la limite de l’acceptable pour accéder à une filière plaçant l’humain et l’humanité au centre de la pratique. Cela impliquera le fait que personne n’a le droit à une deuxième chance », dénonce un étudiant qui souhaite garder l'anonymat. La réforme est au programme de la prochaine commission de la formation et de la vie étudiante (CFVU), prévue le 25 janvier. Le 16 janvier, des élus de Sud solidaire et de l'UNEF étaient parvenus à la bloquer, obtenant un report.
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