Troubles bipolaires : le lien avec les maladies cardiovasculaires méconnu des médecins généralistes

05/04/2019 Par Marielle Ammouche
Psychiatrie

Une enquête par met en évidence la place prépondérante des médecins généralistes dans le repérage des patients souffrant de troubles bipolaires, mais aussi, l’importance des difficultés que représente la prise en charge de ces patients et les imprécisions qui persistent dans la connaissance de la maladie, concernant en particulier ses liens avec les maladies cardiovasculaires.

  Cette enquête a été initiée par la fondation FondaMental, l’association Argos 2001 et le Collège de médecine générale. Elle a été réalisée par Odoxa auprès de 1 000 Français et 154 médecins généralistes. En parallèle, la Fondation FondaMental a mené une consultation auprès des adhérents d’Argos 2001, qui a permis de recueillir les réponses de 116 patients et 63 aidants. L’objectif était d’identifier les actions prioritaires à mener pour améliorer la prise en charge des personnes vivant avec un trouble bipolaire.  

"Nos patients ne s’autorisent pas à parler librement"

  Les résultats mettent en évidence le rôle central du médecin généraliste. Ainsi, ces derniers ont une bonne connaissance des signaux d’alerte évoquant un trouble bipolaire, que ce soit une crise maniaque (diagnostic envisagé à 91%), un épisode dépressif récidivant(84%), ou des antécédents familiaux (81%). Ce repérage n’est pourtant pas facile en raison, en particulier, de la réticence des patients, mais aussi de la population générale, à évoquer des difficultés psychologiques : 53% des Français, parmi lesquels 60% des 18-24 ans et 64% des 25-34 ans déclarent ne pas s’ouvrir facilement sur leur état psychologique à leur médecin généraliste. "La stigmatisation de la maladie mentale constitue pour toutes les personnes concernées une "double peine". Ces résultats suggèrent que nos patients ne s’autorisent pas à parler librement, au point parfois de taire leur souffrance même à leur médecin de première ligne", commente ainsi le Pr Frédéric Urbain (Collège de médecine générale).  

Une relation avec le psychiatre insatisfaisante

  Devant des signes évocateurs, 7  médecins généralistes sur 10 mettent en place un suivi conjoint avec un psychiatre. Mais près de la moitié d’entre eux se déclarent « insatisfaits » de leurs relations avec les psychiatres. Et ceci s’ajoute aux problèmes de prise en charge. 90% des médecins généralistes trouvent les patients bipolaires difficiles à soigner, 86% leur consacrent plus de temps qu’aux autres patients et 77% ne demandent aucune compensation financière pour ces dépassements. Pour le Pr Urbain, "les médecins généralistes acceptent la surcharge de travail occasionnée par le suivi de patients bipolaires sans rechercher de compensation financière (consultations dédiées ou cotation ALQP003). Il serait intéressant de creuser pour savoir s’il s’agit d’ un choix délibéré ou d’une méconnaissance de ces dispositifs". Les praticiens sont particulièrement attentifs  à l’observance des traitements (86%), au risque suicidaire (77%), aux éléments cliniques rapportés par les proches (53%) et aux effets indésirables des traitements (47%). En revanche, les liens entre troubles bipolaires et maladies cardiovasculaires sont beaucoup moins connus. L’enquête montre ainsi que 68% des omnipraticiens l’ignore. Et seuls 14% d’entre eux citent le suivi des constantes métaboliques (glycémie, tension…) comme un paramètre d’attention et prennent davantage en compte les comorbidités somatiques chez les patients bipolaires que chez les autres patients. Pour Marion Leboyer, directrice de la Fondation FondaMental, "ces résultats sont très préoccupants, d’autant que le risque cardiovasculaire est accru chez ces patients. Au sein de la Fondation FondaMental, nous avons montré que la prévalence du syndrome métabolique est deux fois plus importante chez les patients qu’en population générale. Ces anomalies métaboliques (diabète, glycémie, hypertension…) prédisposent aux maladies cardiovasculaires qui sont la première cause de mortalité de nos patients. Il faut réagir, la sensibilisation des acteurs est un chantier urgent à mener".  

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