L'Académie de médecine s'attaque au phénomène de la pornographie chez les mineurs
"L'avènement des nouveaux médias et leur généralisation ont rendu la pornographie accessible partout, facilement et par tous, y compris par les enfants", alerte l'Académie dans ce rapport. Il fait suite à la saisine de la Haute Autorité de santé par la Confédération nationale des associations familiales catholiques. Deux commissions de l'Académie (neurosciences, addictions, santé mentale ; reproduction, développement, santé de l’enfant) ont donc planché sur l'accès des enfants et adolescents à la pornographique, aussi bien sur "l'ampleur du phénomène" que sur "les effets et conséquences" de cette "exposition précoce" chez les mineurs, afin de formuler des recommandations. Ils ont auditionné une dizaine de personnalités et réalisé une revue de la littérature. La moitié des ados exposés involontairement Premier constat : aucune étude scientifique récente n'a été menée en France sur le sujet depuis 2004*. Les données les plus importantes sont issues d’un sondage Ipsos réalisé en février 2017 pour l’Observatoire de la parentalité et de l’éducation numérique sur un échantillon représentatif de 1005 adolescents et adolescentes âgés de 15 à 17 ans. Elles révèlent que les garçons sont plus gros consommateurs avec 10 % de consommateurs réguliers (une fois par semaine). La moitié des adolescents interrogés (53% des garçons et 52% des filles) a été exposée involontairement à la pornographie.
L’âge moyen du 1er visionnage serait légèrement en baisse depuis 2013, pour les garçons et les filles, quel que soit le support (13.9 ans chez les adolescents les plus jeunes interrogés âgés de 15 ans, contre 14.7 ans chez ceux âgés de 17 ans). Les quelques études qui ont exploré les enfants d'âge prépubère (âgés de 10-11 ans) montrent que l'accès volontaire à la pornographie est limité à 2 à 5 % chez les garçons et 1 % chez les filles. La prévalence de l'exposition comme de l'accès augmente rapidement avec l'âge pour atteindre un plateau en dernière année de lycée. "Femme objet" "Les études tant quantitatives que qualitatives, mais également les avis d’experts, convergent pour dire que la pornographie a une influence sur la manière avec laquelle les jeunes vont appréhender leur sexualité et celle de leurs pairs", relève ce rapport. "Les enfants et les adolescents peuvent tout autant apprendre de qu’être changés par la pornographie." "Il semble que l’exposition et l’accès à la pornographie soient associés à des attitudes irréalistes au sujet de la sexualité (par exemple en termes de performances); à une sexualité plus permissive (par exemple en facilitant la pratique de la fellation ou de la sodomie); à une plus grande acceptation de la sexualité occasionnelle (avec ses retombées dommageables en termes de prévention des maladies sexuellement transmissibles et de recours à l’intervention volontaire de grossesse); et à une certaine maladresse dans les relations intimes à l’autre", résument les auteurs. Ils déplorent encore la promotion de "forts stéréotypes de genre contribuant à montrer la femme comme un objet sexuel", souvent soumise à l'homme "dominant". Conduites à risque "L’exposition et l’accès précoces à la pornographie sont aussi associés à des conduites à risque chez l’adolescent et le jeune adulte", poursuit le rapport. "Ainsi, les jeunes consommant régulièrement des médias pornographiques sont plus souvent susceptibles de déclarer avoir plusieurs partenaires, pratiquer la sodomie ou consommer de l’alcool et des drogues." Le rapport fait un focus sur plusieurs "comportements problématiques" associés tels que l'addiction à la pornographie ou le chemsex, défini par une "sexualité intentionnelle planifiée entre partenaires pendant laquelle on utilise des substances psychoactives afin de faciliter, entamer, prolonger, maintenir et intensifier le rapport sexuel". Les substances les plus consommées dans ce cadre sont les cathinones de synthèse, mais également le GHB (gamma-hydroxybutyrate) et son précurseur le GBL (gammabutyrolactone), et, dans une moindre mesure, la cocaïne, la MDMA (méthylènedioxymétamphétamine), la kétamine et la méthamphétamine.
Associer davantage la médecine de ville L'Académie formule quatre recommandations. Elle appelle ainsi à "repenser l'éducation à la sexualité", en associant davantage la médecine de ville et la médecine scolaire. Elle plaide pour la "mise en responsabilité" des prestataires de service internet et pour la promotion de la recherche. L'académie recommande encore la généralisation de "lieux de prise en charge spécialisée pour les conduites addictives associées", le renforcement des organismes de contrôle et enfin la vérification de l'âge pour l'usage des applications et réseaux "au vu de l'ampleur du phénomène et du risque d'exposition précoce à la pornographe et de l'exploitation sexuelle des mineurs". * Choquet M, Morin D, Hassler C, rédacteurs. Les effets de la pornographie à partir de l’enquête ESPAD 2003: Rapport de recherche. Paris: Inserm; 2004.
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