La fin de la Paces décryptée par le cerveau de la réforme

18/12/2018 Par Fanny Napolier
On en sait enfin plus sur le système qui remplacera la Paces tant décriée, dès la rentrée 2020. Le Pr Jean-Paul Saint-André, qui a dirigé la concertation, a remis ce mardi son rapport à Agnès Buzyn et Frédérique Vidal. Pour Egora, il détaille la réforme et apporte un éclairage important sur ce qui attend les étudiants.

    Egora.fr : Après le bac, un étudiant qui voudrait faire des études de médecine aura deux grandes options : une licence ou un Portail santé. Pouvez-vous nous expliquer d'abord cette année de Portail santé ? Pr Jean-Paul Saint André : Le Portail santé, pour commencer par le plus important, n'est pas une filière sélective. Elle sera accessible sur ParcourSup, comme toutes les autres filières non sélectives, avec une capacité d'accueil qui sera définie. Le ministère demandera à ce que la capacité d'accueil à venir ne soit pas inférieure à sa capacité d'accueil actuelle. En ce qui concerne le programme, il y a un travail complémentaire à faire. Il est certain qu'une partie du programme reprendra un certain nombre de choses, en particulier en biologie mais aussi en sciences humaines, qui font aujourd'hui partie du programme de la Paces. Ce qui sera demandé, c'est qu'il y ait des éléments de programme, des unités d'enseignements, voire quelque chose qu'on peut identifier comme une mineure, qui permettent à un étudiant de préparer une éventuelle orientation vers une autre filière que les filières santé, en cas d'échec aux épreuves de sélection, ou bien parce qu'il a réfléchi et qu'il souhaite autre chose, puisque qu'il y aura dans cette formation un travail d'accompagnement sur le projet professionnel. On peut imaginer qu'une partie des enseignements de Portail santé soient constitués autour de la biologie, qu'une autre partie puisse être constituée autour des sciences humaines depuis le droit jusqu'à la psychologie, et qu'une autre partie soit constituée autour des sciences exactes, que ce soit physique chimie ou sciences de l'ingénieur. On pourrait avoir des blocs, qui vont permettre à un étudiant de s'orienter en fonction de son appétence, en fonction de son cursus préalable au lycée, de manière à préparer son projet professionnel vers d'autres cursus, en sciences humaines ou plus sciences de l'ingénieur.

  Concernant le cursus au lycée, on a pu lire qu'il y aurait obligation d'avoir suivi trois ans de SVT… Est-ce vraiment un critère ? Non, ce n'est pas du tout d'actualité. J'ai vu passer ça. Je ne sais pas d'où ça sort, mais ça n'est pas prévu. Cette réforme d'entrée dans les études de santé coïncide presque avec la réforme du Bac et c'est vraiment intéressant. On peut imaginer que si on veut aller vers un Portail santé, on puisse faire des choix d'options en Première et en Terminale qui soient plus SVT ou sciences exactes, les deux sont envisageables. Mais si on choisit des options qui sont plus sciences humaines, on peut tout à fait accéder aux études de santé, plutôt en passant par une licence correspondante, en sciences économiques et sociales par exemple avec une mineure santé, comme ce sera proposé dans de nombreuses universités.   Venons-en à la seconde voie. C'est une année de licence, voire plus, au terme de laquelle l'étudiant pourra postuler en médecine… Une année de licence validée, voire deux. L'option d'une entrée après la troisième année sera sans doute une option très minoritaire. Cette voie d'entrée sera possible aussi bien pour ceux qui ont échoué après une année de Portail santé, que pour ceux qui ont choisi d'emblée le cursus licence avec mineure santé.   Les étudiants qui choisiraient Portail santé, et qui ne réussiraient pas les épreuves en fin d'année, pourraient avoir une seconde chance en réintégrant une licence ? Tout à fait. Ils ne redoubleront pas une année validée, mais ils auront une deuxième chance. C'est quelque chose qui ressemble au dispositif qui est en cours de mise en place, qui s'appelle Paces One.   Toutes les licences ne permettront pas une candidature en santé. Avez-vous une idée des licences qui le permettront et de celles qui ne le permettront pas ? Non, aujourd'hui je ne peux pas le dire. Ça dépend de l'offre de licence des universités, et un certain nombre de choses seront au choix des responsables des différentes filières médecine, maïeutique, odontologie, pharmacie. Le texte dit qu'il est possible que certaines filières choisissent préférentiellement certaines licences et pas d'autres. Aujourd'hui, on n'a pas de certitude là-dessus. Quand on regarde aujourd'hui ce qu'il se passe dans les AlterPaces, on voit que certaines universités ont choisi d'ouvrir l'accès aux études de santé à toutes les licences et que d'autres ont fait des choix autour de la biologie et de la physique-chimie. Mais c'est quelque chose qui reste ouvert, et qui selon toute vraisemblance, sera de la compétence des universités.

