L’impact négatif de l’antibiothérapie sur l’efficacité de l’immunothérapie par inhibiteurs du check-point a conduit à suspecter l’influence du microbiote. Plusieurs travaux cliniques ont révélé qu’une antibiothérapie récente réduit les performances de l’immunothérapie antitumorale par des inhibiteurs du check-point, anti-PD1 ou anti-PDL1. Dans une étude, publiée en 2018, entreprise chez 360 patients traités à l’Institut Gustave Roussy de Villejuif (94) et au Memorian Sloan Kettering Cancer Center de New York, la médiane de survie globale atteignait ainsi après immunothérapie 17,3 mois chez les 16 patients avec un adénocarcinome rénal avancé ayant pris des antibiotiques au cours des 30 jours précédents contre 30,6 mois chez les 105 autres patients non traités par antibiotiques (p = 0,03) (1). Les chiffres de survie correspondants étaient de 7,9 mois et de 24,6 mois chez les patients avec un cancer bronchique non à petites cellules (CBNPC) traités (n = 48) ou non antérieurement par antibiothérapie (n = 191) (p < 0,01) (1). Une étude prospective britannique récente entreprise en conditions de « vraie vie », ayant inclus 196 malades dont 119 avec un CBNPC, 38 avec un mélanome, et 39 avec d’autres cancers (de la tête et du cou...) va dans le même sens, avec des taux de survie globale considérablement abaissés en cas d’antibiothérapie dans les 30 jours ayant précédé l’immunothérapie (2,5 contre 26 mois de survie pour le CBNPC, 3,9 contre 14 mois pour le mélanome, 1,1 contre 11 mois pour les autres tumeurs) (2). Cet effet délétère, qui s’associait à une moindre réponse initiale à l’immunothérapie, ne dépendait ni du site tumoral, ni de la charge tumorale, ni de l’état général des patients, ni même du type d’antibiothérapie antérieure effectué. En revanche, fait intéressant, la réalisation concomitante d’une antibiothérapie ne réduisait pas l’activité de l’immunothérapie. Plusieurs phénomènes pourraient expliquer ces résultats. Mais, beaucoup de spécialistes suspectent un rôle du microbiote car, rappellent les auteurs de la première étude franco-américaine, « l’antibiothérapie modifie transitoirement la composition du microbiote intestinal, et les études d’ARN ribosomal 16S révèlent qu’après arrêt de l’antibiothérapie le retour à la normale se fait en 1 à 3 mois ». Ces spécialistes ont aussi observé que l’effet de l’antibiothérapie est moins prononcé lorsqu’elle a été instaurée 60 jours avant le début de l’immunothérapie. D’autres études de flore conduites chez des patients avec un mélanome métastatique ont mis en évidence une relation entre réponse à l’immunothérapie, par inhibiteurs du check-point, et un microbiote intestinal enrichi en bactéries de la famille des Ruminococcaceae et en Bifidobacterium spp (3,4). La transplantation de cette flore chez des souris germ-free recevant des cellules de mélanome a amélioré la réponse T à l’immunothérapie et freiné la croissance tumorale. A l’Institut Gustave Roussy de Villejuif, une « cacathèque » a été constituée. L’analyse de la flore d’une cinquantaine de patients traités par immunothérapie a mis en évidence une abondance plus forte de certaines bactéries (Akkermansia muciniphila et Bacteroides salyersiae) chez les répondeurs. Espérons que ces recherches sur le microbiote permettront d’optimiser l’immunothérapie. L’enjeu est d’importance car environ un patient sur 5 seulement répond à ce type de traitement.
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