Arrêts de travail, urgences, CPTS... Ce qui va changer pour vous dans le budget de la sécu 2019

29/10/2018 Par Catherine le Borgne
Politique de santé

Près de 1 500 amendements, plusieurs séances de nuit et, vaille que vaille, un vote solennel des députés en première lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale (Plfss) 2019 ce mardi. Coups de projecteurs sur un projet de texte (il sera définitivement voté fin décembre), qui oscille entre les moyens accordés à la transformation du système de santé et le renforcement de la maîtrise des dépenses.

Le vote du projet de budget de la sécurité sociale est toujours une traversée au long cours… Premier budget marquant réellement l'empreinte du nouveau gouvernement, après la loi de financement "de transition" de l'an passé, ce Plfss 2019 est en équilibre, ce qui est une première après les années de trous de la sécu. Mieux, il est en excédent de 700 millions d'euros ce qui ne s'était pas vu depuis 18 ans, a fait remarquer le président de l'Assemblée nationale, Richard Ferrand. Dans cet ensemble et malgré un déficit structurel encore récemment brocardé par la Cour des comptes, la maladie s'est tire bien, avec un objectif d'évolution des dépenses en croissance "confortable", selon le terme d'Olivier Véran, le rapporteur général du Plfss, de 2,5 %. Ceci grâce au bonus de 400 millions d'euros rajouté à l'Ondam initialement arrêté, afin de financer le plan de refondation du système de santé "Ma santé 2022". Selon le gouvernement, 3,420 milliards seront consacrés, d'ici 2022, à la réforme. Mais en 2019, l'équilibre reposera sur 2,4 milliards d'économies réallisés sur l'évolution naturelle des dépenses maladie, dont le plus gros des coups de rabots, s'opérera, comme de coutûme, sur l'industrie pharmaceutique. A noter qu'une réserve prudentielle de 120 millions d'euros sur l'Ondam de ville a été instaurée, qui ne sera débloquée que si les dépenses restent dans les clous. L'hôpital et la ville, sont donc à égalité de traitement sur ce plan. Voici quelles sont, pour la maladie, les principales mesures adoptées :

  • Le reste à charge zéro sur un panier de soins concernant les prothèses auditives et dentaires, et les lunettes a été adopté, conformément à l'engagement du président de la République. La mise en place se fera progressivement à partir de l'an prochain, pour les aides auditives, dès le 1er avril 2019 pour les prothèses dentaires et au 1er janvier 2020 pour les lunettes. Un observatoire des prix sera mis en place par le gouvernement, mais aussi par les mutuelles.

La mesure coûtera 1 milliard d'euros, 750 millions pour l'assurance maladie et 250 pour les organismes de protection complémentaire.  

  • L'élargissement des bénéficiaires de la CMU-C. Découlant du plan pauvreté, la disposition qui a été adoptée, propose de permettre aux personnes éligibles à l'ACS (aide à la complémentaire santé), de pouvoir accéder à la CMU-C, moyennant une participation financière limitée à 1 euro par jour, voir moins pour les étudiants et les jeunes. 1,2 millions de personnes sont visées.  Mise en place au 1er novembre 2019.​

 

  • Qualité des soins. Mise en place d'un système de bonus-malus pour les établissements de santé ne remplissant pas certaines règles de qualité. L'enveloppe qualité a été portée de 60 à 300 millions d'euros.

Sanctions pour les établissements chirurgicaux exerçant sans agrément, principalement dans le cadre du traitement du cancer du sein et de l'ovaire, car ils ne respectent pas les seuils d'activité minimum.  Ces établissements seraient tenus de rembourser les actes effectués à l'assurance maladie - mais le patient serait toujours remboursé. Néanmoins, les hôpitaux non agréés ne seraient pas sanctionnés s'ils doivent opérer après la découverte fortuite d'un cancer. "On a enfin un levier pour faire comprendre que ces pratiques ne peuvent plus être tolérées", s'est félicitée Agnès Buzyn.  

  • Renforcement de la politique du générique. Malgré l'opposition des médecins, des pharmaciens et des patients – un exploit ! – le Plfss instaure deux dispositions censées accélérer la prescription de génériques, moins consommés en France (36 % en volume) qu'ailleurs en Europe (80 % en Allemagne et au Royaume uni).  D'une part, le Plfss instaurera dès 2020, le remboursement  sur la base du générique le plus cher, lorsqu'un patient exigera la prescription d'un produit princeps.

