Psychiatrie : la Fondation Jean Jaurès propose des pistes pour refonder la discipline

06/05/2022 Par Marielle Ammouche
Psychiatrie
Pour les auteurs du rapport, il y a urgence à transformer la psychiatrie autour de grands principes : nouveaux moyens financiers et humains, parcours de soins, coopération et pluridisciplinarité, formation et recherche.  

 

La Fondation Jean Jaurès vient de publier un rapport sur la psychiatrie en France. Intitulé "Réinvestir la psychiatrie. Une urgence sanitaire, un défi démocratique", il est coordonné par le psychiatre Boris Nicolle, praticien hospitalier dans le service de réhabilitation psychosociale du centre hospitalier des Pyrénées, à Pau, et coordinateur national et référent Nouvelle-Aquitaine de l’Association des jeunes psychiatres et jeunes addictologues (AJPJA). Ce texte s’adresse aux professionnels de santé comme aux décideurs, et propose 20 pistes de réflexions pour "permettre une transformation de la discipline".

Force est de constater que la psychiatrie fait face à "une crise structurelle dont la durée épuise les acteurs, alimente un sentiment généralisé d’impuissance et aboutit in fine à une apathie collective", affirment les auteurs. Mais le rapport ne s’attarde pas sur les constats et diagnostics, qui sont connus. Il fournit, au contraire, une vision prospective via une nouvelle organisation de la discipline et de ses acteurs "pour penser la refondation d’un véritable service public de psychiatrie".

Pour les auteurs, il faut "se donner les moyens d’une réforme ambitieuse de la psychiatrie", que ce soit sur le plan organisationnel ou financier avec "des mesures autour de principes clairs : rétablissement, participation des usagers et de leurs proches, ouverture, coopération, pluridisciplinarité, évaluation médico-économique". Un cadre politique apparaît nécessaire avec, en particulier, la création d’une délégation interministérielle à la santé mentale ainsi qu’une Agence nationale pour la recherche, l’innovation et l’évaluation en santé mentale. Les auteurs proposent aussi de faire de la santé mentale une grande cause nationale. 

Sur le plan des soins, le rapport propose d’acter un "changement de paradigme" en affichant, en particulier, l’objectif d’une disparition de l’isolement et de la contention. Les auteurs soulignent l’importance du lieu de vie dans la prise en charge, en renforçant "l’aller vers". Il faut "encourager la création de réseaux de soins de premier niveau en ville, et systématiser une interface efficace entre les acteurs de première et de seconde ligne". La place et les missions de l’hôpital dans le parcours de soins doivent être revue.  

Il s’agit aussi de rédiger des recommandations opposables par la Haute Autorité de santé (HAS), et de refondre l’offre de formation continue des psychiatres et ses modalités. Les soins somatiques doivent être améliorés.  

 

Revaloriser la consultation libérale en pédopsychiatrie

Pour améliorer la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, les auteurs proposent de revaloriser la consultation libérale en pédopsychiatrie, d’envisager le remboursement des séances d’orthophonie, de psychomotricité, de psychothérapie en libéral, et de tripler le nombre d’hospitalo-universitaires en pédopsychiatrie sur l’ensemble du territoire. 

Concernant l’offre de soins, le rapport propose d’améliorer l’attractivité de la psychiatrie, de réhabiliter le métier d’infirmier en psychiatrie (formation initiale, complémentaire, développement de la pluridisciplinarité, …), de penser de nouvelles fonctions en insistant sur la coordination, et d’intégrer les nouveaux métiers que sont les pair-aidants et les infirmières en pratique avancée. La place du psychologue dans le parcours de soins doit être repensé : accès direct pour des troubles légers à modérés ; rembourser de psychothérapies spécifiques dans le cadre d’un parcours de soins coordonné pour les troubles sévères. Pour l’hôpital, les auteurs misent sur le binôme médecin-cadre de santé pour un management efficace. 

Sur un plan sociétal plus général, il faut rétablir le dialogue, en particulier en augmentant la participation des usagers dans le système de santé. La collaboration entre médias et psychiatrie doit être améliorée en développant la formation à la communication et l’éducation à l’information et en généralisant les campagnes d’information ciblées. Le rôle de l’école dans la promotion de la santé mentale doit aussi être développé. Et les liens entre psychiatrie et justice doivent être repensés. Cela pourrait passer par une mission nationale d’observation qui aurait notamment pour objectif d’améliorer et d’harmoniser la formation des experts psychiatres. 

Enfin, le rapport souhaite renforcer la recherche en psychiatrie et les projets interdisciplinaires, avec un effort financier "à la hauteur de l’enjeu".  

Les auteurs concluent avec optimisme : "Les chantiers à mener pour la transformation de la psychiatrie française sont nombreux et pourraient paraître titanesques. Pourtant, l’heure est plus que jamais à l’espoir : l’ensemble des acteurs se mobilise, les propositions fusent, les initiatives se multiplient, le contexte est porteur. Il suffit de définir un horizon commun selon des valeurs partagées et de se donner les moyens humains, financiers et politiques de l’atteindre ."

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