Explorer la sphère anale dans un contexte de lésions gynécologiques à papillomavirus permet de dépister un éventuel cancer de l’anus à un stade précoce et curable, mais aussi des lésions précancéreuses ou encore des condylomes acuminés anaux à un stade précoce. "Un cancer anal de grade 1 dépisté à un stade précoce guérit dans plus de 95 % des cas versus moins de 50% pour les grades 4. D’autre part, pour un cancer < 2 cm, une exérèse chirurgicale suffit. Il n’est pas nécessaire de mettre en place un traitement par radio-chimiothérapie dont les séquelles sont compliquées à gérer", introduit la Dre Anne Laurain, hépato-gastro-entérologue (Hôpital Bichat). Dans un contexte de lésions gynécologiques à papillomavirus (HPV), le risque de cancer de l’anus reste rare. Il est de 2,5 / 100 000 / an dans la population générale, de 4 à 8 / 100 000 / an chez les patientes avec antécédents de CIN2-3 et de 9 / 100 000 / chez celles avec antécédents de cancer du col. Mais il augmente en cas d'antécédent de cancer vulvaire à 48 / 100 000 / an. "Une méta-analyse intéressante (Gary M. Clifford et al., Int. J. Cancer 2021) indique le risque de cancer de l'anus en fonction de différentes populations à risque, stratifiées sur l’âge. Les femmes les plus à risque sont d'abord celles transplantées d'organes depuis plus de dix ans et celles avec des antécédents de cancer de la vulve ou des lésions précancéreuses. Ensuite viennent les femmes > 45 ans vivant avec le VIH puis celles avec des antécédents CIN2-3 qui ont un sur-risque après 60 ans", précise la médecin. Tous deux liés à l'activité oncogène du HPV, le cancer de l’anus est plus rare que le cancer du col de l’utérus. Il concerne plus de 1 100 nouveaux cas par an en France chez les femmes versus 3 000 pour le cancer du col. Mais son incidence est en constante augmentation (x4) depuis 30 ans, alors que celle du cancer du col est en baisse grâce au dépistage. Son pic d'incidence est plus tardif (autour de 60 ans) versus 40 ans pour le col. L’évolution des dysplasies de haut grade vers le cancer de l’anus est plus rare. Une étude (L. Abramowitz, PLoS One 2018) montre qu’une lésion de haut grade sur 4 000 par an évolue vers le cancer chez les patients (hommes ayant des rapports sexuels avec les hommes non VIH). C'était plus fréquent (1 / 600) pour les hommes VIH+. En revanche, une lésion de haut grade sur 80 par an évolue vers le cancer du col. Traiter les dysplasies de haut grade Une récente étude (J.M. Palefsky, New England Journal of Medicine, 2022) a montré pour la première fois que traiter les dysplasies de haut grade de l'anus permettait de diminuer l'incidence du cancer anal. Une cohorte d'hommes VIH+ avec des lésions de haut grade de l'anus avaient des anuscopies haute résolution (AHR) tous les six mois répartis en deux bras (traitement et surveillance). Dans le bras traitement, le risque de cancer a diminué de 57 %. "Nous pouvons toutefois remarquer qu’il aura fallu faire 11 158 AHR pour éviter douze cancers", indique la gastroentérologue. Les stratégies de dépistages Trois stratégies sont envisageables pour dépister un cancer de l’anus. La première est l’examen de la marge anale et le toucher anal réalisés par les médecins. Extrêmement sensible, le toucher anal peut identifier des lésions < 3 mm mais il ne permet pas de rechercher les lésions de haut grade. Ensuite l'examen proctologique avec anuscopie standard est réalisé par le gastroentérologue. Il permet de détecter les lésions macroscopiques de haut grade mais pas celles microscopiques. Et enfin le frottis puis l’AHR permettent de voir des lésions de haut grade, même microscopiques. En revanche, moins de quinze proctologues en France font de l’AHR. "Le risque de cette stratégie est celui d’un surtraitement car les lésions de haut grade microscopiques de l'anus régressent spontanément dans plus de 25% des cas. Aujourd’hui, il n’existe pas de consensus concernant les lésions de dysplasie de haut grade. Nous attendons les résultats des grandes cohortes et la rédaction des RPC de la société de proctologie », complète la Dre Laurain qui conclut « dans la pratique quotidienne, il est important de questionner les patientes pour savoir si elles ont des symptômes, une gêne au niveau de l’anus (saignements, douleurs, tuméfaction, prurit anal). Il ne faut pas se laisser influencer par une réponse de type : 'Tout va bien, j’ai juste des hémorroïdes de temps en temps'. L’objectif est de détecter les petits cancers T1, de traiter les autres pathologies anales et d’adresser ces patientes vers le proctologue et bien sûr de transmettre les messages de prévention (vaccination et arrêt du tabac)."
La sélection de la rédaction
Limiter la durée de remplacement peut-il favoriser l'installation des médecins ?
François Pl
Non
Toute "tracasserie administrative" ajoutée ne fera que dissuader de s'installer dans les zones peu desservies (et moins rentables)... Lire plus