Il obligera d'autre part, les prescripteurs à inscrire manuellement sur l'ordonnance, la justification médicale de Non Substitution, conformément aux recommandations de l'Ansm. Une partie des 3,8 milliards d'euros attendus en 2019 sur l'évolution tendancielle des dépenses de santé repose sur cette disposition.  

  • Surveillance des arrêts de travail. Dans l'attente d'une remise à plat de la problématique des arrêts de travail qui interviendra lorsque la mission ad hoc aura rendu ses conclusions, le Plfss instaure des dispositions tendant à généraliser la prescription dématérialisée des arrêts maladie, et faciliter le recours au mi-temps thérapeutique, qui pourra être prescrit en première intention.

 

  • Accès aux soins, coordination des soins.  Création et financement des assistants médicaux, développement des CPTS (communautés professionnelles territoriales de santé).

L'Assemblée a donné son feu vert à l'unanimité à l'accélération et au déploiement des assistants médicaux et des CPTS. Les profils recherchés des assistants médicaux seraient plutôt ceux "d'aides-soignants cherchant une reconversion", a précisé Agnès Buzyn.  "Ma santé 2022" prévoit la création de 4 000 postes d'assistants et la couverture du pays en CPTS, dans un délai de trois ans.   "Les conditions de déploiement et d'accompagnement financier de ce nouveau dispositif (…) seront définies dans les cadres conventionnels correspondant aux différentes structures concernées (cabinets médicaux, maison et pôles de santé, centres de santé)", précise le texte de l'amendement. La première mission des CPTS sera de garantir la prise en charge des soins non programmés, et l'accès des patients à un médecin traitant, lorsqu'ils en sont dépourvu.  

  • Financement des maladies chroniques. Un amendement instaure un mode de rémunération forfaitaire, c'est à dire "un financement qui encourage les professions de santé à exercer de manière coordonnée "en remplacement du paiement à l'activité (T2A), "pour réduire les dépenses de santé et améliorer la qualité des soins".

Dès 2019, des forfaits seront mis... en place dans ces établissements de santé, concernant le diabète et l'insuffisance rénale chronique. Le mécanisme sera étendu l'année suivant à d'autres pathologies et à la médecine de ville. Les pathologies chroniques représentent 60 % des dépenses de santé pour 17 % des assurés.  

  • Délégation de tâches, transfert de compétences. Une année après l'instauration de la vaccination obligatoire de 11 vaccins, et une expérimentation de la vaccination antigrippale par les pharmaciens, ce mois d'octobre, le PLFSS généralise la vaccination par les pharmaciens, pour la campagne de vaccination 2019-2020.

Mais l'amendement préconisant d'autoriser le pharmacien d'officine, conformément à un protocole de transfert de compétences conclu à l'échelle du CPTS,  à dispenser des médicaments à prescription obligatoire concernant trois pathologies "à diagnostic simple", a été rejeté tant a été forte  l'hostilité des médecins. "La situation n'est pas mure", a constaté Olivier Véran. En revanche, un autre amendement, préconisant la possibilité de renouvellement de l'ordonnance d'un patient chronique par un pharmacien, a été adopté.  

  • Hôpitaux, urgences, Ehpad. Malgré une forte polémique, l'amendement d'Olivier Véran sur les urgences a été adopté. Pour désengorger les urgences, le texte préconise une expérimentation de trois ans : le versement à l'hôpital d'un forfait de réorientation , une somme forfaitaire de 40 à 60 euros, pour chaque patient atteint de pathologie bénigne et renvoyé, avec un rendez-vous, des urgences chez un praticien de ville ou un service spécialisé. Ceci pour qu'il n'y perde pas trop dans la manœuvre. Le député estime que ce mécanisme permettra de réorienter 6 millions de patients/an

Un investissement de 400 millions d'euros sera fléché vers les hôpitaux de proximité, qui devront se structurer,  et vers les nouveau mode de financement à la qualité et la coordination des soins de deux pathologies chroniques, le diabète et l'insuffisance rénale chronique. 125 millions iront aux Ehpad dont la réforme du mode de tarification sera avancée d'une année, à 2021. L'évaluation des hôpitaux par les patients sera renforcée,  les indicateurs de satisfaction des patients ayant été rendus obligatoires par le Plfss 2019. Une série d'autres amendements a été votée :

  • Allongement du congé paternité dans le cas de la naissance d'un enfant prématuré hospitalisé
  • Etalement sur 4 ans de la hausse de la fiscalité des spiritueux en Outre-mer notamment
  • Dispositif de repérage précoce des enfants autistes.

Mais les députés ont refusé la proposition d'allègement des charges sociales pesant sur les praticiens en cumul emploi-retraite reprenant du service dans les déserts.

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