Est-ce que le fait que les universités aient autant de compétences, notamment sur le mode de sélection, ne va pas entraîner des disparités ou des inégalités pour l'accès aux études de médecine ? Sur le mode de sélection, c'est une question ouverte. Il est vraisemblable qu'il y ait un certain cadrage national sur les modalités de sélection. C'est ce que j'ai écrit dans le rapport. C'est une question qui sera traitée dans le décret qui paraîtra dans le courant de l'année 2019. Ensuite, ces formations feront l'objet d'une accréditation. Les universités auront à déposer un dossier, qui sera ou non validé, et seront évaluées à intervalles réguliers. Il y aura forcément des différences entre les universités, c'est déjà le cas actuellement. Des disparités et des inégalités sur le territoire, non, je ne crois pas qu'on puisse dire les choses comme ça.   Vous voyez plutôt ça comme une identité, une particularité des établissements… Oui, bien sûr.   Que préconisez-vous pour les étudiants actuellement en Paces, ou qui le seront l'année prochaine, avant la mise en place de la réforme ? C'est aussi une question qui reste en débat. Il faut trouver une solution pour permettre que leurs chances soient préservées et identiques à ce qu'elles auraient été en l'absence de la réforme. En pratique, c'est une expérience qu'on a déjà avec PluriPass à Angers, et avec les PacesOne. Dans l'année de transition, l'année où on supprime le redoublement, il faut une augmentation transitoire du numerus clausus pour que les étudiants aient des chances qui soient préservées.   Est-ce que le fait de réserver 60% des places au Portail santé, et 40% à l'entrée après licence augmente vraiment les chances des étudiants d'entrer en médecine ? D'abord, ce n'est pas plus de 60%, mais ça peut être moins. On peut même imaginer une université qui ne mette pas en place de Portail santé. C'est quelque chose qui n'est pas inenvisageable. Après, au niveau des chances des étudiants, il y aura deux aspects. Il y aura l'aspect affichage par les universités du nombre de places qu'elles ouvrent en fonction du type d'entrée, qui devra être porté à la connaissance des lycéens. Et il y aura la répartition qui se fera des lycéens sur les différentes portes d'entrée. Il faudra être extrêmement vigilant en termes d'information, il faudra qu'on explique bien aux lycéens qu'il n'y a pas de voie royale. Que la meilleure solution n'est peut-être pas de s'inscrire dans le Portail santé. Au début, il risque d'y avoir plus d'inscrits dans cette voie-là que dans les autres et les pourcentages définis feront que ce sera peut-être la voie où la chance individuelle du lycéen sera la plus faible. Il faudra être très pédagogue.   Des organisations étudiantes ont rédigé une tribune récemment pour dire que le nouveau système serait finalement aussi sélectif que le précédent… Oui. La tribune a été faite avant la publication du rapport. Elle a été faite, pour en avoir parlé avec l'un des auteurs, en réaction à la réunion organisée par la Conférence des doyens et la Conférence des présidents d'université, où un certain nombre de choses ont été présentées. Or, ce qui est dans le rapport n'est pas exactement ce qui a été présenté ce jour-là. Les étudiants ont rétabli un certain équilibre. Ça me paraissant légitime, au moment où ils l'ont fait. Aujourd'hui, les toutes premières réactions des associations étudiantes au rapport sont plutôt positives.   Une des grandes critiques de la Paces concernait la cruauté du système, la pression sur les étudiants, le côté inhumain… Comment cette réforme répond-elle à ces critiques ? Le point négatif, c'est que quoi qu'on fasse, il y a beaucoup plus de candidats aux filières santé que de places disponibles. Et même s'il n'y a plus le numerus clausus il y aura un contrôle des flux. Et donc, il y aura forcément des déçus. Il y a plusieurs différences avec la Paces. Outre le fait qu'on ne redouble pas et qu'on reconnaît la validation d'une année pour un étudiant, il y a le fait qu'on dissocie la validation de l'année de l'admission dans les filières de santé. Ce qui fait qu'on peut faire du contrôle continu, qu'on peut avoir des modalités de contrôle des connaissances qui sortent du tout QCM. Il y aura aussi l'épreuve d'admission, qui restent à imaginer en se servant des expérimentations, avec des épreuves orales. On sort du bachotage un peu stupide induit par les QCM.   Et sur le côté diversification des profils ? La diversification des profils est inscrite dans les différentes modalités d'entrée.  Si on recrute via une licence économie gestion, on ne recrutera pas les mêmes profils que ceux qui sont recrutés aujourd'hui à partir d'un bac S. Si on recrute des étudiants qui ont engagé un cursus de psycho, il n'y aura pas les mêmes profils non plus.   Vous invitez les universités à travailler sur cette diversification des profils, même pour les étudiants venus des sciences humaines par exemple… Je pense qu'on a tout intérêt à cela et tous les gens qui ont travaillé sur les expérimentations sont convaincus que c'est possible et pertinent. J'ajoute aussi que ce dispositif permet à des universités qui n'ont pas de composantes santé de proposer un recrutement dans les filières santé via ses licences avec mineure santé. Ça, c'est quelque chose qui peut permettre de favoriser l'accès aux études de santé de jeunes qui sont issus de territoires où il y a des problèmes de démographie médicale, notamment les territoires qui n'ont pas de CHU. Quand on regarde les cartes de démographie et les cartes des CHU, on voit très bien où sont les médecins. Ils sont à proximité des CHU. Ce dispositif permettra d'améliorer les choses.   Concernant le calendrier, la concertation n'est pas terminée ? La concertation va se poursuivre. Elle va être pilotée par les deux ministères sur la préparation de l'écriture du décret. Tout ceci doit être mis en musique sous la forme d'un décret en conseil d'Etat. Il va y avoir un projet de loi qui va dire que la Paces et le numerus clausus sont supprimés et qui va donner quelques indications sur ce qui va les remplacer. Et après l'essentiel sera dans le décret pour lequel la concertation va se poursuivre, sans doute sur la base du rapport mais avec une autre écriture puisque ce sera une écriture juridique.   Savez-vous quand doit être rendu ce décret ? J'ai commencé par un retro-planning. Il faut que le décret soit validé au cours du premier semestre 2019 puisqu'il faut que Parcours sup nouvelle formule soit opérationnel en novembre 2019.

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