Dépression, troubles cognitifs et démence : le cerveau sous les feux du diabète
La poule ou l’œuf ? En matière de dépression et de diabète, les deux réponses sont valides. D’une part, la dépression, qui s’accompagne souvent d’inactivité physique et de prise de poids, a été liée à un risque accru de 32% de DT2(1). D’autre part, le diabète, notamment en raison du fardeau de la maladie et de ses complications, favorise la survenue d’une dépression, avec un surrisque estimé à 61%(2).
Selon une étude sud-coréenne présentée au congrès de l’EASD, le risque de dépression s’accroît avec la sévérité du diabète. S’appuyant sur les données nationales de santé de plus de 2 millions de Sud-Coréens, les chercheurs ont élaboré un score de sévérité du diabète, allant de 0 (non-diabétique) à 6, reposant sur des critères tels que le recours à l’insuline, l’usage d’au moins trois hypoglycémiants, la survenue d’un infarctus ou d’un AVC, ou encore un diagnostic effectué à l’occasion d’un épisode d’acidocétose.
Par rapport aux non-diabétiques, les diabétiques n’ayant qu’un seul facteur de sévérité (score de 1) sont 16% plus à risque de dépression. Chez ceux dont le score s’élève à 6, soit une sévérité maximale, le risque est multiplié par 2,12. Parmi les facteurs les plus souvent liés à la dépression, les chercheurs ont identifié l’usage d’insuline (+46%) et un antécédent d’infarctus (+38%).
La démence, complication tardive du diabète
Autre possible conséquence du diabète, les démences liées à l’âge, dont la maladie d’Alzheimer. Chez les patients atteints d’un DT2, leur risque est accru d’environ 60%, selon une méta-analyse publiée en 2016(3). Cette tendance est particulièrement marquée chez ceux diagnostiqués avant l’âge de 60 ans, dont le risque de démence est multiplié par 2,12, alors qu’il est non significatif lorsque le diagnostic est posé entre 66 et 70 ans(4). Selon le Dr Thomas van Sloten, du département de médecine vasculaire du centre médico-universitaire de Maastricht (Pays-Bas), "le diabète est un facteur de risque important de démence, mais plus particulièrement chez les personnes d’âge moyen".
De même qu’avec la dépression, le risque de démence s’accroît avec la sévérité du diabète. Selon une étude publiée en 2021, les diabétiques cumulant les facteurs de risque (mauvais contrôle glycémique, tabagisme, hypertension artérielle, surpoids/obésité, inactivité physique, etc.) ont jusqu’à 2,42 fois plus de risques de développer une démence liée à l’âge, par rapport aux non-diabétiques(5).
Glycémie et cerveau, un lien pas si simple
Derrière la relation entre diabète et démence, se cachent les importantes anomalies structurales occasionnées au cerveau par une glycémie élevée, phénomène constaté dès le stade du prédiabète, rappelle Thomas van Sloten. De même, la survenue d’un épisode d’hypoglycémie sévère a été associée au risque de démence, multiplié par 2,8 lorsqu’il se produit chez les personnes âgées de 45 à 64 ans, par 2,3 lorsqu’il survient à un âge plus avancé (6).
Toutefois, les liens entre contrôle glycémique et risque de démence ne se réduisent pas à la simple survenue d’épisodes hyper- ou hypoglycémiques. Selon une étude chinoise présentée au congrès de l’EASD, la démence liée à l’âge semble bien mieux prédite par la variabilité glycémique. Ou, pour être plus précis, par l’amplitude des variations glycémiques, évaluée en fonction du temps. Dénommé CGI (pour « complexity of glucose time series index »), cet indice se calcule à partir des données des capteurs CGM (mesure du glucose en continu), dont sont équipés un nombre croissant de patients.
Dans son étude menée sur 449 patients atteints d’un DT2, l’équipe chinoise a établi un lien entre l’indice CGI et la présence de troubles cognitifs légers -qui eux-mêmes favorisent le risque de démence. Parmi les symptômes plus fréquents, les troubles ayant trait à l’attention et aux fonctions exécutives. Parmi le tiers de patients ayant le CGI le plus faible, avec une glycémie très fluctuante, le risque de troubles cognitifs était multiplié par 2,03 par rapport aux patients ayant le CGI le plus élevé.
Si l’impact du diabète sur les démences liées à l’âge est bien établi, il n’en constitue qu’un facteur parmi bien d’autres. En 2020, la commission du Lancet sur les démences estimait, en l’état des connaissances, à 1% la fraction des cas attribuable au diabète*. Derrière le niveau d’études (7%), la perte d’audition (8%), le tabagisme (5%), la dépression (4%), l’isolement social (4%) et la pollution de l’air (2%). Selon les experts, 40% des cas de démence résultent de facteurs modifiables.
*Livingston G et al., Lancet, 8 août 2020
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