Covid-19 : l’ORL s’adapte

12/11/2020 Par Corinne Tutin
ORL
Sars-CoV-2 ou pas, les ORL s’organisent pour pratiquer, de nouveau, actes diagnostiques et chirurgicaux.

Avec l’arrivée du Covid-19, les médecins ORL ont fait évoluer leurs pratiques. Le Pr Antoine Giovanni (Hôpital de la Conception, Marseille), qui préside la Société française de phoniatrie et laryngologie, a ainsi eu l’idée d’utiliser un masque, qui au départ avait servi pour analyser la diffusion des gouttelettes lors d’exercices de phonation, pour réaliser des actes d’endoscopie ORL. Ces gestes aérosolisants nécessitent des mesures de protection drastiques (visière, masque FFP2, double paire de gants...) pas toujours faciles à suivre. Les ORL marseillais ont développé avec l’aide d’une firme française, Bioserenity, un masque FFP2 recouvert de produit virucide destiné au patient, comportant une petite ouverture, permettant de réaliser des gestes endoscopiques au travers, ou même des actes thérapeutiques : chirurgie endonasale, sur les cordes vocales. Cet Endomask devrait rapidement recevoir le marquage CE. « L’ORL peut avec cet outil retrouver une tenue, plus proche de celle qu’il avait avant l’infection Covid-19 ; le patient se sent plus en sécurité dans un environnement connu », a expliqué le Pr Giovanni. Certains hôpitaux comme ceux de Marseille s’équipent aussi de centres de prélèvements Covid-19 afin que les PCR nécessaires puissent être réalisées dans les temps avant une chirurgie ORL.

Tous les actes chirurgicaux ORL, y compris la trachéotomie, doivent être proposés aux patients négatifs en PCR, ont souligné les Prs Justin Michel et Nicolas Fakhry (Hôpital de la Conception, Marseille), puisqu’on est amené à cohabiter quelques mois ou années avec le virus. En raison d’un risque d’aérosolisation accru, les patients trachéotomisés devront cependant parfaitement respecter les mesures barrières pour éviter toute infection. En cas d’urgence, notamment en contexte infectieux, il serait utile de pouvoir avoir accès à des...

PCR unitaires (et non faites comme classiquement sur un grand nombre de prélèvements nasopharyngés) car elles ont la même sensibilité et fournissent un résultat entre 15 minutes et 1 heure. Mais, ces PCR rapides ne sont encore disponibles que dans quelques hôpitaux, souvent pour des services d’urgence, a admis le Dr Jérôme Grosjean, biologiste médical au centre hospitalier de Chambéry. « Si le test n’a pu être obtenu dans les temps, on considérera a priori que le patient est infecté par le Sars-CoV-2 et on opérera avec les précautions qui s’imposent (visières, casaques, masques FFP2, personnel limité, coupure du respirateur lors de l’intubation..., réveil du patient sur table d’opération car il peut tousser, décontamination de la salle) », a rapporté le Pr Fakhry. Hors urgence, les patients PCR positifs seront opérés 3 semaines après guérison de l’infection.   Le lavage nasal de nouveau autorisé Certains traitements qui n’étaient plus pratiqués au printemps dernier, lors de la première vague de Covid-19, le sont de nouveau, comme le lavage nasal. « Celui-ci avait été contre-indiqué dans l’idée de ne pas favoriser la diffusion du virus vers le pharynx, la trachée », a évoqué le Pr Justin Michel. « En fait, ce risque n’a pas été retrouvé et des données ont même montré que le lavage nasal diminue la charge virale dans les fosses nasales y compris dans la fente olfactive, où le Sars-CoV-2 a tendance à rester ». Un débat similaire a eu lieu pour la corticothérapie locale. Aujourd’hui, on sait que la corticothérapie est efficace dans certaines formes de Covid-19 sévères et sa prescription est, comme avant l’épidémie, préconisée chez les patients avec une pathologie rhino-sinusienne chronique (rhinite allergique, polypose). « Le seul bémol concerne », a admis le Pr Michel, « les patients avec une anosmie isolée, forcément suspecte d’infection Covid-19 (en général bénigne), chez lesquels mieux vaut attendre la fin de la période contagieuse pour prescrire ».

L’anosmie peut persister au décours de l’infection. Des hôpitaux de jour ont été créés pour prendre en charge ces patients. L’examen phare, est dans ces anosmies, l’IRM, laquelle déterminera si l’atteinte olfactive est périphérique (œdème, comblement de la fente olfactive) ou centrale (rétrécissement du bulbe olfactif). On proposera une corticothérapie générale ou locale dans le premier cas. En revanche, une rééducation olfactive sera d’emblée proposée en cas d’atteinte centrale. « Malgré tout, le pronostic est réservé en cas d’atrophie du bulbe olfactif », a reconnu le Pr Michel.  

La dysphonie : un autre signe de Covid-19
L’analyse des données de 702 patients atteints d’infection Covid-19, légère à modérée, de 19 hôpitaux européens, conduit l’équipe d’ORL de l’hôpital Foch de Suresnes à estimer que 27 % des malades présentent une dysphonie. Ce symptôme est plus fréquent chez les femmes (p = 0,022) et chez les fumeurs (p = 0,042). Les patients dysphoniques semblent avoir une dyspnée et une dysphagie plus sévères. Communication de L. Distinguin, et al. Suresnes (92).

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