Risque suicidaire chez les étudiants : des marqueurs prédictifs identifiés grâce à l’intelligence artificielle
Même s’ils étaient peu touchés par les risques d’infection grave liée au Covid, les jeunes ont particulièrement souffert sur le plan psychiatrique de la crise sanitaire et des confinements. Les manifestations d’anxiété, de dépression et les pensées suicidaires ont fortement progressé. Ces nouveaux facteurs pèsent lourd chez les étudiants, en particulier, déjà fragilisés au niveau psychologique par le passage du lycée à l’université, l’augmentation de la charge de travail, l’augmentation du stress psychosocial et des pressions scolaires, et l’adaptation à un nouvel environnement… Pour tenter de prendre en charge le plus précocement possible ces problématiques, une équipe de chercheurs de l’Inserm et de l’Université de Bordeaux, en collaboration avec les universités de Montréal et McGill au Québec, ont cherché une solution pour améliorer, grâce à l’intelligence artificielle, la détection des comportements suicidaires (pensées suicidaires et les tentatives de suicide) des étudiants. Pour cela, ils ont mené une étude auprès de 5.066 étudiants appartenant à la cohorte i-Share, suivis pendant au moins un an, entre 2013 et 2019. Les participants étaient tous âgés de plus de 18 ans, francophones et inscrits dans une université française. Leurs données de santé physique et mentale étaient obtenues via deux questionnaires en ligne remplis à l’inclusion et au bout d’un an. Il en ressortait, en particulier, que 17% des étudiants, filles (17,4%) comme garçons (16,8%), ont présenté des comportements suicidaires au cours de l’année qui s’est écoulée entre les deux questionnaires. Les investigateurs ont alors dressé une liste de 70 facteurs prédictifs potentiels ayant une influence sur les comportements suicidaires selon les données de la littérature scientifique, comme des facteurs socio-démographiques, des paramètres de santé physique et mentale, des antécédents personnels et familiaux, des conditions et habitudes de vie, des substances, des traumatismes liés à l’enfance... Et grâce à la méthode d’apprentissage automatique, qui consiste à analyser simultanément de nombreux facteurs associés au risque suicidaire, ils ont établi un classement de ces 70 facteurs prédictifs potentiels, selon leur importance dans la prédiction des comportements suicidaires des étudiants. Ils ont alors pu constater que parmi ces 70 prédicteurs potentiels mesurés à l’inclusion, quatre permettaient de détecter environ 80% des comportements suicidaires lors du suivi. Il s’agissait des pensées suicidaires, de l’anxiété, des symptômes de dépression et de l’estime de soi. Or ces marqueurs sont retrouvés dans des échelles largement validées et couramment utilisées comme celle de Rosenberg qui mesure l’estime de soi, l’échelle STAI-YB de Spielberger pour l’anxiété et la PHQ-9 pour la dépression. « Ces travaux demandent confirmation mais ils ouvrent la possibilité de dépistage à grande échelle en identifiant, grâce à des questionnaires courts et simples, les étudiants à risque de suicide pour les orienter vers une prise en charge adéquate », explique Christophe Tzourio, coordinateur de l’étude. Importance de l’estime de soi Des analyses secondaires ont, par ailleurs, identifié les principales variables prédictives chez les presque 4.000 participants qui ne présentaient pas de comportements suicidaires à leur entrée dans la cohorte. Il s’agissait, chez les filles, des symptômes dépressifs, de l’estime de soi et du stress académique ; et chez les garçons, majoritairement de l’estime de soi. Cette donnée représenterait donc un marqueur prédictif indépendant et important du risque suicidaire, soulignent les chercheurs. « Les spécialistes de santé mentale dans nos équipes ne s’attendaient pas à ce que l’estime de soi fasse partie des quatre facteurs prédictifs majeurs des comportements suicidaires », souligne Mélissa Macalli, doctorante en épidémiologie et auteure de l’étude. « Ce résultat, qui n’aurait pas été obtenu sans l’utilisation de techniques d’intelligence artificielle, qui ont permis de croiser un grand nombre de données de façon simultanée, ouvre des nouvelles perspectives aussi bien de recherche que de prévention », conclut-elle
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