Les compléments alimentaires chez les sportifs de haut niveau, indispensable potion magique ou indémodable chimère ?
Pour le Dr Linh VU Ngoc, les sportifs peuvent être comparés à des véhicules différents, allant de la Twingo à l’avion de chasse en passant par la voiture de rallye. Si le moteur est différent, il en est de même du carburant utilisé, et donc des besoins énergétiques nécessaires selon le niveau de pratique.
Egora : Y a-t-il une alimentation de base que l’on retrouve pour chaque sportif de haut niveau ?
Dr Linh VU Ngoc : Oui, si la qualité et la structure du carburant vont être différents d’un sportif à l’autre, on observe toujours le même schéma : l’apport constant et régulier de glycogène. Le dogme que j’utilise : "L’entraînement commence dans ton assiette." Et la base est un apport équilibré en glucides, lipides et protéines, apporté grâce à une alimentation équilibrée et diversifiée. C’est tout un process qui entre dans une éducation et une hygiène nutritionnelle, qui commence bien en amont de la compétition. C’est une hygiène de vie, une philosophie, un état d’esprit.
Vous parlez de glucides, lipides, protéines. Or, le carburant principal semble être le glycogène. Y a-t-il réellement un intérêt majeur des autres macro-nutriments dans la pratique sportive ?
L’apport énergétique des protéines est effectivement vraiment faible. Mais les protéines sont structurantes. Elles sont à la fois le squelette des fibres musculaires, mais aussi des vecteurs de transmission entre les cellules, grâce aux transporteurs protéiques notamment. Les lipides, quant à eux, sont aussi une réserve énergétique moindre par rapport aux glucides, mais cette réserve énergétique secondaire est extrêmement intéressante pour les sports de fond. Les lipides sont aussi structurants pour les différents tissus, et avec une action sur notre immunité, sur l’inflammation. Ils sont essentiels pour l’équilibre et l’hémostasie de notre métabolisme.
On entend de plus en plus parler de multiples compléments alimentaires, jusqu’à penser qu’ils sont indispensables à la performance. Quels conseils donnez-vous à vos sportifs à ce propos ?
La règle chez nous : pas de compléments alimentaires si pas de carences, que l’on recherche chez nos sportifs par des bilans biologiques nutritionnels réguliers. Les athlètes sont effectivement très friands des compléments alimentaires, les assimilant à des "solutions miracles" nécessaires à une performance, telle que faire "La Diagonale des fous" en moins de 24h [Grand raid à la Réunion, NDLR]. Certains peuvent modérément aider à accélérer la récupération mais finalement aucune pilule ne pourra jamais remplacer la complexité d’un aliment. Prenons l’exemple des Branched Chain Amino Acid pour acides Acides aminés ramifiés (BCAA) : ce sont tout simplement des composants des protéines. Il vaut mieux manger régulièrement un bon steack que de prendre une pilule ! En effet, notre corps est conçu afin d’assimiler de façon optimale un aliment naturel, alors que seul un tiers d’un produit chimique le sera, le reste étant directement éliminé. Prenons un autre exemple, la spiruline : les besoins en spiruline de l’organisme sont très faibles et on va les retrouver dans une poignée d’amandes ! Quant aux anti-oxydants, nécessaires pour lutter contre les radicaux libres, sources de crampes, on ne les donne pas non plus sous forme de pilules. Il suffit de manger des crudités, des fruits et légumes crus.
Ainsi, notre philosophie est de persuader les sportifs que les compléments alimentaires ne leur apporteront rien de miraculeux, excepté un impact sur leur portefeuille, et ne remplacera jamais un aliment ni la récupération active et passive dite naturelle, qui passe par la relaxation, les étirements, les massages et le repos !
Les seuls compléments alimentaires que l’on va donner hors carences sont des protéines très rapidement après un gros effort physique, lors de la fenêtre métabolique [Fenêtre d’une heure, au décours immédiat d’une performance sportive ayant détruit de nombreuses fibres musculaires par hyper-catabolisme, durant laquelle l’organisme va reconstituer ses réserves en macro-nutriments, NDLR], sous forme de barre, poudre ou shaker, lorsque le sportif n’est pas capable de se les administrer sous forme d’aliment naturel.
Et les produits dopants dans l’assiette, où en est-on aujourd’hui ?
Quand on est sportif de haut niveau, quoiqu’on prenne, que ce soit un aliment ou un complément alimentaire, on doit faire très attention à ce qu’il ne soit pas considéré comme un produit dopant. Le sportif est toujours responsable de ce qu’il prend.
Quand il s’agit d’un médicament, on peut aller vérifier dans la rubrique "Médicaments du site internet de l’AFLD" [Agence Française de Lutte contre le Dopage, NDLR]. Cela n’existe pas encore en France pour les compléments alimentaires. Et c’est notamment très embarrassant quand on ne connaît pas la provenance des compléments alimentaires qui peuvent avoir été contaminés par des produits considérés comme produits dopants. On a la norme AFNOR NF EN 1744, qui certifie d’un respect du cahier des charges dans le process de fabrication. Elle spécifie un cadre de bonnes pratiques dont l'objectif est d'empêcher la présence de substances interdites dans les produits destinées aux sportifs mais elle ne peut pas certifier à 100% que le produit final (sorti des chaines de production) est totalement indemne de substance interdite.
Le Dr Linh VU Ngoc déclare n’avoir aucun lien d’intérêt.
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Références :
D’après un entretien avec le Dr Linh VU Ngoc, médecin du sport, chef du pôle médical et paramédical du CREPS-IDF
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