Les allergologues sont inquiets. En raison de l’alourdissement des contraintes réglementaires, le nombre de produits de désensibilisation a fortement baissé ces dernières années et « certaines allergies pourtant relativement fréquentes deviennent des maladies orphelines sur le plan thérapeutique », alerte le Dr Habib Chabane, allergologue à Paris. « On ne peut ainsi plus désensibiliser contre le pollen de marronnier et nous craignons que ce soit le cas prochainement pour des allergènes comme le pollen de platane, de tilleul, d’armoise ou de colza avec la prochaine réévaluation des allergènes spécialement préparés pour un individu (Apsi) pour l’immunothérapie allergénique prévue pour 2023 ». En dépit de la fréquence des maladies allergiques et des résultats d’études étayant l’efficacité de l’immunothérapie dans la rhino-conjonctivite allergique (pollens et acariens) et l’asthme allergique (acariens), « ces traitements ne sont pas considérés comme prioritaires par les Pouvoirs publics, dès lors qu’il existe des traitements symptomatiques comme les antihistaminiques et les corticoïdes nasaux ». Comme de nombreux allergologues, le Dr Chabane regrette aussi que les pharmaciens recommandent de la phytothérapie ou des huiles essentielles aux patients allergiques alors que ces traitements n’ont pas d’efficacité prouvée. Les huiles essentielles peuvent même être nocives en ces d’allergie respiratoire (voir encadré co-contre). « Il serait souhaitable que l’Agence nationale de sécurité du médicament mette en garde contre ce risque », considère cet allergologue.
Malgré tout, il existe quelques avancées thérapeutiques en allergologie comme la mise à disposition de produits de désensibilisation sous forme de comprimés ou de lyophilisats à mettre sous la langue, plus pratiques à prendre, à conserver (pas besoin de réfrigérateur) et plus faciles à doser pour les patients que les gouttes sublinguales. « Mais, malheureusement, ces comprimés disposant d’autorisation de mise sur le marché sont encore moins bien remboursés, 15 % contre 30 % pour les Apsi », déplore le Dr Chabane. La première de ces immunothérapies orales à...
avoir été introduite est Grazax, mise sur le marché français en 2011 par ALK-Abelló, et qui permet de réaliser une désensibilisation dès l’âge de 5 ans des patients avec une rhinite et/ou une conjonctivite allergique aux pollens de graminées. En 2018, des comprimés d’Acarizax ont également été commercialisés en France par ALK-Abelló pour la désensibilisation de la rhinite (dès l’âge de 12 ans) et/ou de l’asthme (entre 18 et 65 ans) aux acariens. « Cependant », regrette le Dr Chabane, « si cette immunothérapie est remboursée à 15 % chez l’adulte, ce n’est pas le cas chez l’adolescent. Ce qui est curieux ». Des études sont en cours chez l’enfant pour étendre l’autorisation de mise sur le marché (AMM) d’Acarizax en pédiatrie. Retard d’Actair Les allergologues attendent, par ailleurs, l’arrivée imminente d’une autre immunothérapie orale en comprimés, Actair, dans l’allergie aux acariens. « Mais, ce médicament de Stallergènes a pris du retard dans son enregistrement en France en raison des problèmes qu’a connus le laboratoire depuis 2016. Actair est commercialisé au Japon dans la rhinite allergique aux acariens de l’enfant et de l’adulte. Stallergènes, qui commercialise le comprimé Oralair de pollen de 5 graminées, a fait le choix de ne pas développer d’autres comprimés d’immunothérapie orale et recentre désormais son activité sur l’immunothérapie sublinguale Apsi », indique le Dr Chabane.
« ALK- Abelló a poursuivi son programme de développement des immunothérapies orales en comprimés lyophilisés contre les allergies aux pollens d’ambroisie, de bouleau et de cèdre du Japon. Mais, une fois ce programme de «big five » atteint (incluant les graminées et acariens), il n’est pas certain que le laboratoire aille plus loin, vu qu’il n’y a pas d’autres allergènes en développement », mentionne le Dr Chabane. En octobre 2019, la laboratoire ALK-Abelló a obtenu l’AMM pour Ragwizax, « qui pourrait être commercialisé sur le marché français fin 2020 pour traiter rhinites et conjonctivites de l’adulte à l’ambroisie», espère néanmoins le Dr Chabane. Reste qu’en France...
cette allergie est bien moins fréquente qu’aux États-Unis, ou même plus près de nous, en Suisse, et en Europe de l’Est « et ne concerne qu’environ 100 000 personnes, principalement en région Rhône-Alpes », précise le Dr Chabane. Malgré tout, ce traitement est bienvenu, car cette allergie est souvent très sévère, peut s’accompagner d’asthme et s’associer à des allergies alimentaires. Elle s’étend actuellement vers le centre et l’Ouest, et vers le sud jusqu’à Montpellier.
