
BPCO : une maladie professionnelle négligée
Bien que 15 % des cas soient liés au travail, la bronchopneumopathie chronique obstructive peine à être reconnue comme une maladie pouvant être liée au travail. En cause, des tableaux de maladies professionnelles dépassés… ou tout simplement inexistants.

Si le tabagisme constitue un facteur majeur de risque de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), cette maladie, dont on estime à deux tiers le taux de patients non diagnostiqués, en compte bien d’autres. Parmi eux, l’exposition professionnelle aux particules, aux fumées et aux gaz. Selon la Global Burden of Disease Study 2021, ce facteur serait responsable de 15,8 % de la baisse mondiale d’espérance de vie en bonne santé imputable à la BPCO, contre 34,8 % pour le tabagisme actif et 22,2 % pour la pollution atmosphérique par les particules fines(1).
« Chaque année, seuls 20 à 50 cas de BPCO sont reconnus comme maladie professionnelle en France, ce qui est extrêmement peu, compte tenu de la prévalence de la maladie », qui toucherait 3,5 millions de Français, constate le Pr Pascal Andujar, du service des pathologies professionnelles et de l’environnement du centre hospitalier intercommunal de Créteil (Val-de-Marne).
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Valentine Cervera
Oui
on ne peut pas enchaîné ! On sera obligé de fermé et ne pas soigné nos patients pour voir des patients qu on connaît pas. Ridicule... Lire plus
Comment expliquer ce manque de reconnaissance ? Tout d’abord par le faible nombre de tableaux des maladies professionnelles relatifs à la BPCO. Selon le site internet de l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS), la BPCO fait l’objet de tableaux de maladies professionnelles pour les mineurs de charbon et de fer, deux activités qui ont disparu du paysage français. Également concernés, les travailleurs exposés aux poussières textiles végétales, là aussi une activité largement délocalisée vers l’Asie au cours des dernières décennies.
Des tableaux désuets et peu utilisés
« Ces tableaux sont très peu utilisés, parce qu’ils ont trait à des activités professionnelles désuètes, et leurs critères de reconnaissance sont très rigoureux. Autre élément, il demeure un manque d’information des médecins quant à l’origine professionnelle d’une BPCO », explique Pascal Andujar. Seul avantage de ces tableaux, aussi éculés soient ils, le fait qu’ils ne tiennent pas compte des facteurs d’exposition extraprofessionnels, tels que le tabagisme.
Mais ce n’est pas le cas pour les reconnaissances hors tableau. Toute personne ayant développé une BPCO dans le cadre de son travail peut s’adresser à son comté régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP). En l’absence de tableau, « le tabagisme est pris en compte, ce qui freine énormément le processus de reconnaissance », explique Pascal Andujar. D’où la nécessité de créer de nouveaux tableaux, tenant mieux compte de la réalité des expositions subies.
Parmi les professions fortement « pourvoyeuses de BPCO » et employant un nombre conséquent de personnes, celles du bâtiment et des travaux publics (BTP) et de l’agriculture font figure de bonnes candidates. Dans le BTP, c’est l’exposition aux poussières minérales mais aussi à la pollution atmosphérique et aux fumées diesel des engins qui est en cause. Quant à l’agriculture, les expositions sont encore plus variées, allant des poussières minérales et organiques aux agents infectieux, en passant par les désinfectants et produits de nettoyage, les carburants et les pesticides. Par ailleurs, d’autres activités, dont la cimenterie, le travail du bois, le soudage et l’usinage de métaux, ont été liées à un risque « probable ou possible » de BPCO.
Le lien probable entre pesticides et BPCO
Dans son expertise collective publiée en 2021 sur les effets sanitaires des pesticides, l’Inserm concluait à un lien de « présomption forte » entre exposition professionnelle à ces agents chimiques et BPCO. Toutefois, les études sur lesquelles les experts s’appuient présentent de nombreuses failles méthodologiques, notamment quant à la fiabilité du diagnostic de BPCO et au fait que d’autres expositions avaient été négligées, constate Pascal Andujar, qui estime que « des études complémentaires doivent être menées pour confirmer ce lien ».
En septembre 2022, l’Anses, qui conclut elle aussi à un lien probable, a fait un premier pas vers la reconnaissance des BPCO liées à l’exposition aux pesticides, en vue de la création d’un nouveau tableau ou de recommandations aux CRRMP. « Il y a de la part des autorités, aussi bien au ministère du Travail qu’à l’Anses, une volonté d’avancer sur ce dossier, car le problème est désormais bien connu. Mais la mise en place de nouveaux tableaux est un processus lent. Il est difficile de savoir à quelle échéance ils verront le jour », commente Pascal Andujar. D’autant que toute décision se fait en concertation avec les partenaires sociaux. Parmi eux, les représentants du patronat, pour qui les conséquences financières pourraient être conséquentes.
Au sommaire :
- Le dépistage du cancer pulmonaire, enfin dans les starting-blocks
- Cancer bronchopulmonaire : de nouvelles recommandations concernant les formes métastatiques
- Asthme : une maladie sous la menace climatique
- Dans l’asthme sévère, la rémission reste à explorer
- Asthme, BPCO : quelle place pour les inhalateurs numériques ?
Références :
29ème Congrès de pneumologie de langue française (CPLF, Marseille, 24-26 janvier 2025). D’après la présentation du Pr Pascal Andujar (centre hospitalier intercommunal de Créteil, Val-de-Marne) lors de la session « BPCO : quand l’environnement est en cause ».
- Wang Z, et al. Respiratory Research, 2 janvier 2025.
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