Les bactériophages pourraient représenter une nouvelle option de traitement dans la maladie de Crohn. Ces phages sont capables d’éliminer des bactéries associées à la maladie, tout en respectant l’équilibre du microbiote intestinal.
La maladie de Crohn est une inflammation chronique du tube digestif dont les causes restent mal connues. Il existe des lésions au niveau du tube digestif, dans la partie finale de l’intestin grêle et l’iléon. Et, dans ces lésions iléales, chez environ 30% des patients des bactéries pathogènes sont retrouvées. Il s’agit d’Escherichia coli dites adhérent-invasives (AIEC). Ces bactéries, qui déséquilibrent le microbiote intestinal, se lient à un récepteur (CEACAM6) à la surface des cellules épithéliales. Un consortium scientifique comportant l’Institut Pasteur de Paris, l’Université Clermont Auvergne, l’Université et le CHU de Lille, la société américaine Intralytix, ainsi que le laboratoire pharmaceutique Ferring et la Fondation DigestScience, vient d’ouvrir une piste originale avec le développement d’un cocktail de phages capable de tuer spécifiquement plus de 90 % de ces AIEC, sans altérer le reste du microbiote, contrairement aux antibiotiques. Les phages ont en effet un mode d’action très ciblé vers un pathogène déterminé respectant ainsi l’équilibre des différents microbiotes. Les chercheurs ont ainsi constaté que trois bactériophages étaient capables de se répliquer dans l'iléon. Et, un seul jour de traitement avec ce cocktail de trois bactériophages, administré par voie buccale, a suffi pour observer une diminution significative du nombre de bactéries AIEC dans les matières fécales et au sein même de l’intestin. Les chercheurs ont aussi constaté que, chez les souris, une seule administration permettait d’obtenir une diminution qui persistait durant deux semaines et qui s’accompagnait d’une réduction des symptômes de colite. Ces résultats ont été confirmés par des analyses sur des échantillons intestinaux humains. Ce cocktail de phages pourrait constituer un nouveau traitement de la maladie de Crohn. "Un accord récent de la FDA (Food and Drug Administration) américaine va permettre la réalisation d’un essai thérapeutique dans les prochains mois aux Etats-Unis chez des patients atteints de maladie de Crohn porteur d’AIEC", déclare le président de DigestScience, le Pr Pierre Desreumaux ( CHU de Lille) et fondateur et directeur de l’Unité de recherche LIRIC Inserm U995. Des phages ont déjà été testés, avec des résultats encourageants, dans le traitement curatif de certaines infections d’origine alimentaire (dysenterie bacillaire, syndrome hémolytique et urémique à Escherichia coli producteur de shigatoxines), et pour le traitement préventif ou curatif des infections impliquant des biofilms (colonisation des sondes urinaires à P. æruginosa, infections ostéo-articulaires sur matériel à staphylocoques). Bien tolérés et simples à produire, les phages présentent cependant un inconvénient majeur pour leur utilisation en médecine humaine, les difficultés réglementaires prévisibles, du fait de leur statut d’agents biologiques évolutifs.
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