Pionnière dans la thérapie cellulaire, la France reste un des leaders mondiaux de ce domaine. La réparation cutanée fait partie de ses applications et l’objet de nombreux essais. Dans le cadre d’une conférence scientifique sur ce thème, les laboratoires Brothier et l’Hôpital d’Instruction des Armées (HIA) Percy (Clamart) ont présenté les dernières avancées de la recherche française dans ce domaine : de l’utilisation de cultures d’épiderme autologues (CEA) à la bio-impression 3D de peau totale.
Intérêt des cultures d’épiderme autologues
"Le traitement standard des brûlures profondes est l’excision de la peau nécrotique puis couverture par autogreffes cutanées", a rappelé le Pr Thomas Leclerc, chef de service du centre de traitement des brûlés (HIA Percy). Mais parfois la surface brûlée à greffer est très supérieure à la surface de peau saine disponible pour le prélèvement des greffons. C’est dans ce cas que les CEA ont tout leur intérêt. Elles sont obtenues grâce à une biopsie à partir de laquelle on extrait les kératinocytes qui seront amplifiés in vitro pour former les feuillets de CEA, qui seront ensuite greffés.
Cette technique a été initiée au centre de traitement des brûlés de Percy en 1991. Une cohorte rétrospective comprenant les 68 premiers patients (jusqu’en 2004) a été mise en place et analysée. Elle a ainsi montré que la surface cutanée brûlée moyenne était de 81% de la surface cutanée totale (SCT), dont 69% au 3ème degré. Elle a surtout mis en évidence l’efficacité de cette technique avec une mortalité de 16%, contre 80% de mortalité prédite.
Le Pr Leclerc reconnaît cependant la lourdeur, la complexité et le coût élevé de cette technique, ainsi que la fragilité de la peau obtenue (moindre résistance aux chocs et aux UV, élasticité réduite). En outre, il peut exister des complications allant de la plaie chronique au carcinome épidermoïde. Une autre étude ayant inclus 35 patients a ainsi établi que 4 tumeurs sont apparues dans les suites d’une CEA. Un patient est décédé du fait de l’évolution de la tumeur et deux autres ont nécessité une amputation du fait de récidives. "Il semble primordial de sensibiliser les patients et les soignants au risque d’apparition de tumeurs", insiste le Dr Arnaud Baus, chirurgien plastique à l'HIA Percy. Cette étude a cependant souligné les bénéfices de la technique sur le plan de la qualité de vie.
A l’avenir, "l’utilisation croissante par de nombreuses équipes de techniques de greffes combinées, de kératinocytes allogéniques ou de suspensions plutôt que de feuillets, semble repositionner les CEA plus souvent comme des pansements biologiques que comme d’authentiques greffes", affirme le Pr Leclerc.
Utilisation des cellules stromales mésenchymateuses
Le centre de Percy est aussi à l’origine de l’utilisation de cellules stromales mésenchymateuses (CSM) dans la prise en charge des brûlures, suite à des résultats positifs observés dans le traitement des brûlures radiologiques.
Ces CSM sont préparés à partir de la moelle osseuse. Elles sont utilisées en sous-cutané, en association avec la technique de Meek (microgreffes en pastilles), pour des patients brûlés sur plus de 70% de leur surface corporelle. Au cours des 18 derniers mois, 4 malades en ont bénéficié à Percy. Les résultats préliminaires montrent la faisabilité et l’innocuité de cette approche. Mais il reste à l’évaluer sur du plus long terme et à améliorer la technique.
Pour aller encore plus loin, une autre approche est basée sur l’administration directement de vésicules extracellulaires (VE), qui sont sécrétées par les CSM, au lieu des CSM elles-mêmes. Cela simplifie le cadre réglementaire, la conservation et les conditions d’utilisation, car ces VE peuvent être congelées, lyophilisées et donc facilement et rapidement disponibles. Pour le Pr Sébastien Banzet, médecin à l’Institut de recherche biomédicale des armées (Irba, Clamart), "ce nouveau paradigme, au carrefour entre thérapie cellulaire et nanomédecine, suscite de grands espoirs et beaucoup d’efforts de recherche pour développer les biomédicaments pour la médecine régénératrice des années à venir".
Espoir de la bio-impression 3D
Enfin la bio-impression 3D pourrait aussi avoir un intérêt dans le traitement des grands brûlés. Issue de l’ingénierie tissulaire, elle consiste à utiliser une "encre" biologique combinant des cellules vivantes et des biomatériaux. Les premières études sur les animaux sont prometteuses pour les lésions de petite échelle. Mais cette technique n’en est qu’à ses début. Plusieurs limites à son développement pour les grandes constructions sont présentes, au premier rang desquelles l’absence de vascularisation. "La bio-impression 3D de peau totale est une solution prometteuse pour la gestion des brûlures aiguës très étendues. Les résultats obtenus supposent que la bio-impression in situ de constructions dermo-épidermiques autologues en peropératoire pourrait être possible à l’avenir", affirme le Dr Céline Auxenfans, pharmacienne (Banque de tissus et cellules, Hospices Civils de Lyon).
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