Bientôt un produit contre les allergies aux pollens de bouleau Plus courantes et souvent sévères, avec survenue possible d’asthme, les allergies au pollen de bouleau, touchent de nombreux patients dès fin mars au nord d’une ligne de Bordeaux à Grenoble. ALK-Abelló a développé là aussi une immunothérapie orale en comprimé lyophilisé, qui pourrait être commercialisée d’ici 2021 en France sous le nom d’Itulazax. Ce traitement, qui a obtenu l’AMM européenne le 7 juin 2019, est commercialisé en Allemagne depuis septembre dernier et en cours d’enregistrement en France. Il devrait faciliter la prise en charge de cette allergie « qui touche le plus de patients après l’allergie aux pollens de graminées, bien plus que d’autres pollens d’arbres comme le frêne dans le nord, l’olivier et le cyprès dans le sud. Souvent associée à des allergies alimentaires, l’allergie au pollen de bouleau peut, chez les patients les plus sensibles entraîner des manifestations précoces au pollen du noisetier dès mi-janvier février et au pollen d’aulne en mars, arbres de la même famille », précise le Dr Chabane. Le pollen de cyprès expose à des allergies...
sévères dans le Sud de la France. « Stallergènes et ALK-Abelló ont développé une immunothérapie en comprimés pour le cèdre du Japon. Mais, actuellement, seul ALK-Abelló dispose d’une AMM réservée au marché japonais. Il n’est pas certain que cette immunothérapie soit bien adaptée aux espèces de cyprès rencontrées en France. C’est pourquoi dans notre pays, ces médicaments ne seront probablement pas enregistrés car il faudra certainement refaire des études cliniques », explique le Dr Chabane. Un dernier développement des immunothérapies orales concerne les allergies alimentaires. La société américaine Aimmune-Therapeutics vient ainsi d’obtenir une AMM pour de l’arachide sous forme de poudre en gélules et en sachets. Le produit, qui est commercialisé aux États-unis, sous le nom de Palforzia, devrait être introduit au plus tard en 2021 en France, estime le Dr Chabane. Les études ayant été développées en pédiatrie, ce sont les enfants et adolescents (4-17 ans) qui devraient comme aux États-Unis, tirer parti en premier de ce traitement. « C’est d’ailleurs en pédiatrie que l’allergie à l’arachide est la plus souvent source d’accidents, les adultes parvenant mieux à gérer le risque allergique », rappelle le Dr Chabane. La désensibilisation à l’arachide par voie orale semble plus efficace avec l’obtention d’une dose maximale tolérée d’arachide plus forte après une année de traitement qu’avec le patch épicutané à l’arachide, Viaskin Peanut, qui a été développé en même temps par la firme française DBV technologies, mais au prix d’effets indésirables parfois graves.
« Les effets indésirables sont bien plus nombreux avec la voie orale, avec parfois la nécessité de recourir à l’adrénaline au cours de la désensibilisation du fait de réactions anaphylactiques. En revanche, avec le patch, les réactions sont uniquement locales », fait remarquer le Dr Chabane. Selon le profil des patients, les allergologues pourraient donc choisir l’un ou l’autre de ces traitements de désensibilisation allergénique voire combiner les deux pour limiter le risque d’effets indésirables. Le Dr Chabane considère qu’aux États-Unis, où l’allergie à l’arachide est bien plus répandue qu’en France, compte tenu du risque médico-légal lié aux effets indésirables, le patch pourrait être privilégié. Le dossier d’enregistrement du patch a été déposé aux États-Unis et l’Europe devrait suivre.
Aimmune Therapeutics développe aussi des désensibilisations par voie orale pour l’allergie à l’œuf, aux fruits à coques. S’agissant des patchs épicutanés de DBV Technologies, des études sont en cours chez des enfants présentant une allergie aux protéines de lait de vache, et un patch est en phase de développement préclinique pour traiter l’allergie à l’œuf.
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